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N° 879 rectifié

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 février 2023.

PROPOSITION DE LOI

pour un accès plus juste et plus transparent
au marché de lassurance affinitaire,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Danielle BRULEBOIS, Philippe FAIT, Christine DECODTS, Benoît BORDAT, Patrice PERROT, Thierry BENOIT, Stéphane VOJETTA, Lysiane MÉTAYER, Pascale BOYER, Cécile RILHAC, Joël GIRAUD, Françoise BUFFET, Vincent THIÉBAUT, Damien ABAD, Nicole DUBRÉCHIRAT, Lionel ROYERPERREAUT, Jacqueline MAQUET, Béatrice PIRON, Éric ALAUZET, Richard RAMOS, Anthony BROSSE, Servane HUGUES, Damien ADAM, Karl OLIVE, JeanMarc ZULESI,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi vise à encadrer les pratiques commerciales liées à la distribution de l’assurance affinitaire afin de mieux protéger les consommateurs.

Les assurances affinitaires ont montré leur utilité, elles apportent un nouveau service, et dans la plupart des cas elles sont proposées de façon appropriée et transparente.

La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a créé une nouvelle catégorie d’assurances, l’assurance affinitaire qui accompagne un produit ou un service vendu à un consommateur. En effet, l’article L. 112‑10 alinéa 1er du code des assurances dispose que l’assurance affinitaire est « souscrite en complément à un bien ou un service “vendu” par un fournisseur ». Elle peut donc se définir comme l’assurance intrinsèquement liée à un produit ou à un service, duquel elle ne peut être dissociée. Juridiquement, c’est une assurance collective de dommages distribuée aux consommateurs comme accessoire à un contrat principal de vente d’un appareil multimédia (téléphones portable, ordinateurs, montres connectées, consoles de jeux, drones, trottinettes électriques). L’article L. 129‑1, alinéa 2, du code des assurances définit les contrats d’assurance collective de dommages comme « un contrat souscrit par une personne morale en vue de l’adhésion par toute personne intéressée par le bénéfice des garanties pour la couverture des risques autres que ceux mentionnés au premier alinéa de l’article L. 129‑1 du Code des assurances. »

Cette garantie affinitaire couvre :

– Soit le risque de mauvais fonctionnement, de perte y compris de vol ou d’endommagement des biens fournis ;

– Soit l’endommagement ou la perte, y compris le vol de bagages et les autres risques liés à un voyage.

Schématiquement, le consommateur adhère à cette assurance collective de dommages par l’intermédiaire d’un courtier, personne morale, qui a préalablement souscrit et négocié les termes du contrat avec un assureur, dont la prime d’assurance, les risques garantis et les exclusions de la police.

C’est donc une assurance complémentaire optionnelle à laquelle il est possible de souscrire à l’achat d’un produit ou d’un service. Dans la pratique, elle est presque systématiquement proposée lors d’achat dans des magasins spécialisés ou des grandes surfaces.

L’assurance affinitaire répond à un nouveau besoin de service et constitue un marché important. Les assurances affinitaires bénéficient de fortes perspectives de croissance, grâce à l’explosion de la vente des objets, technologiques et nomades et grâce au développement du e‑commerce.

Les assurances affinitaires représentent 13 % du total des dossiers du médiateur de l’assurance en 2021. Une tendance qui s’est accélérée depuis le début de l’année. 

Les pratiques de quelques groupes commercialisant ce type d’assurance figurent régulièrement dans l’actualité. Depuis 2018, les associations de consommateurs aux côtés de milliers d’entre eux dénoncent leurs agissements. Par exemple, une association de défense des droits des consommateurs comptabilise plus de 6 000 plaintes à ce sujet. Encore aujourd’hui, des personnes découvrent sur leurs relevés de banque des prélèvements indus. Dans le meilleur des cas, ces opérations ont commencé il y a quelques mois et se limitent à une vingtaine d’euros par mois. Mais nombreux sont ceux qui se rendent compte que leur compte fait l’objet depuis des années de plusieurs prélèvements mensuels pour un montant total qui peut dépasser les 100 euros. Pour beaucoup, le total des versements indus peut atteindre plusieurs milliers d’euros, après deux ou trois années.

La Direction générale de la concurrence et de la consommation (DGCCRF) a diligenté de nombreuses enquêtes suite aux anomalies constatées. Elle a relevé que certaines étaient constitutives du délit de pratiques commerciales trompeuses visé aux articles L. 121‑2 et L. 121‑3 du code de la consommation. Elle l’explique dans un communiqué du 14 juin 2019.

