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N° 792

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir la bonne information et la consultation des riverains lors de l’implantation d’antennes 5G,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Karen ERODI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT Farida AMRANI, Carlos Martens BILONGO, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Jean-François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Sylvie FERRER, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Tematai Le GAYIC, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, Frédéric MATHIEU, Jean Philippe NILOR, Loïc PRUD’HOMME, Jean-Hugues RATENON, Jean-Claude RAUX, Sébastien ROME, François RUFFIN, Michel SALA, Andrée TAURINYA, Marie POCHON, Sandrine ROUSSEAU, Jean-Claude RAUX, Eva SAS, Nicolas THIERRY, Sébastien PEYTAVIE, Marcellin NADEAU, Jiovanny WILLIAM,

Député.e.s.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 13 septembre 2017, 180 scientifiques et médecins de 37 différents pays réclamaient, dans un appel intitulé « EU 5G Appeal », la tenue d’un moratoire sur le déploiement de la 5G « jusqu’à ce que des études d’impact sanitaires et environnementales sérieuses et indépendantes aient été réalisées préalablement à toute mise sur le marché. » Selon eux, le déploiement de cette technologie « augmentera considérablement l’exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquences (RFCEM) et s’ajoutera au brouillard électromagnétique déjà produit par la 2G, 3G, 4G, WiFi, etc., exposition dont il a été prouvé qu’elle est nocive pour les humains et pour l’environnement ». Plus de quatre ans après leur appel, force est de constater que leurs recommandations ­— dont la mise en place de nouveaux seuils d’exposition plus protecteurs, de comités scientifiques indépendants et la lutte contre les lobbies de l’industrie des télécommunications — n’ont pas été suivies d’effets. Aujourd’hui, en France, près de cinquante mille antennes 5G ont été installées.

L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES), chargée en 2020 par le Gouvernement de « conduire une expertise sur l’exposition de la population aux champs électromagnétiques découlant de cette technologie et aux éventuels effets sanitaires », se veut plus rassurante. Dans son rapport, l’ANSES évacue tout potentiel risque pour les bandes de fréquences allant de 700 MHz à 2,1 GHz, c’est‑à‑dire celles qui sont déjà utilisées pour les technologies antérieures à la 5G (de la 2G à la 4G), et dans lesquelles la 5G peut se déployer. Concernant la bande de fréquences de 3,5 GHz, l’Anses « estime peu probable que le déploiement de la 5G dans [cette bande] présente de nouveaux risques pour la santé ». Olivier Merckel, chef de l’unité « Agents physiques, nouvelles technologies et grands aménagements » de l’ANSES ayant contribué au rapport, souligne cependant que cette conclusion « est conditionné[e] aux données disponibles à l’heure actuelle, et nécessite de suivre avec attention le déploiement, en particulier pour obtenir des informations sur le niveau d’exposition réel des personnes ». En effet, l’Agence constate un manque de données scientifiques empêchant toute conclusion définitive quant aux potentiels effets sanitaires liés à l’exposition à cette fréquence.

L’ANSES est encore plus critique quant aux bandes de fréquences de 26 GHz, c’est‑à‑dire celle des ondes millimétriques. Or, dans les prochaines années, la 5G devrait massivement se développer dans cette fréquence. Selon l’agence, il n’existe, à l’heure actuelle, pas suffisamment de données pour établir ou non l’existence d’effets sanitaires. Olivier Merckel résume ainsi la conclusion de l’agence : « Il est nécessaire d’engager des recherches pour obtenir une vision plus nette des effets qui pourraient concerner plus spécifiquement la peau ou l’œil. » En effet, si ces ondes pénètrent moins dans le corps, elles se concentrent au niveau de la peau et de l’œil, où elles devraient être absorbées avec le risque potentiel, selon le directeur de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), « d’échauffer de façon excessive ces tissus ». L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) abonde en ce sens et écrit, dans un rapport publié en septembre 2020, que « le recours ultérieur à la bande autour de 26 GHz amènera des effets nouveaux restant à documenter ».

Outre les effets sanitaires, les effets écologiques, en particulier pour la faune et la flore, doivent aussi être sérieusement étudiés. Pour obtenir un taux de couverture 5G similaire à celui de la 4G, il faudrait 30 % de sites d’antennes supplémentaires. De plus, actuellement, une antenne 5G consomme jusqu’à 3,5 plus qu’une antenne 4G. Enfin, par effet rebond, le déploiement de la 5G entraînera vraisemblablement une augmentation de la consommation. Or, le poids du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre de la France pourrait croître de 60 % d’ici 2040 et atteindre près de 7 % du total des émissions. À ce jour, aucune évaluation des conséquences environnementales du développement de la 5G en France n’a été réalisée.

