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N° 798

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

M. Didier LE GAC, Mme Aurore BERGÉ
et des membres du groupe Renaissance (1) et apparentés (2),

députés.

 

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(1) Mesdames et Messieurs : Caroline Abadie, Damien Adam, Sabrina Agresti‑Roubache, Éric Alauzet, David Amiel, Pieyre‑Alexandre Anglade, Jean‑Philippe Ardouin, Antoine Armand, Quentin Bataillon, Xavier Batut, Belkhir Belhaddad, Mounir Belhamiti, Fanta Berete, Aurore Bergé, Éric Bothorel, Florent Boudié, Chantal Bouloux, Bertrand Bouyx, Pascale Boyer, Yaël Braun‑Pivet, Maud Bregeon, Anthony Brosse, Anne Brugnera, Danielle Brulebois, Stéphane Buchou, Françoise Buffet, Céline Calvez, Lionel Causse, Thomas Cazenave, Jean‑René Cazeneuve, Pierre Cazeneuve, Émilie Chandler, Clara Chassaniol, Yannick Chenevard, Mireille Clapot, Fabienne Colboc, François Cormier‑Bouligeon, Laurence Cristol, Dominique Da Silva, Christine Decodts, Julie Delpech, Frédéric Descrozaille, Benjamin Dirx, Nicole Dubré‑Chirat, Philippe Dunoyer, Stella Dupont, Philippe Fait, Marc Ferracci, Jean‑Marie Fiévet, Jean‑Luc Fugit, Thomas Gassilloud, Anne Genetet, Raphaël Gérard, Hadrien Ghomi, Éric Girardin, Joël Giraud, Olga Givernet, Charlotte Goetschy‑Bolognese, Guillaume Gouffier Valente, Jean‑Carles Grelier, Marie Guévenoux, Claire Guichard, Philippe Guillemard, Benjamin Haddad, Nadia Hai, Yannick Haury, Pierre Henriet, Laurence Heydel Grillere, Alexandre Holroyd, Sacha Houlié, Servane Hugues, Monique Iborra, Alexis Izard, Jean‑Michel Jacques, Caroline Janvier, Guillaume Kasbarian, Fadila Khattabi, Brigitte Klinkert, Daniel Labaronne, Emmanuel Lacresse, Amélia Lakrafi, Michel Lauzzana, Pascal Lavergne, Sandrine Le Feur, Didier Le Gac, Gilles Le Gendre, Constance Le Grip, Anaïg Le Meur, Christine Le Nabour, Nicole Le Peih, Fabrice Le Vigoureux, Marie Lebec, Vincent Ledoux, Mathieu Lefèvre, Patricia Lemoine, Brigitte Liso, Jean‑François Lovisolo, Sylvain Maillard, Laurence Maillart‑Méhaignerie, Jacqueline Maquet, Louis Margueritte, Christophe Marion, Sandra Marsaud, Didier Martin, Denis Masséglia, Stéphane Mazars, Graziella Melchior, Ludovic Mendes, Lysiane Métayer, Nicolas Metzdorf, Marjolaine Meynier‑Millefert, Paul Midy, Benoit Mournet, Karl Olive, Nicolas Pacquot, Sophie Panonacle, Astrid Panosyan‑Bouvet, Didier Paris, Charlotte Parmentier‑Lecocq, Emmanuel Pellerin, Patrice Perrot, Anne‑Laurence Petel, Michèle Peyron, Béatrice Piron, Claire Pitollat, Barbara Pompili, Jean‑Pierre Pont, Éric Poulliat, Natalia Pouzyreff, Rémy Rebeyrotte, Robin Reda, Cécile Rilhac, Véronique Riotton, Stéphanie Rist, Marie‑Pierre Rixain, Charles Rodwell, Xavier Roseren, Jean‑François Rousset, Lionel Royer‑Perreaut, Thomas Rudigoz, Laetitia Saint‑Paul, Mikaele Seo, Freddy Sertin, Charles Sitzenstuhl, Philippe Sorez, Bertrand Sorre, Violette Spillebout, Bruno Studer, Liliana Tanguy, Sarah Tanzilli, Jean Terlier, Prisca Thevenot, Huguette Tiegna, Stéphane Travert, Annie Vidal, Patrick Vignal, Corinne Vignon, Lionel Vuibert, Guillaume Vuilletet, Christopher Weissberg, Éric Woerth, Caroline Yadan, Jean‑Marc Zulesi.