Les pratiques dénoncées de façon concordante par les consommateurs concernent l’absence de prise en compte effective de leur demande de résiliation, et d’autre part, le maintien des prélèvements bancaires sur les comptes des intéressés malgré la confirmation orale de leur résiliation par les conseillers. Plusieurs actions judiciaires sont aujourd’hui en cours.

Le législateur doit se saisir de cette question. Nos voisins ont légiféré à ce sujet. Par exemple, les contrats d’assurance pour téléphones portables, ordinateurs ou tablettes, qui débutent par une période de gratuité sont interdits en Belgique depuis novembre 2022.

Suite à la loi mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat du 16 août 2022, au 1er janvier 2023, l’assuré dispose d’un délai de 30 jours pour renoncer au contrat d’assurance affinitaire. Et en cas de période de gratuité, le délai de 30 jours sera décompté à partir de la date de paiement de tout ou partie de la première prime.

Bien que la plupart du temps la souscription de contrat d’assurance affinitaire ne pose pas de problème pour les consommateurs qui sont bien informés, il est nécessaire d’apporter d’autres modifications pour éviter que des dérives ne soient possibles, qui ne sont cependant le fait que d’un très petit nombre d’assureurs.

La présente proposition de loi propose de remédier aux situations préjudiciables que connaissent aujourd’hui des milliers de consommateurs.

L’article 1er précise les modalités de l’accord du consommateur au moment de la signature du contrat. La partie contrat d’assurance fait l’objet d’une page séparée de celle de l’acte d’achat. La souscription au contrat d’assurance affinitaire à tacite reconduction se fait par signature séparée de celle de l’acte d’achat. À la suite de la souscription, un document est remis à l’adhérent, par lettre d’accueil nominative et courrier électronique dédiés, rappelant son engagement, comprenant les dates de conclusion et de prise d’effet du contrat, le périmètre de la garantie et de ses exclusions, son droit de renonciation et les modalités d’exercice de ce droit, notamment l’adresse à laquelle la notification de la renonciation doit être envoyée ainsi que les modalités d’examen et les coordonnées du service des réclamations. Cet article vise aussi à sanctionner les pratiques contraires aux règles relatives à la protection du consommateur.

L’article 2 vise à supprimer la possibilité de rendre le(s) premier(s) mois gratuit(s) et à imposer au consommateur de payer une prime dès la souscription du contrat d’assurance collectif à adhésion facultative constituant un complément d’un bien ou d’un service vendu par un fournisseur. Ce dernier fera un choix en pleine connaissance de cause et sera conscient de l’engagement pécuniaire qu’il prend en souscrivant l’assurance. Il est fréquent dans ce secteur que la prime soit payable par mensualités. Certains de ces contrats dispensent le client de payer la première mensualité et/ou font augmenter graduellement les mensualités au cours du contrat sans qu’aucun avenant n’ait été signé par le consommateur et sans que cette évolution tarifaire ne soit prévue par la police d’assurance. Cette pratique engendre un biais irréparable dans l’analyse des exigences et des besoins du client en matière d’assurance. Cette pratique permet d’attirer l’attention du consommateur sur une période initiale de couverture gratuite, et non sur les caractéristiques du produit qu’on lui propose de souscrire et alors même que le contrat dans son ensemble ne correspondrait pas à ses exigences et besoins.

Les nouvelles règles décrites ci‑dessus n’entendent toutefois pas s’attaquer à toutes les formes d’avantages commerciaux. En effet, des promotions peuvent encore être offertes au consommateur. De telles promotions doivent, néanmoins, consister en une réduction de la prime annuelle mais ne peuvent aucunement se matérialiser par des mensualités gratuites ou de valeur inégale. Le vendeur devra ainsi déduire de la prime annuelle le montant de la réduction (qui peut consister en un mois gratuit) pour ensuite la diviser en douze mensualités égales. La première de ces mensualités devant être payée dès la souscription du contrat d’assurance. Cet article s’inspire du dispositif mis en place actuellement en Belgique.

