Description : LOGO

N° 789

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

ayant pour objet d’améliorer le dialogue entre les usagers et les organismes de sécurité sociale,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Guy BRICOUT, Béatrice DESCAMPS, Stéphane LENORMAND, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Julien DIVE, Emmanuelle MÉNARD, Bruno BILDE, Christophe NAEGELEN, Max MATHIASIN, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Jean-Félix ACQUAVIVA, Roger CHUDEAU, Bertrand PANCHER, Daniel GRENON, Victor CATTEAU, Philippe LOTTIAUX, Benjamin SAINTHUILE, Paul MOLAC, Nicolas RAY, Kévin PFEFFER, Vincent DESCOEUR, Félicie GÉRARD, Yoann GILLET, Pierrick BERTELOOT, Alexis JOLLY, Marcellin NADEAU, Michel GUINIOT, Estelle YOUSSOUFFA, Thierry BENOIT, Hubert OTT, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Améliorer la transparence, le dialogue entre les citoyens et les organismes de sécurité sociale doit être la préoccupation du législateur au‑delà des clivages politiques.

Cette affirmation semble d’autant plus évidente qu’un dialogue fructueux permet bien souvent d’éviter un contentieux.

Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce souhait reste trop souvent en l’état, notamment dans les relations URSSAF/entreprises, pour lesquels il est urgent de proposer des solutions d’amélioration. Il suffit pour s’en convaincre de consulter le site lecerclelafay.fr qui pointe les dérives de certains organismes tout en proposant des pistes d’évolution.

Plusieurs mesures sont proposées en ce sens :

L’article 1 mentionne que toute décision doit préciser les possibilités de recours de manière apparente, claire et compréhensible et en première page du document (et non au verso du document et en petit caractère, comme on le constate parfois). En outre, le document doit mentionner la possibilité de se faire assister d’un conseil

L’article 2 traite de la commission de recours amiable. Cette commission (qui n’est pas une juridiction, mais une émanation du conseil d’administration de chaque organisme de sécurité sociale), constitue la première étape obligatoire du contentieux général de la sécurité sociale. Il serait pour le moins cohérent et logique que le cotisant, non seulement, puisse présenter des observations, mais qu’il puisse s’exprimer, s’il le souhaite devant cette commission (comme cela se pratique en matière fiscale : liv. proc. fisc, art R. 60‑1 pour la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires - liv. proc. fisc, art R. 59 B‑1 pour la Commission départementale de conciliation – V . sur ce point : F. Taquet. La commission de recours amiable dans le contentieux URSSAF : entre réalités et perspectives, Revue de droit sanitaire et social. mai‑juin 2017. p 539 s).

L’article 3 prévoit, en cas de contrôle d’un organisme de recouvrement, la création d’un interlocuteur qui pourrait être saisi par le cotisant « en cas de difficultés rencontrées au cours de la vérification ». Aujourd’hui, en cas de contrôle, le cotisant est seul face à l’inspecteur. Il serait donc judicieux de pouvoir avoir recours à un tiers en cas de difficulté de dialogue

L’article 4 revoit les termes de l’article L. 244‑3 du code de la sécurité sociale. Suivant l’article L. 244‑3 al 1 du code de la sécurité sociale, « les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues. Quant à l’article L. 243‑6 I al 1 du même Code, il prévoit que « la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées ». En d’autres termes, sur 3 ans + l’année en cours, alors que la répétition de l’indu se fera sur 3 ans

En clair, cela veut dire que lorsque l’URSSAF réclame de l’argent, elle le fait sur une période de 3 ans plus l’année en cours (exemple : une mise en demeure qui a été envoyée en décembre 2022 concernera toute l’année 2019, 2020, 2021 et 2022 jusqu’en décembre). En revanche, en cas de trop versé la prescription est de 3 ans à compter de la date où les cotisations ont été versées (ainsi, imaginons qu’un employeur demande une restitution de cotisations en décembre 2022, sa demande ne concernera que la période décembre 2019 – décembre 2022).

En un mot, l’URSSAF peut réclamer au cotisant des sommes sur une période plus longue qu’elle n’est tenue de le faire en cas de remboursement !

C’est ce que deux décisions ont rappelé (Bourges Chambre sociale 22 mars 2018 RG n° 17/00053 – Montpellier4ème B chambre sociale 21 mars 2018 RG n° 17/04013). Et on ne peut reprocher aux juges d’avoir ainsi statué puisqu’ils ne font qu’appeler une loi inique et discriminatoire !