(2) Mesdames et Messieurs : Damien Abad, Benoît Bordat, Bastien Marchive, David Valence, Stéphane Vojetta.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le licenciement massif, en mars 2022, par l’armateur ferries P&O de près de 800 marins britanniques employés à bord de navires battant pourtant pavillon européen et leur remplacement par des marins ressortissants de pays à bas coût de main d’œuvre, illustre le risque de dégradation des conditions sociales et de travail des marins, maintes fois décrit par la France.

Le scandale politique soulevé par cette mesure au Royaume‑Uni a récemment amené les autorités britanniques à déposer un projet de loi prévoyant l’application t du minimum salarial britannique aux marins des navires de tout pavillon effectuant des liaisons régulières avec le Royaume‑Uni. Ce projet est actuellement en cours d’examen par les parlementaires britanniques.

L’importance que revêt cette question dans l’ordre juridique national justifie l’adoption par le Parlement d’une loi dite de police. Elle se fonde sur les dispositions de l’article 9.1 du règlement 593/2008 dit Règlement Rome 1 qui définit la loi de police comme une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la préservation de ses intérêts fondamentaux telle que l’organisation politique, sociale ou économique au point d’en exiger l’application à toutes situations entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après le règlement Rome I. L’application d’une loi dite de police s’impose donc quelle que soit par ailleurs la loi choisie par les parties au contrat considéré et quelle que soit la loi désignée par les règles de rattachement applicables.

Par cette loi de police, il s’agit bien de préserver l’intérêt public en garantissant que le transport de passagers sur les dessertes de liaisons régulières internationales soit réalisé dans des conditions sociales soutenables garantissant les droits des salariés et par ailleurs des conditions de concurrence équitable entre les entreprises du secteur. Le secteur de transport à passagers, a en effet recours à une importante main d’œuvre maritime et, est en conséquence particulièrement sensible aux coûts salariaux.

Jusque récemment, les salariés de ces services touchant des ports français étaient encore très largement employés à des standards comparables aux standards français ou britanniques. Le cas P&O a introduit sur ces dessertes des marins employés à des conditions sociales des pays à bas coût de main d’œuvre, y compris extra‑communautaires.

Ce cadre introduit un modèle socialement dégradé incompatible avec des conditions de concurrence loyales et la protection des travailleurs. En effet, le recours massif à une main d’œuvre à bas coût induirait d’une part la baisse de la rémunération perçue par les gens de mer travaillant à bord des navires assurant la liaison transmanche et d’autre part une concurrence déloyale, les entreprises rémunérant équitablement leurs salariés étant de fait pénalisées.

Aux fins de protection des travailleurs par le paiement d’un salaire convenable et de la préservation d’une concurrence loyale, il est proposé par la présente disposition d’instaurer le paiement d’un salaire minimal horaire en deçà duquel ne peuvent être rémunérés les salariés travaillant à bord des navires effectuant les liaisons transmanche.

L’article 1er de cette proposition de loi permet l’introduction de cette loi de police dans le code des transports.

Cette loi concerne les navires effectuant des liaisons régulières internationales de passagers touchant un port français. Un décret en Conseil d’État permettra de déterminer les critères d’exploitation de ces liaisons notamment la fréquence de toucher des navires dans un port français.