L’article 3 vise à préciser le contenu de l’avis d’échéance envoyé chaque année par l’assureur dans le cadre des contrats à reconduction tacite. Cette information incombe à l’assureur et est délivrée sous format papier et par courriel. Elle doit rappeler l’objet de l’assurance, le numéro de contrat, le libellé du prélèvement, le montant des primes à venir et alerter sur la nécessité de résilier si le bien ou service principal n’ont plus d’objet, avec rappel des conditions de résiliation.

L’article 4 vise à inscrire dans le Code des assurances la mention par laquelle les avenants aux polices d’assurance affinitaires sont obligatoirement signés par les adhérents. Le code des assurances prévoit que chaque avenant doit être signé. Le présent article vise à le préciser pour les assurances affinitaires. Des prélèvements sur le compte bancaire des consommateurs ne suffisent pas à justifier de l’accord tacite des consommateurs pour une évolution de leur prime. Après souscription d’un contrat certaines assurances envoient ensuite des courriels pour proposer des nouvelles options. Le client ne les voit pas toujours, ne les lit pas toujours avec attention et ces messages tombent souvent dans ses courriers indésirables. Si le client ne répond pas sous 30 jours, les assureurs considèrent, alors, que le silence du consommateur est considéré comme valant consentement à l’avenant. C’est le cas de beaucoup de consommateurs qui se retrouvent avec un pack téléphonie, un pack informatique, un bi pack ou autre qu’ils n’ont jamais demandés et pour lesquels ils n’ont pas signé d’avenant. Des prélèvements sont effectués sur leur compte bancaire sans qu’ils les aient autorisés.

L’article 5 a pour objet de permettre une résiliation à tout moment du contrat d’assurance affinitaire comme c’est le cas pour l’assurance emprunteur. En effet, l’impossibilité de résilier cette assurance avant la première année est aujourd’hui très préjudiciable pour de nombreux consommateurs. Cette durée obligatoire apparait comme disproportionnée par rapport au prix d’acquisition du bien high‑tech ou de téléphonique dont la durée de vie n’excède parfois pas une année. De surcroit, les évolutions technologiques impliquent que les consommateurs revendent rapidement leur bien de téléphonie ou leur ordinateur afin de leur éviter une décote sur la valeur du bien, la garantie n’a alors plus d’objet.

L’article 6 vise à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement concernant les fraudes aux prélèvements. Auparavant, pour mettre en place un prélèvement sur un compte bancaire, il fallait fournir à la banque l’accord du titulaire et du commerçant (le débiteur). Avec la norme SEPA, le client n’a plus son mot à dire à chaque fois. Lorsqu’une entreprise souhaite déclencher des prélèvements sur son compte, elle contacte directement la banque qui présume de l’accord de son client. Car, en principe, il a été donné directement au débiteur. Certains groupes commercialisant des assurances affinitaires ont profité de cette situation en facturant des prélèvements non autorisés par le client. Pour remédier à cette situation, les banques ont pris les moyens de se protéger, comme la liste blanche des prestataires seuls autorisés à faire des prélèvements. Il semble important que la représentation nationale dispose d’un constat précis à ce sujet pour légiférer au mieux afin de préserver au mieux les intérêts des consommateurs.

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 112‑10 du code des assurances est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« I. L’assuré qui souscrit à des fins non professionnelles un contrat d’assurance constituant un complément d’un bien ou d’un service vendu par un fournisseur peut renoncer à ce contrat, sans frais ni pénalités, tant qu’il n’a pas été intégralement exécuté ou que l’assuré n’a fait intervenir aucune garantie, et dans la limite d’un délai de trente jours calendaires à compter de la conclusion du contrat. Lorsque l’assuré bénéficie d’une ou de plusieurs primes d’assurance gratuites, ce délai ne court qu’à compter du paiement de tout ou partie de la première prime. »

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le bulletin d’adhésion remis au consommateur doit préciser en caractères gras et apparents qu’il s’agit d’un contrat d’assurance collectif à adhésion facultative constituant un complément d’un bien ou d’un service vendu par un fournisseur. »

3° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :

a) Au début, est ajoutée la mention : « II. » ;

b) Après le mot : « assurance », sont insérés les mots : « collectif à adhésion facultative constituant un complément d’un bien ou d’un service vendu par un fournisseur » ;

c) À la fin, les mots « et l’informant de la faculté de renonciation mentionnée au premier alinéa » sont supprimés ;

4° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« III. – À la suite de la conclusion du contrat d’assurance collectif à adhésion facultative constituant un complément d’un bien ou d’un service vendu par un fournisseur, le distributeur informe dans les meilleurs délais l’adhérent, par lettre nominative et courrier électronique dédiés, de son engagement, des dates de conclusion et de prise d’effet du contrat, du périmètre de la garantie et de ses exclusions, de son éventuel droit de renonciation et des modalités d’exercice de ce droit, notamment l’adresse à laquelle la notification de la renonciation doit être envoyée ainsi que les modalités d’examen des réclamations que le souscripteur peut formuler au sujet du contrat. Il s’assure de la bonne réception par l’assuré de ces informations. Si le contrat est souscrit par voie électronique, les modalités de résiliation sont mises en œuvre dans les conditions mentionnées à l’article L. 215‑1‑1 du code de la consommation. »

5° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) Au début de la première phrase, est ajoutée la mention : « IV. » ;

b) À la fin de la même phrase, les mots : « dans les conditions prévues au premier alinéa » sont supprimés ;

c) À la fin de la seconde phrase, les mots « prévu au premier alinéa » sont supprimés ;

6° Après le troisième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« V. – En application de l’article L. 215 ‑1 du présent code, l’assureur rappelle à l’assuré de manière claire et compréhensible les dispositions de l’article L. 121‑9 du même code.

« VI. – Les infractions aux dispositions du présent article sont constatées et sanctionnées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre III.

« Les infractions constituées par le non‑respect par les distributeurs des dispositions relatives au processus de commercialisation, telles que mentionnées aux I à V du présent article, peuvent également être recherchées et constatées par les agents mentionnés aux articles L. 511‑3 et L. 511‑21 du code de la consommation, dans les conditions prévues à l’article L. 511‑6 du même code. »

7° Au début du quatrième alinéa, est ajoutée la mention : « VII. »

Article 2

Après l’article L. 175‑16 du code des assurances, il est inséré un article L. 175‑16‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 175161. – Il est interdit à tout professionnel de commercialiser en France auprès de consommateurs, ou d’offrir à ceux‑ci d’adhérer à des contrats d’assurance collectif à adhésion facultative constituant un complément d’un bien ou d’un service vendu par un fournisseur stipulant une gratuité de la première échéance de paiement de la prime contractuellement convenue.

« La prime d’assurance est appelée à la date convenue entre les parties, annuellement, mensuellement ou trimestriellement. En cas de paiement mensuel ou trimestriel de la prime d’assurance, le montant de la prime appelée est identique pour chaque échéance contractuellement convenue entre les parties. »

Article 3

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 113‑15‑1 du code des assurances, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « L’assureur envoie chaque année une information complète à l’assuré par papier et par courriel. Dans cet avis d’échéance figurent l’objet de l’assurance, le numéro de contrat, le libellé du prélèvement, le montant total des primes de l’année à venir, une information précisant que l’assurance doit être résiliée par l’assuré en cas de perte ou si le produit ou le service assuré n’ont plus d’objet, et un rappel des conditions de résiliation. »

Article 4

Après la première phrase du cinquième alinéa de de l’article L. 112‑3 du code des assurances, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Cette acceptation de l’avenant doit être signée formellement par le client par réponse de mail signée et par courrier papier. Cet avenant implique l’envoi d’un nouvel avis d’échéance. »

Article 5

Après l’article L. 113‑12‑2 du code des assurances, il est inséré un article L. 113‑12‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 113123 – Par dérogation à l’article L. 113‑12 du présent code, l’assuré qui adhère à des fins non professionnelles à un contrat d’assurance collectif à adhésion facultative constituant un complément d’un bien ou d’un service vendu par un fournisseur peut renoncer à ce contrat, sans frais ni pénalités, à tout moment, dès l’adhésion à cette police d’assurance.

« L’assuré notifie à l’assureur ou à son représentant sa demande de résiliation dans les conditions prévues à l’article L. 113‑14 du présent code.

« Ce droit de résiliation appartient exclusivement à l’assuré.

« Pendant toute la durée du contrat d’assurance et par dérogation à l’article L. 113‑4 du présent code, l’assureur ne peut pas résilier ce contrat d’assurance pour cause d’aggravation du risque, sauf dans certaines conditions définies par décret en Conseil d’État, résultant d’un changement de comportement volontaire de l’assuré. »

Article 6

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur les fraudes aux prélèvements et la communication des banques quant à la possibilité d’établir une liste blanche ainsi que les tarifications pratiquées