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N° 839

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 février 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre le dumping social pour les marins naviguant sur le Transmanche,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierrick BERTELOOT, Stéphane RAMBAUD, Thibaut FRANÇOIS, Nicolas DUPONTAIGNAN, Sophie BLANC, Alexandre SABATOU, Annick COUSIN, Florence GOULET, Yoann GILLET, Grégoire de FOURNAS Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Antoine VILLEDIEU, Philippe BALLARD, Timothée HOUSSIN, Aurélien LOPEZLIGUORI, Nicolas MEIZONNET, MarieFrance LORHO, José BEAURAIN, Emmanuel BLAIRY, Stéphanie GALZY, Sébastien CHENU, Michèle MARTINEZ, Victor CATTEAU, Katiana LEVAVASSEUR, Frédéric CABROLIER, Michel GUINIOT, Philippe LOTTIAUX, Alexis JOLLY, Frédéric FALCON, Jorys BOVET, Michaël TAVERNE, Thierry FRAPPÉ, Lisette POLLET,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à répondre à une urgence sociale et sécuritaire en garantissant des conditions de travail décentes aux marins de tous les ferries qui naviguent régulièrement sur la ligne transmanche. La récente décision de la compagnie britannique P&O Ferries de licencier 800 marins pour les remplacer, en partie, par des marins de 17 nationalités différentes et des intérimaires, pour des raisons économiques, nous alerte sur la nécessité de protéger les marins travaillant sur des ferries qui assurent une liaison avec des ports français sur la ligne transmanche.

En raison de la nature internationale de l’industrie maritime, de nombreuses compagnies maritimes emploient, à dessein, du personnel de nationalité étrangère, la plupart du temps très peu qualifié et souspayé. Cette particularité est en réalité une échappatoire qui permet aux marins travaillant sur des navires qui desservent régulièrement les ports français d’être payés en dessous de l’équivalent du salaire minimum légal français, tout en ayant un rythme de travail insoutenable.

Cela entraîne une distorsion de la concurrence, qui pénalise gravement les marins français. Nos marins ne peuvent s’aligner sur de tels critères. Il nous faut lutter efficacement et franchement contre la moins‑disance sociale en garantissant, a minima, un salaire décent et des conditions de travail acceptables.

Cela entraîne également un grave risque quant à la sécurité maritime. Ce personnel sous‑payé est par conséquent sous‑qualifié, avec des rythmes de travail extrêmement soutenus. La vie à bord est dure, le métier est stressant et nécessite un fonctionnement en continue. Le salaire est tellement bas dans certains pays que de nombreux marins étrangers acceptent ces conditions pour un salaire, certes plus élevé que dans leur pays d’origine, mais très en dessous de celui français. Cela entraine des risques très graves sur la zone transmanche, qui concentre 20 % du trafic mondial. Cette autoroute de la mer présente donc un enjeu sécuritaire majeur.

Si le temps de travail est insoutenable, le manque de repos conduira inévitablement vers une catastrophe. Lorsque l’on prend en considération l’importance du trafic, aussi bien passager que commercial, l’on imagine que trop bien les risques qu’entraînent des marins sous‑payés, en manque de repos et en tension extrême.

Nos voisins britanniques ont très récemment adopté un salaire minimum légal pour les marins. Il semble juste et naturel que nous nous inspirions d’eux afin de garantir nous aussi un salaire minimum légal à ces marins. Cela serait une mesure adéquate, qui irait dans le sens des travailleurs français qui n’auront plus à subir une telle concurrence. Il nous faut également garantir un rythme de travail correct, ne serait‑ce que pour des questions de sécurités évidentes. La ligne transmanche étant l’une des plus fréquentées au monde, il est capital d’empêcher le dumping social de créer un drame.

L’article premier prévoit que tout marin travaillant à bord d’un navire effectuant un trajet régulier sur la ligne transmanche perçoive un salaire ne pouvant être inférieur au salaire minimum de croissance. Cet article premier indique également que les trajets réguliers s’entendent des navires et services faisant escale dans les ports français au moins 72 heures en moyenne ou plus de 120 fois par an.

L’article 2 dispose que les limites du temps de travail des marins travaillant à bord d’un navire et effectuant un trajet régulier sur la ligne transmanche ne puissent pas déroger au premier article. Cet article 2 envisage également de conditionner le temps d’embarquement pour les marins travaillant à bord d’un navire effectuant un trajet régulier sur la ligne transmanche à trois semaines consécutives, et d’accorder aux marins un temps de repos équivalent au temps d’embarquement.

Les articles 3 et 4 prévoient une sanction pénale lourde afin de dissuader les compagnies maritimes de recourir à de la main d’œuvre sous‑payé. Les peines encourues sont délibérément fortes.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 5544‑38 du code des transports est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Un marin travaillant à bord d’un navire effectuant un trajet régulier, tel que défini au dernier alinéa du présent article, sur la ligne transmanche doit être payé, au minimum, à l’équivalent du salaire minimum de croissance tel que défini à l’article L. 3231‑4 du code du travail. 

« Est entendu comme trajet régulier les navires et les services qui font escale dans les ports français au moins toutes les 72 heures en moyenne, ou plus de 120 fois par an. »

Article 2

L’article L. 5544‑4 du code des transports est complété par un V ainsi rédigé :

« V. – A. – Pour les marins travaillant à bord d’un navire effectuant un trajet régulier sur la ligne transmanche tel que défini au dernier alinéa de l’article L. 5544‑38, les limites de leur temps de travail ne peuvent déroger au I. 

« B. – Le temps d’embarquement ne peut excéder trois semaines consécutives pour les marins travaillant à bord d’un navire effectuant un trajet régulier sur la ligne transmanche. Un temps de repos équivalant au temps d’embarquement est accordé auxdits marins. »

Article 3

Le chapitre VI du titre IV du livre V de la cinquième partie du code des transports est complété par une section 7 ainsi rédigée :

« Section 7 

« sanction pénale en cas de manquement aux obligations
du paiement de salaire

« Art. L. 5546‑4. – Les infractions au présent titre sont constatées par les officiers et les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer, et les personnes mentionnées aux 2°, 3°, 8° et 10° de l’article L. 5222‑1.

« Art. L. 5546‑5. – Pour l’exercice des missions mentionnées à l’article L. 5546‑4, les personnes mentionnées au même article sont habilitées à demander à l’employeur, à l’armateur, à la personne faisant fonction, ainsi qu’à toute personne employée à quelque titre que ce soit à bord d’un navire, de justifier de son identité, de son adresse et, le cas échéant, de sa qualité de salarié à bord du navire. »

Article 4

« Art. L. 55466. – Lorsque le navire est dans les eaux intérieures ou dans une installation portuaire située en dehors de ces eaux, est puni d’une amende de 37 500 euros le fait pour l’employeur de verser un salaire minimum horaire inférieur à celui résultant du dernier alinéa de l’article L. 5544‑38. Les mêmes peines sont applicables à l’armateur du navire à bord duquel est employé le salarié.

« La récidive est punie de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 euros.

« Les infractions donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés concernés. »