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N° 794

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

d’expérimentation visant à développer l’humusation,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Élodie JACQUIERLAFORGE, Olivier FALORNI, Perrine GOULET, Jimmy PAHUN, Erwan BALANANT, Hubert OTT, Mathilde DESJONQUÈRES,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans l’époque aux multiples défis qui est la nôtre, l’enjeu environnemental prend une place de plus en plus grande et ce, à raison. Les phénomènes naturels nous rappellent sans cesse à notre propre fragilité : nous étions poussière, nous redeviendrons poussière. Cette réflexion pousse nombreux de nos concitoyens à se soucier, au‑delà de leur mort, des conséquences de leurs choix de vie.

À l’heure actuelle, deux choix sont possibles lors d’un décès : l’inhumation ou la crémation. Procédés anciens, ces deux options proposées lors de la mort d’une personne sont extrêmement polluantes. En effet, la crémation dégage près de 3 % des émissions annuelles de CO² d’un citoyen, l’inhumation quatre fois plus. Elles nécessitent un cercueil, son entretien, ainsi que la préservation du corps avec des produits polluants, comme le formol. Outre leur procédé, la place prise post‑mortem par les corps enterrés pose question, notamment pour les collectivités locales : face à la pression du taux de mortalité, elles travaillent d’ores et déjà ce sujet en termes d’aménagement de l’espace.

Dans le contexte d’exigence écologique, nombreux sont ceux qui repensent leur rapport à la mort, et nécessairement au corps. Dans une visée de protection de nos espaces naturels, de nos sols, du respect de l’environnement et plus ponctuellement du coût de l’énergie dont dépendent les professionnels des pompes funéraires, des alternatives fleurissent de part et autre de nos frontières.

C’est dans cette perspective que le processus d’humusation, ou compostage humain, est apparu comme une nouvelle méthode funéraire répondant à une demande sociétale de préservation de notre environnement. En matière de choix funéraires, il est essentiel que chacun et chacune puisse être respecté dans ses convictions. L’humusation répond à ces aspirations, et son expérimentation puis son éventuelle légalisation permettrait d’ouvrir cette possibilité.

En Belgique, une réflexion est d’ores et déjà en cours, et Outre‑Atlantique, l’humusation est légalisée dans six États nord‑américains. Ce procédé, encadré et contrôlé, consiste à envelopper le corps du défunt ou défunte dans un linceul biodégradable puis à le déposer sur un lit naturel de végétaux. Recouvert, retourné, surveillé, le corps se transforme au fil du temps de manière naturelle en humus, à l’aide des micro‑organismes présents dans notre environnement. Sans odeurs et sans effets secondaires pour les espaces environnants, le phénomène de décomposition dure plusieurs mois, à la fin desquels la famille et les proches peuvent récupérer l’humus sain formé.

Ce procédé, naturel et écologique, ne porte pas atteinte à la dignité, à la décence et au respect du corps. À l’image des cendres issues de la crémation, le statut juridique des particules peut facilement être défini. Secteur exigeant, les professionnels des pompes funéraires sont d’ores et déjà formés à la technique de la crémation et de l’inhumation.

L’objectif de cette proposition de loi est donc de lancer une expérimentation afin de définir le cadre juridique en termes de formation aux techniques de compostage, d’en définir les lieux de recueil du corps vis‑à‑vis des habitations ou des nappes phréatiques, comme cela est déjà légalement encadré pour la crémation et l’inhumation.

Demande locale, exigence citoyenne environnementale, notre rapport au corps post‑mortem doit faire l’objet d’une réflexion nationale, dans le respect de tout un chacun de disposer librement de son corps, et dans le respect de notre espace naturel.

 


proposition de loi

Article unique

I. – La présente loi, permet, par dérogation à l’article 16‑1‑1 du code civil et au chapitre III du titre II du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales, aux opérateurs de pompes funèbres de procéder à l’humusation du corps, lorsque le défunt en a exprimé la volonté, et dans les communes volontaires.

II. – Un décret précise les modalités et de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I du présent article ainsi que la liste des communes volontaires.

III. – Dans un délai de six mois après le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant cette expérimentation.