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N° 919

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à annuler les dispositions qui menacent l’existence
des jardins d’enfants,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Philippe JUVIN, Emmanuelle ANTHOINE, Thibault BAZIN, Émilie BONNIVARD, MarieChristine DALLOZ, Josiane CORNELOUP, Christelle D’INTORNI, Victor HABERTDASSAULT, Patrick HETZEL, Véronique LOUWAGIE, Yannick NEUDER, Isabelle PÉRIGAULT, Nicolas RAY, Michèle TABAROT, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nés durant l’entre‑deux‑guerres dans nos quartiers populaires, les jardins d’enfants représentaient un moyen efficace de lutte contre les inégalités, en accueillant les enfants des familles les plus défavorisées avant l’entrée à l’école et en permettant aux femmes d’aller travailler. Ces jardins visaient en outre à préparer les jeunes Français à l’école élémentaire à l’âge de la scolarité obligatoire fixée alors à 6 ans.

Avec la démocratisation de l’école maternelle et la généralisation de la scolarisation à 3 ans, les jardins d’enfants ont progressivement évolué et demeurent encore une fierté pour notre pays.

Alors que nous sommes devenus l’un des pays les plus inégalitaires de l’OCDE, avec notamment des résultats médiocres concernant l’équité de son système scolaire (selon l’enquête PISA de 2018), les jardins d’enfants permettent de soutenir la parentalité, d’assurer une prise en charge plus adaptée qu’à la maternelle tout en appliquant le programme de l’Éducation nationale.

Ces structures garantissent en outre la socialisation, la mixité sociale et l’inclusion notamment des enfants en situation de handicap, grâce au cas par cas rendu possible par les petits effectifs. Ces structures contribuent ainsi à promouvoir une société plus fluide avec moins de déterminisme et plus de mobilité sociale.

Toutefois, depuis l’adoption en juillet 2019 de la loi « Pour une école de la confiance », les jardins d’enfants sont menacés de disparition et doivent fermer leurs portes à partir de la rentrée 2024.

Cette suppression tourmente à la fois les professionnels de la petite enfance, les parents et les élus locaux : dès 2019, des voix se sont élevées contre cette disposition de la loi qui met un terme aux activités traditionnelles des jardins d’enfants et une pétition lancée en avril 2019 a notamment recueilli plus de 14 000 signatures.

Les jardins d’enfants, au nombre de 260, accueillaient en 2020 8 200 enfants âgés de deux à six ans, selon une mission d’expertise menée par l’Inspection générale des affaires sociales et Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Cette mission indiquait que ces établissements sont inégalement concernés par l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire. 190 d’entre eux accueillent des enfants de moins de trois ans : ils sont peu, voire pas concernés par la loi. Les 70 autres établissements positionnés comme alternative à l’école maternelle et sont donc concernés par la mise en œuvre de la loi du 26 juillet 2019. C’est particulièrement le cas pour les jardins d’enfants pédagogiques de la ville de Paris (JEP), jardins d’enfants associatifs bilingues ou les jardins d’enfants intégrant une forte proportion d’enfants en situation de handicap financés par les collectivités locales.

Lors de son audition le 2 août 2022 par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, a rappelé l’impossibilité d’une dérogation spécifique pour ces établissements au‑delà de septembre 2024 : « Ce n’était pas l’objectif de la loi que de menacer les jardins d’enfants mais c’est un effet indirect de cette loi. » tout en indiquant vouloir « trouver un chemin pour préserver les jardins d’enfants […] en échange avec les municipalités concernées. L’histoire des jardins d’enfants est une histoire qui mérite d’être valorisée et les jardins d’enfants participent aussi des missions de service public. »

La volonté du ministère de l’éducation nationale de trouver une solution juridique pour que ces établissements puissent continuer à accueillir des enfants avait été préalablement indiquée devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, par le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, le 13 juillet 2022.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi qui entend pérenniser le dispositif limité temporellement par les dispositions actuelles de l’article 18 de la loi n° 2019‑791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. Il est proposé d’accorder une dérogation permanente aux jardins d’enfant dans leur définition résultant des dispositions de cet article 18 soit des établissements d’accueil collectif qui reçoivent exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans jusqu’à leur entrée en classe préparatoire du premier degré et qui étaient ouverts à la date de la rentrée scolaire 2019.

Cette dérogation permanente s’inscrit dans le plein respect des objectifs de la loi sur l’école de la confiance, lesquels sont partagés par l’ensemble de la communauté éducative des jardins d’enfant.

Comme prévu dans la loi sur l’école de la confiance, les établissements concernés continueront à contribuer à répondre aux objectifs visés par l’instruction obligatoire et à la mettre en œuvre dans les conditions prévues par le code de l’éducation, notamment s’agissant du respect des normes minimales de connaissances requises et de l’accès au droit à l’éducation et à être soumis au contrôle des services de l’État.

L’article 1er vise à pérenniser, au‑delà de l’année scolaire 2023‑2024, les dispositions de l’article 18 de la loi pour une école de la confiance pour les jardins d’enfants gérés ou financés par une collectivité publique.

Pour rappel, ces dispositions imposent aux personnes responsables d’un enfant d’au moins 3 ans de déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation l’inscription de l’enfant dans un jardin d’enfants. Elles disposent également que l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation prescrit le contrôle des jardins d’enfants afin de s’assurer que l’enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l’article L. 131‑1‑1 du code de l’éducation et que les élèves de ces établissements ont accès au droit à l’éducation tel que celui‑ci est défini par l’article L. 111‑1 du même code.

L’article 2 vise à fixer une entrée en vigueur du texte au 1er août 2024.

L’article 3 vise à gager financièrement la proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

Le premier alinéa de l’article 18 de la loi n° 2019‑791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance est ainsi modifié :

1° Après le mot : « peut », les mots : « , au cours des années scolaires 2019‑2020 à 2023‑2024, » sont supprimés ;

2° Après la dernière occurrence du mot : « enfants », sont insérés les mots : « géré ou financé par une collectivité publique et ».

Article 2

La présente loi entre en vigueur le 1er août 2024.

Article 3

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les alcools prévue au chapitre III du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.