Sur la matière couverte, elle porte, comme le projet de loi britannique, sur le salaire minimum horaire qu’il soit légal ou conventionnel. Sont concernés tous les salariés travaillant à bord des navires entrant dans le champ d’application de la mesure.

Il est à noter que la cohérence avec le projet de loi britannique est essentielle à la lisibilité de la mesure et à une mise en œuvre efficace.

La situation sur le terrain invite à une action rapide à la fois pour des questions de protection des travailleurs, de concurrence équitable entre les entreprises mais aussi pour des questions de sécurité.

En effet laisser se généraliser un modèle qui repose sur un modèle social dégradé, c’est accroître le risque potentiel d’accidents dans l’une des zones de navigation les plus fréquentées au monde. La rotation rapide des personnels sur un même poste consécutif à des conditions d’emploi et de salaire dégradées ainsi que les fréquences de relèves des équipages plus espacées, fragilisent ces personnels qui sont ainsi moins à même de faire face aux situations à risques survenant en mer de manière impromptue.

La circulation maritime quotidienne sur le transmanche au départ ou à l’arrivée des ports français caractérisée par une forte densité du trafic, requiert une vigilance particulière pour garantir la sécurité de la navigation, des personnes à bord et prévenir les risques de pollution. La corrélation entre la sécurité maritime et des conditions de travail des gens de mer permettant de maintenir des équipages pérennes fonde les mesures portées par cette proposition de loi.

Il s’agit d’éviter la recherche par les opérateurs d’un avantage économique à travers l’abaissement des conditions sociales au détriment de la sécurité maritime.

L’article 1er s’inscrit en cohérence avec un projet de charte d’engagement volontaire qui serait endossée par les principaux opérateurs concernés et qui concernerait les autres paramètres (régime de travail, couverture sociale, formation…) visant à garantir les droits des salariés et mettre en place des conditions d’une concurrence loyale entre les parties intéressées.

Tous les gens de mer travaillant à bord des navires battant pavillon français doivent détenir un certificat d’aptitude médicale à la navigation valide délivré par un médecin du service de santé des gens de mer. Il appartient à l’armateur ou au capitaine de s’en assurer préalablement à l’embarquement des gens de mer. À défaut ces derniers encourent la sanction pénale prévue par l’article L. 5523‑6 du code des transports.

En revanche, il n’existe aucune sanction lorsque le certificat d’aptitude médicale à la navigation des marins, délivré hors du territoire français, ne répond pas aux conditions de reconnaissance prévues à l’article L. 5521‑1‑1 du code des transports. Or, ces conditions de reconnaissance permettent de garantir que les marins dont les certificats d’aptitude médicale sont établis à l’étranger, remplissent les exigences minimales d’aptitude médicale prévues au niveau international par l’Organisation internationale du travail ou l’Organisation maritime internationale et ainsi que sont préservées les conditions de navigation en sécurité du navire et des marins.

Afin d’éviter tout risque de dumping social résultant du recours à des marins résidents à l’étranger ne disposant pas d’un certificat d’aptitude médicale répondant aux exigences internationales en matière de normes d’aptitude médicale à la navigation et de garantir la sécurité de la navigation maritime, l’article 2 crée une sanction pénale identique à celle prévue lorsque les certificats d’aptitude médicale établis en France ne sont pas valides.

Cette nouvelle disposition est étendue à Wallis‑et‑Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises afin de s’appliquer aux gens de mer travaillant à des navires immatriculés dans ces collectivités ultramarines.


proposition de loi

Article 1er

Le livre V de la cinquième partie du code des transports est complété par un titre IX ainsi rédigé :

« Titre IX

« Conditions sociales applicables à certaines dessertes internationales

« Chapitre Ier

« Champ d’application

« Art. L. 55911. – Le présent titre est applicable aux navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières internationales touchant un port français. Ces lignes sont déterminées selon des critères d’exploitation, notamment la fréquence de toucher d’un port français par un navire, fixés par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 55912. – Les dispositions du présent titre s’appliquent aux contrats de travail des salariés mentionnés à l’article L. 5592‑1 quelle que soit la loi applicable à ces contrats.