Il convient donc de créer un système uniforme en cas de redressement de cotisations et de demande de répétition de l’indu.

L’article 5 complète l’article L. 244‑3 du code de la sécurité sociale. En effet, à l’issue d’un contrôle, l’agent chargé du contrôle adresse à la personne contrôlée une lettre mentionnant, s’il y a lieu, les observations constatées au cours du contrôle et engageant la période contradictoire préalable à l’envoi de toute mise en demeure (CSS art L. 243‑7‑1‑A). Dans le cas d’une vérification, le délai de prescription des cotisations, contributions, majorations et pénalités de retard est suspendu pendant la période contradictoire (CSS art L. 244‑3 al 2)

Toutefois, il n’est pas indiqué pendant combien de temps ce délai est suspendu (1 mois, 12 mois,… ?). Cela ne contribue ni à la transparence ni à la sécurité juridique. Une entreprise contrôlée est en droit de recevoir les résultats du contrôle dans un délai raisonnable, d’autant que les majorations de retard courent pendant cette période. Il est raisonnable de prévoir que le délai de prescription des cotisations, contributions, majorations et pénalités de retard soit suspendu pendant la période contradictoire et pour une durée maximum de 3 mois.

L’article 6 propose de compléter la procédure applicable dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé. On voit de plus en plus, en effet, des procédures qui traînent en longueur… Ceci pose pour le moins des problèmes aux cotisants qui ne reçoivent pas de mise en demeure, qui voient les majorations de retard augmenter et qui ne peuvent pas mener de contentieux ! De même l’absence de délai n’incite pas les organismes à se presser. Finalement cette situation est néfaste pour les 2 parties. Nous proposons dons d’inscrire que la mise en demeure doit être envoyée dans les six mois de la remise du document préalable prévu à l’article L. 133‑1.

L’article 7 traite de l’attestation de vigilance. On sait que l’attestation de vigilance est délivrée par les URSSAF, CGSS, ou de la MSA dès lors que la personne est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement. Pratiquement, le donneur d’ordre est tenu de vérifier, lors de la conclusion d’un contrat portant sur une obligation d’une certaine valeur, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution, que son cocontractant s’acquitte, entre autres obligations, de celles relatives à la déclaration et au paiement des cotisations à l’égard de l’URSSAF (CSS art L 243‑15 ; c. trav. art. L. 8222‑1 et D. 8222‑5). L’attestation de vigilance est obligatoire pour tout contrat d’un montant minimum de 5 000 € HT (C. trav. art. R. 8222‑1, sachant que le donneur d’ordre doit en outre « s’assurer de l’authenticité de cette attestation auprès de l’organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales » C trav art D. 8222‑7 – notons que les particuliers restent exonérés de cette obligation, notamment lorsqu’ils contractent pour leur usage personnel, celui de son conjoint, de leurs ascendants ou descendants : C trav art L. 8222‑1). À défaut de procéder à ces vérifications et si le sous‑traitant a eu recours au travail dissimulé, le donneur d’ordre peut être poursuivi pénalement et devoir régler solidairement les cotisations sociales du sous‑traitant. Il peut également perdre le bénéfice des exonérations et réductions de cotisations applicables à ses salariés sur toute la période où le délit de travail dissimulé du sous‑traitant aura été constaté V C trav art L. 8222‑2). Il est donc évident que sans attestation de vigilance, une entreprise ne peut fonctionner ! A quel moment peut intervenir le refus de délivrance de l’URSSAF de l’attestation de vigilance ? De suite après le procès‑verbal constatant le travail dissimulé ou au terme de la procédure contradictoire ? Sur ce point, l’article D. 243‑15 privilégie la première solution en reliant l’absence de délivrance de l’attestation à la « verbalisation pour travail dissimulé ». Cependant, ce véritable droit de vie et de mort de l’URSSAF n’est pas sans soulever un certain nombre d’objections. Peut‑on comprendre que l’organisme de recouvrement puisse se dispenser de remettre une attestation de vigilance sur un simple constat de travail dissimulé (parfois dressé par lui‑même) et avant même le respect de la procédure contradictoire ? Peut‑on signer l’arrêt de mort d’une entreprise avant toute discussion et alors même que la notion de travail dissimulé est des plus vague (V. C trav art. L. 8221‑1 et s - ainsi, le fait de mentionner, sur le bulletin de paie, un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué, constitue une dissimulation d’emploi salarié ; on peut se demander si cette définition « attrape tout » du travail dissimulé n’est pas dangereuse, d’aucuns soulignant qu’aujourd’hui, plus de 80 % des entreprises entreraient dans la définition du travail dissimulé sans même le savoir…). Sans nul doute, à une heure où les URSSAF montrent qu’elles entendent privilégier le dialogue avec les cotisants, le système devrait être revu ! Il convient donc d’inscrire dans la loi que l’absence de délivrance de l’attestation de vigilance ne peut intervenir qu’au terme de la procédure contradictoire.

