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N° 788

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

précisant l’application du principe de laïcité dans
les établissements scolaires publics des premier et second degrés,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Jérôme BUISSON, Bénédicte AUZANOT, Philippe BALLARD, Christophe BARTHÈS, Romain BAUBRY, José BEAURAIN, Pierrick BERTELOOT, Bruno BILDE, Sophie BLANC, Frédéric BOCCALETTI, Pascale BORDES, Jorys BOVET, Frédéric CABROLIER, Victor CATTEAU, Sébastien CHENU, Roger CHUDEAU, Annick COUSIN, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Jocelyn DESSIGNY, Edwige DIAZ, Sandrine DOGOR‑SUCH, Nicolas DRAGON, Christine ENGRAND, Frédéric FALCON, Thibaut FRANÇOIS, Thierry FRAPPÉ, Stéphanie GALZY, Frank GILETTI, Yoann GILLET, Christian GIRARD, José GONZALEZ, Florence GOULET, Géraldine GRANGIER, Daniel GRENON, Michel GUINIOT, Jordan GUITTON, Marine HAMELET, Timothée HOUSSIN, Laurent JACOBELLI, Alexis JOLLY, Hélène LAPORTE, Laure LAVALETTE, Julie LECHANTEUX, Gisèle LELOUIS, Hervé de LÉPINAU, Katiana LEVAVASSEUR, Christine LOIR, Aurélien LOPEZ‑LIGUORI, Philippe LOTTIAUX, Matthieu MARCHIO, Michèle MARTINEZ, Alexandra MASSON, Bryan MASSON, Kévin MAUVIEUX, Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, Thomas MÉNAGÉ, Serge MULLER, Julien ODOUL, Caroline PARMENTIER, Kévin PFEFFER, Lisette POLLET, Stéphane RAMBAUD, Angélique RANC, Julien RANCOULE, Laurence ROBERT‑DEHAULT, Emeric SALMON, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Jean‑Philippe TANGUY, Michaël TAVERNE, Antoine VILLEDIEU,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’article L. 141‑5‑1 du Code de l’Éducation interdit formellement « le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ([1]) ». Cette interdiction complète et précise l’application du principe constitutionnel de laïcité rappelé à l’article L. 141‑1 du même code : « L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ([2]) », en conséquence, elle constitue aujourd’hui une loi sur l’éducation importante de la Cinquième République.

Au mépris de cette loi, on observe une forte augmentation des atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires : selon les données du ministère de l’Éducation nationale, durant le premier trimestre de l’année scolaire 2021‑2022, 636 signalements datteintes au principe de laïcité ont été recensés dans les établissements scolaires des premier et second degrés contre 904 lors du troisième trimestre. Seulement pour le mois de septembre 2022, 313 signalements ont été recensés ([3]) : si ce nombre reste stable au cours du trimestre, les données du premier trimestre de l’année scolaire 2022‑2023 marqueraient une nouvelle augmentation significative du nombre de signalements. Parmi les signalements du mois de septembre 2022, une majorité soit 54 % porte sur le port de signes et tenues en particulier.

Plus généralement, selon une étude publiée à l’occasion de la journée de la laïcité à l’école de l’institut de sondage IFOP ([4]), 55 % des lycéens et 75 % des enseignants ont déjà observé une fois une forme d’expression ostensible du fait religieux durant leur scolarité ou carrière, dans les lycées classés comme prioritaires ce chiffre monte à 63 % des lycéens. 48 % des lycéens et 65 % des enseignants en lycée public ont même observé au moins une fois un ou des élèves remettre en cause le contenu des enseignements en raison de leur confession. Ces chiffres accablants nous montrent l’ampleur de ce phénomène d’atteinte à la laïcité et la progression de l’islamisme dans nos écoles, collèges et lycées.

Comme le rappelle le vade‑mecum du ministère de l’Éducation nationale sur la laïcité à l’école ([5]), il existe deux natures d’atteintes à la laïcité à l’école concernant le port de signes ou tenues : un signe ou une tenue manifestant ostensiblement une appartenance religieuse peut l’être par nature comme le voile islamique, la kippa ou une soutane ou encore l’être par destination, comme nous le montre le cas de certaines jeunes filles avec le port du bandana ([6]).

Il appartient aux pouvoirs publics de se saisir pour faire reculer cette menace directe aux valeurs de notre République, au principe de la laïcité et au bon déroulement de la scolarité de nos enfants.

Dès lors, à propos de l’interdiction du port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse, deux problèmes se posent : la responsabilité de l’identification d’un tel signe ou d’une telle tenue repose sur le professeur. Encore une fois, l’identification, qui peut être contestée par la personne visée, revient aux professeurs qui sont en première ligne et peuvent faire l’objet d’injures ou de menaces. Enfin, les personnes visées par ces signalements peuvent profiter à dessein de la confusion qui peut exister entre des signes ou tenues à caractère culturel et ceux à caractère cultuel. À cet égard, nous pouvons citer en exemple le cas du port de vêtement tels que les abayas ou les qamis brandis par certains élèves comme une tenue à caractère culturel.

Cette proposition de loi très simple prévoit de cesser l’ambiguïté pouvant exister en astreignant le ministère de l’Éducation nationale à fournir aux professeurs un cadre d’application simplifié et sans équivoque de l’article L. 141‑5‑1 du code de l’éducation tout en leur laissant une possibilité d’identification de tenues ou de signes qui revêtent un caractère religieux par destination.

L’article unique de cette proposition de loi prévoit la création, par décret, d’une liste de signes ou de tenues toujours considérés comme une manifestation ostensible d’appartenance religieuse qui donnerait aux professeurs un cadre clair d’application de la loi. Cette liste ne serait toutefois pas exhaustive pour laisser aux professeurs une latitude dans l’appréciation du caractère religieux d’une tenue ou d’un signe.


proposition de loi

Article unique

Après le premier alinéa de l’article L. 141‑5‑1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice du premier alinéa, une liste de signes ou tenues toujours considérés comme une manifestation ostensible d’une appartenance religieuse est définie par décret en Conseil d’État. »


([1]) Depuis la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics

([2]) Alinéa 13 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en tant que Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958

([3]) Communication du ministère de l’Éducation nationale sur le bilan mensuel de l’action des équipes valeurs de la République - Disponible en ligne : https://www.education.gouv.fr/respect-du-principe-de-laicite-l-ecole-premier-bilan-mensuel-de-l-action-des-equipes-valeurs-de-la-343177

([4]) Sondage IFOP sur les lycéens, le droit à la critique des religions et les formes de contestations de la laïcité à l’école mené du 15 au 20 janvier 2021 pour le DDV (le Droit de Vivre) et la Licra - Résultats disponibles en ligne : https://www.ifop.com/publication/les-lyceens-le-droit-a-la-critique-des-religions-et-les-formes-de-contestations-de-la-laicite-a-lecole/

([5]) Fiche 3. Identification des signes et tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse du vade-mecum de décembre 2021 du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports « La laïcité à l’école »

([6]) Décision du Conseil d’État CE, 5 décembre 2007, n° 295671 qui considère que sont également interdits au titre de l’article L. 141-5-1 les signes ou tenues dont : « le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l’élève »