Le principe de précaution, adopté par l’Union européenne en 2005, est clair : « L’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles. » Le principe est simple : « Si une politique ou une mesure présente un risque potentiel pour la population ou l’environnement et qu’il n’existe pas de consensus scientifique sur la question, cette politique ou cette mesure ne devrait pas être poursuivie. »

Or, concernant le déploiement de la 5G, ce principe n’est pas respecté. Ainsi, jusqu’en septembre 2023, le recours aux bandes de fréquences de 26 GHz pour déployer la 5G sera testée à titre expérimental à Paris. Plus encore, des antennes 5G se déploient partout en France, alors même que les données disponibles quant aux bandes de fréquences de 3,5 GHz ne sont pas suffisantes pour affirmer que les risques sanitaires et environnementaux sont minimes.

Il existe également des risques en termes de sécurité et de souveraineté : Huawei et ZTE dominent le marché européen des équipements télécoms tandis que Cisco contrôle en grande partie le marché mondial des cœurs de réseaux. Autrement dit, l’écosystème de la 5G est aux mains des GAFAM états‑uniennes et chinoises, alors même que la 5G renforcera la collecte des données personnelles, conséquence d’une numérisation à marche forcée irréfléchie et non démocratique.

Enfin, le déploiement de la 5G empêche de traiter les vrais problèmes. 13 millions de Français connaissent l’illectronisme, la priorité est donc de leur permettre d’accéder aux services, notamment publics, dont ils ont besoin. En 2018, 36 % des personnes interrogées déclaraient éprouver une inquiétude à l’idée d’accomplir la plupart de leurs démarches administratives. De plus, de nombreux Français n’ont pas accès à internet ou n’ont qu’une connexion limitée. La lutte contre l’illectronisme et les zones blanches doit primer sur le déploiement d’une 5G qui n’a vraisemblablement que peu d’utilité et dont les conséquences pourraient s’avérer désastreuses.

Pour toutes ces raisons, nous réclamons, de longue date, un moratoire sur le déploiement de la 5G. Cette mesure figurait d’ailleurs dans les 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat, que le Président de la République s’était pourtant engagé à reprendre. Toutefois, puisqu’un tel moratoire n’a pas été instauré, nous demandons a minima que les citoyens soient consultés et qu’une enquête publique soit menée, afin de s’assurer de l’exigence démocratique de bonne information et de consultation des riverains.

En effet, la législation actuelle ne permet pas la discussion avec les habitants dans des conditions sereines, ces derniers n’étant pas consultés. La procédure d’implantation d’une antenne est actuellement trop permissive et les habitants n’ont à aucun moment la possibilité de s’opposer, ou tout simplement de s’emparer véritablement du projet d’implantation. S’il est vrai qu’ils peuvent émettre des observations à partir du dossier d’information déposé en mairie, ce dernier arrive un mois seulement avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme (voire moins, si le Maire l’accepte) et ne contient une simulation de l’exposition des riverains aux champs électromagnétiques que si le Maire la demande explicitement. Plus encore, le Maire n’est pas obligé de laisser les habitants émettre des recommandations, ce n’est qu’une possibilité, et le non‑respect de ces règles n’est pas sanctionnable par le juge administratif, dont la jurisprudence est constante. Pire, les riverains n’ont que peu de moyens de s’opposer à la construction d’une antenne relais, alors que leurs doutes et craintes quant aux potentiels risques sanitaires et environnementaux sont fondés. En l’absence de moratoire, il convient de leur donner davantage de marge de manœuvre.

L’article unique de cette proposition de loi supprime la possibilité de déroger au délai d’un mois entre le dépôt du dossier d’information et le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, et rend obligatoire la fourniture par l’opérateur d’une simulation de l’exposition aux champs électromagnétiques générée par l’installation. Par ailleurs, il oblige l’opérateur à fournir un rapport sur les potentiels risques environnementaux de l’installation, et garantie l’établissement d’une enquête publique préalablement à la demande d’autorisation d’urbanisme.

 

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 34‑9‑1 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° À la fin de l’alinéa 6, les mots « sauf accord du maire ou du président de l’intercommunalité sur un délai plus court » sont supprimés ;

2° La première phrase de l’alinéa 11 est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « comprend », les mots « , à la demande du maire, » sont supprimés ;

b) Sont ajoutés les mots » ainsi qu’un rapport sur les potentiels risques environnementaux, pour la faune et la flore notamment, liés à l’installation » ;

3° Après l’alinéa 12, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les installations mentionnées au B et au C du présent II font l’objet d’une enquête publique telle que mentionnée à l’article L. 123‑1 du code de l’environnement. »

Article 2

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.