L’article 8 tente de mettre fin à un imbroglio juridique en matière de recouvrement des cotisations. En effet, une URSSAF, dans le but d’accélérer la procédure, est‑elle en droit de décerner une contrainte (contentieux du recouvrement) en cas de saisine préalable de la Commission de recours amiable par le débiteur (contentieux général) ? La réponse paraissait négative. Toutefois, faute de texte, la Cour de cassation a décidé l’inverse (Cass. soc. 31 mai 2001 pourvoi n° 99‑14622 – Cass civ 2° 3 avril 2014. pourvoi n° 13‑15136), obligeant ainsi le débiteur à mener deux actions de front. Il convient donc de mettre fin à cette étrangeté…

L’article 9 se contente d’ajouter un formalisme en matière de travail dissimulé. À lire la doctrine en la matière, deux expressions reviennent souvent : d’une part, le législateur au fil des années a banalisé le travail dissimulé à tel point que beaucoup le pratiquent, sans même le savoir ; qui plus est, les sanctions constituent « un arsenal d’une violence juridique et économique inouïe » (S Coly. Travail dissimulé : gare à l’URSSAF. RH Info. 6 avril 2018). Afin que les décisions prises soient réfléchies, nous proposons, dans le cadre d’un formalisme renforcé, que le procès‑verbal soit contresigné par le directeur de l’organisme effectuant le recouvrement.

Telles sont les dispositions de la proposition de loi que nous vous demandons d’adopter.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 115‑3 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Toute décision doit mentionner les possibilités de recours de manière apparente, claire et compréhensible et en première page du document.

« Elle rappelle à la personne concernée la faculté de se faire assister d’un conseil pour effectuer lesdits recours. »

Article 2

Après le premier alinéa de l’article L. 142‑4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lors de ce recours, et dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, les personnes concernées sont invitées à se faire entendre, si elles en émettent le souhait. »

Article 3

L’article L. 243‑7 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de difficultés rencontrées au cours de la vérification, le cotisant a la faculté de s’adresser à l’interlocuteur, désigné par le directeur de l’organisme et dont les références lui sont indiquées dès le début des opérations de contrôle. »

Article 4

Au premier alinéa du I de l’article L. 243‑6 du code de la sécurité sociale, les mots : « se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées » sont remplacés par les mots : « ne peut concerner que les cotisations acquittées au cours des trois années civiles qui précèdent l’année de cette demande ainsi que les cotisations acquittées au cours de l’année de versement. »

Article 5

Le deuxième alinéa de l’article L. 244‑3 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et, sauf en cas de prolongation en application du second alinéa du même article ou d’obstacle à l’accomplissement des fonctions des agents au sens de l’article L. 243‑12‑1, pour une durée maximum de trois mois ».

Article 6

L’article L. 133‑1 du code de la sécurité sociale est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – À peine de caducité de l’ensemble de la procédure, le document prévu à l’article L. 244‑2 doit être envoyé dans les six mois de la remise au cotisant du document mentionné au I. »

Article 7

Après le troisième alinéa de l’article L. 243‑15 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le refus de délivrance de l’attestation ne peut intervenir qu’au terme de la période contradictoire préalable à l’envoi de toute mise en demeure ou avertissement en application de l’article L. 244‑2 du présent code. »

Article 8

Après l’article L. 244‑2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 244‑2‑1 ainsi rédigé :

« La contestation de la mise en demeure, prévue à l’article L. 244‑2 du présent code dans le cadre du contentieux général de la sécurité sociale, suspend toute procédure en recouvrement des cotisations. »

Article 9

La dernière phrase du second alinéa du I de l’article L. 133‑1 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et, sous peine de nullité, contresigné par le directeur de l’organisme effectuant le recouvrement ».

Article 10

La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.