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N° 847

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 février 2023.

PROPOSITION DE LOI

portant réforme des relations contractuelles entre les constructeurs
et les distributeurs automobiles,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Huguette TIEGNA, Lionel ROYERPERREAUT, Vincent LEDOUX, Éric ALAUZET, Lionel VUIBERT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La mobilité est au cœur de la transition écologique et énergétique. Elle est également porteuse d’enjeux économiques, car le secteur représente de nombreux emplois partout sur le territoire. Il revient donc à la représentation nationale de créer les conditions d’une mobilité durable tant écologiquement qu’économiquement, au service de l’emploi et du dynamisme de nos territoires.

C’est particulièrement le cas en matière de véhicules automobiles, qui sont absolument nécessaires aux déplacements quotidiens de nos concitoyens résidant en zone rurale. Ces derniers doivent donc pouvoir bénéficier de véhicules à prix abordable et d’une bonne qualité ; le savoir‑faire des distributeurs en la matière est ainsi primordial, de même que leur maillage fin du territoire.

Or, en France, la distribution de voitures neuves est structurée sur un modèle indirect : les distributeurs automobiles achètent les véhicules aux constructeurs, puis les revendent au consommateur final. Le constructeur peut alors sélectionner les distributeurs en fonction du montant que ces derniers sont prêts à investir pour préserver l’image et les standards de la marque.

Un tel modèle est censé bénéficier au consommateur final. Ce n’est pourtant plus le cas depuis quelques années. Les véhicules neufs en France sont vendus à des prix bien supérieurs à ceux des pays dans lesquels la distribution n’est pas laissée au seul choix du constructeur : les prix des véhicules neufs ont ainsi augmenté de 21 % depuis 2019. En outre, un déséquilibre apparaît entre les distributeurs et les constructeurs en matière de partage des profits. Les constructeurs exigent d’important investissements de la part des distributeurs, ce qui leur évite de les effectuer eux‑mêmes. Cette charge supplémentaire pour les distributeurs menace leur rentabilité et leur capacité à entretenir le tissu économique local.

Face à ce phénomène de précarisation des distributeurs automobiles, de nombreux États‑membre de l’Union Européenne, tels que l’Espagne ou l’Autriche, ont adapté leur législation afin de prévoir une indemnisation par les constructeurs et importateurs automobiles des investissements non amortis engagés par les distributeurs, voire une compensation en cas lorsque le contrat liant les deux parties arrive à échéance.

Enfin, certains constructeurs automobiles font le choix de contrats d’agence pour la distribution de leur marchandise, afin de mieux contrôler les prix de ventes des véhicules neufs. Ces contrats les obligent à assumer la charge de tous les investissements nécessaires à la commercialisation de leurs véhicules ainsi qu’à verser une indemnité compensatrice du préjudice subi par leurs agents commerciaux du seul fait de la cessation du contrat d’agence, sauf faute grave de ce dernier ou cession de son contrat (article L. 134‑12 et L. 134‑13 du code de commerce ; dispositions impératives). Il existe donc une distorsion de situation entre des entreprises opérant sur le marché de la distribution des véhicules neufs.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi vise à :

– préciser que les investissements exigés des distributeurs automobiles, doivent être raisonnables au regard des perspectives économiques ;

– donner la liberté aux distributeurs automobiles de céder leurs entreprises en réservant aux constructeurs ou importateurs un droit de préférence, assorti le cas échéant d’une faculté de substitution, leur permettant de conserver le contrôle de leur réseau ;

– prévoir des indemnisations en cas de cessation du contrat, prenant en compte les investissements réalisés par les distributeurs et la clientèle qu’ils ont attachée localement à la marque.

 


proposition de loi

Article unique

Le livre III du code de commerce est complété par un titre V ainsi rédigé :

« TITRE V

« DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE

« Art. L. 3421. – I. – Le présent titre s’applique aux systèmes de distribution et de réparation sélective ou exclusive créés par des fournisseurs de véhicules automobiles qui encadrent les conditions d’achat, de vente, de revente de véhicules automobiles neufs, de pièces de rechange pour véhicules automobiles ou de services de réparation et d’entretien de véhicules automobiles.

« II. – Sont considérés comme véhicules automobiles neufs, au sens du présent titre, les véhicules autopropulsés à deux roues et plus destinés à être utilisés sur la voie publique et n’ayant circulé que pour les besoins de leur manutention et de leur livraison au client final.

« Art. L. 3422. – Le fournisseur ne peut exiger du distributeur ou du réparateur des investissements substantiels ou la création d’une nouvelle installation de vente ou de service, sans justifier du caractère raisonnable de ses demandes au regard des perspectives d’évolution du marché et des produits, objet du contrat.

« Art. L. 3423. – Le contrat de distribution doit prévoir le droit pour le distributeur ou le réparateur de céder la totalité de ses droits et obligations à toute personne de son choix formulant une offre de bonne foi, répondant à des critères objectifs et raisonnables requis par le fournisseur. Le contrat de distribution peut réserver au fournisseur un droit de préférence, assorti le cas échéant d’une faculté de substitution, pour acquérir, aux mêmes conditions que celles de l’offre reçue par le distributeur ou le réparateur, dans un délai raisonnable n’excédant pas un mois à compter de la réception par le fournisseur de la notification du distributeur ou du réparateur de l’offre d’achat qu’il a reçue.

« Art. L. 3424. – En cas de résiliation à l’initiative du fournisseur ou en cas de cessation du contrat et en l’absence de faute grave du distributeur ou du réparateur, une indemnité compensatrice du préjudice subi par le distributeur ou le réparateur du fait de la cessation de la relation contractuelle est due par le fournisseur. Cette indemnité comprend les éléments suivants :

« 1° la valeur des éléments incorporels liés à la clientèle attachée localement à la marque par le distributeur ;

« 2° la valeur non amortie des investissements engagés par le distributeur ou le réparateur, à la demande ou avec l’accord du fournisseur notamment pour satisfaire à ses conditions d’agrément ;

« 3° la reprise des stocks.

« Art. L. 3425. – Le transfert des données clients et prospects, qui constituent un élément essentiel du fonds de commerce des distributeurs, ne peut être imposé par le constructeur sans cadre juridique préalable, et sans prévoir une contrepartie économique pour les distributeurs. »