« Chapitre II

« Droits des salariés

« Art. L. 55921. – Les dispositions légales et les stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés sur les navires mentionnés à l’article L. 5591‑1 sont celles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France, pour la détermination du salaire minimum horaire.

« L’obligation mentionnée au premier alinéa ne s’applique que pour les périodes où les navires sont exploités sur les lignes régulières internationales visées à l’article L. 5591‑1.

« Chapitre III

« Documents obligatoires

« Art. L. 55931. – La liste des documents qui sont tenus à la disposition des membres de l’équipage et affichés dans les locaux réservés à l’équipage est fixée par décret. Ce décret fixe la ou les langues dans lesquelles doivent être disponibles ces documents.

« Art. L. 55932. – La liste des documents qui sont tenus à la disposition des agents mentionnés à l’article L. 5595‑1 et dont ils peuvent prendre copie, quel que soit le support, est fixée par décret.

« Chapitre IV

« Sanctions pénales

« Art. L. 55941. – Lorsque le navire est dans les eaux intérieures ou dans une installation portuaire située en dehors de ces eaux, est puni d’une amende de 3 750 euros le fait pour l’employeur de verser un salaire minimum horaire inférieur à celui résultant de l’article L. 5592‑1. Les mêmes peines sont applicables à l’armateur du navire à bord duquel est employé le salarié.

« La récidive est punie d’un emprisonnement de 6 mois et d’une amende 7 500 euros.

« Les infractions donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés concernés.

« Chapitre V

« Constatation des infractions

« Art. L. 55951. – Les infractions au présent titre sont constatées par les officiers et les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer, et les personnes mentionnées aux 2°, 3°, 8° et 10° de l’article L. 5222‑1.

« Art. L. 55952. – Pour l’exercice des missions mentionnées à l’article L. 5595‑1, les personnes mentionnées au même article sont habilitées à demander à l’employeur, à l’armateur, à la personne faisant fonction, ainsi qu’à toute personne employée à quelque titre que ce soit à bord d’un navire, de justifier de son identité, de son adresse et, le cas échéant, de sa qualité de salarié à bord du navire. »

Article 2

La cinquième partie du code des transports est ainsi modifiée :

1° Le titre II du livre V de la cinquième partie du code des transports est ainsi modifié :

À l’article L. 5523‑6 du code des transports, après la référence : « L. 5521‑1 » sont insérés les mots : « ou dans les conditions de l’article L. 5521‑1‑1 lorsque le certificat d’aptitude médicale est établi à l’étranger ; »

2° Le livre VII est ainsi modifié :

a) L’article L. 5785‑1 est ainsi modifié :

– La vingt‑troisième ligne du tableau du deuxième alinéa du I est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 5523‑5

Résultant de la loi n° 2013‑619 du 16 juillet 2013

 

 

L. 5523‑6

Résultant de la loi n°     du     

 » ;

 

– Après la treizième ligne du tableau du deuxième alinéa du II, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 5523‑1

Résultant de l’ordonnance n° 2010‑1307 du 28 octobre 2010

 

 

L. 5523‑6

Résultant de la loi n°     du     

 ».

 

b) L’article 5795‑1 est ainsi modifié :

– La vingt‑troisième ligne du tableau du deuxième alinéa du I est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 5523‑5

Résultant de la loi n° 2013‑619 du 16 juillet 2013

 

 

L. 5523‑6

Résultant de la loi n°     du     

 » ;

 

- Après la dix‑septième ligne du tableau du deuxième alinéa du II, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 5523‑5

Résultant de la loi n° 2013‑619 du 16 juillet 2013

 

 

L. 5523‑6

Résultant de la loi n°     du     

 ».