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N° 828

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 février 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer un taux maximum d’imposition pour les successions transnationales en l’absence de convention fiscale bilatérale entre la France et un pays tiers, rédigée de manière transpartisane,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Romain DAUBIÉ, Nicolas PACQUOT, Hubert OTT, Xavier BRETON, Damien ABAD, Richard RAMOS, Bruno FUCHS,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à régler le problème de la double imposition des successions entre la France et n’importe quel État tiers ne disposant pas de convention fiscale bilatérale avec notre pays.

Au mois de novembre 2022, le cas de deux lyonnais taxés à 115 % sur l’héritage de leur cousin suisse, dont 60 % pour le fisc français et 55 % pour le fisc suisse, avait défrayé la chronique. Les deux frères se sont vus réclamer la somme de 19 000 euros par les services des impôts mettant ainsi en exergue le problème de la surtaxation des héritages transnationaux.

Au niveau européen, l’entrée en vigueur en 2015 du règlement de l’UE n° 650/2012, relatif aux successions internationales, s’il a permis de clarifier certaines règles, n’a pas traité la matière fiscale, compétence des États, et n’a donc pas permis de mettre fin à l’insécurité juridique qui prévaut depuis lors, ni aux risques de double imposition en ce qui concerne les successions. À titre illustratif, on recense environ 450 000 héritages transnationaux au niveau européen, représentant environ 10 % des successions et 123 milliards d’euros de patrimoine taxable.

À l’heure actuelle, le droit existant dispose, via l’article 750 ter du code général des impôts, que les biens meubles et immeubles transmis à l’héritier soient taxés si celui‑ci a eu son domicile fiscal en France pendant 6 ans durant les 10 années précédant la succession, et ce, que les biens précités soient situés en France ou en dehors du territoire national, ce qui, en l’absence d’une convention bilatérale, ouvre le droit à une taxation dont le montant n’est pas plafonné.

L’article 784A du même code ne tempère que très légèrement cet état de fait, en permettant aux héritiers d’imputer les droits de succession réglés auprès d’une administration fiscale étrangère mais uniquement sur la part relevant des biens situés à l’étranger.

De fait, rien n’empêche un État étranger de réclamer des droits de succession à un héritier sur des biens situés en France. Lorsque celui‑ci relève des tranches d’imposition les plus hautes, par exemple dans le cas de successions entre cousins, il est tout à fait possible de constater des situations ubuesques où les sommes exigées par les administrations fiscales des deux pays sont supérieures cumulativement à 100 % de l’héritage.

À ce titre, le cas des relations fiscales bilatérales franco‑suisses est illustratif. Le 24 décembre 2014, suite au rejet d’un nouveau projet de convention par le Conseil fédéral de la confédération helvétique, la France a dénoncé la convention du 31 décembre 1953 qui permettait d’éviter les doubles impositions s’agissant des droits de successions. Avec près de 200 000 français résidant en Suisse, il est à craindre que leurs nombreux héritiers quittent notre pays pour échapper à une fiscalité confiscatoire au décès de leurs proches.

C’est précisément pour cette raison, et parce que les dispositions de l’article 784A du code général des impôts sont insuffisantes, que le droit proposé, via la présente proposition de loi, vise à plafonner le montant des droits de succession réclamés par l’administration fiscale française à 70 % du montant total de la succession, seuil au‑dessus duquel il est considéré que le prélèvement est confiscatoire, et ceci sans préjuger des sommes exigées par l’administration fiscale étrangère.

Cette mesure de justice fiscale s’insère dans la continuité du principe à valeur constitutionnelle d’égalité devant les charges publiques, issu lui‑même de l’article 13 de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, et qui commande à ce que l’impôt ne revête pas un caractère confiscatoire ou fasse peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.

Dans sa décision n° 2019‑825 QPC du 7 févr. 2020, la société Les sablières de l’Atlantique, le Conseil constitutionnel rappelle ainsi que le législateur « doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ».

 Il faut également citer l’exigence de proportionnalité que le Haut‑Conseil a rappelé dans sa Décision n° 2012‑662 DC du 29 décembre 2012, lorsqu’il a ramené le taux marginal d’imposition sur les retraites complémentaires, dites « chapeau », de 75 à 68,34 %, afin notamment d’éviter la méconnaissance des facultés contributives du contribuable, ce qui aurait eu pour effet de donner un caractère confiscatoire à l’impôt.

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

L’article 784 A du code général des impôts est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« En l’absence d’une convention fiscale bilatérale signée entre la France et un pays tiers en matière d’impôt sur les successions, le montant des droits de mutation acquittés à titre gratuit tant en France qu’à l’étranger ne peut dépasser les 70 % du montant total de la succession, s’agissant des biens situés en France et hors de France.

« Il appartient aux héritiers d’apporter la preuve de l’acquittement de leurs droits de mutation à titre gratuit, effectué dans un pays tiers, dans un délai de six mois après notification de la succession. Les droits de succession dus en France sont alors réduits par voie de dégrèvement de telle façon que le total des droits acquittés par les héritiers ne dépasse pas ce seuil de 70 %. »

Article 2

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.