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N° 933

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à mieux protéger les forces de l’ordre en définissant des peines minimales de privation de liberté,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Stéphane RAMBAUD, Bénédicte AUZANOT, Philippe BALLARD, José BEAURAIN, Pierrick BERTELOOT, Bruno BILDE, Emmanuel BLAIRY, Sophie BLANC, Frédéric BOCCALETTI, Jorys BOVET, Jérôme BUISSON, Frédéric CABROLIER, Victor CATTEAU, Sébastien CHENU, Roger CHUDEAU, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Grégoire de FOURNAS, Thibaut FRANÇOIS, Thierry FRAPPÉ, Stéphanie GALZY, Frank GILETTI, Yoann GILLET, Christian GIRARD, José GONZALEZ, Géraldine GRANGIER, Daniel GRENON, Michel GUINIOT, Marine HAMELET, Alexis JOLLY, Laure LAVALETTE, Hervé de LÉPINAU, Katiana LEVAVASSEUR, Aurélien LOPEZLIGUORI, MarieFrance LORHO, Philippe LOTTIAUX, Matthieu MARCHIO, Alexandra MASSON, Kévin MAUVIEUX, Joëlle MÉLIN, Serge MULLER, Julien ODOUL, Caroline PARMENTIER, Kévin PFEFFER, Angélique RANC, Laurence ROBERTDEHAULT, Béatrice ROULLAUD, Anaïs SABATINI, Alexandre SABATOU, Emeric SALMON, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La violence a quelque chose d’intolérable. Elle est injustifiable dans tous les cas (sauf en cas de légitime défense) a fortiori lorsqu’elle s’exerce à l’encontre de ceux et celles qui sont chargés d’assurer l’ordre public.

Or on assiste depuis quelques années à une sorte de banalisation de la violence à l’encontre non seulement des policiers et des gendarmes mais aussi des pompiers et de toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique (PDAP) c’est‑à‑dire ceux qui, avec détermination et courage veillent chaque jour à la sécurité des Français. Cette situation n’est pas acceptable car ces agressions mettent en danger leur intégrité physique, menacent leur vie, et témoignent d’une volonté délibérée de leurs auteurs de s’affranchir des règles les plus élémentaires qui gouvernent notre pays.

En s’en prenant aux professionnels qui se sont vus confier un pouvoir de décision et de contrainte fondé sur la puissance publique, ces derniers affichent en effet leur mépris violent de l’organisation de la société française et, en définitive, des Français eux‑mêmes.

À ce titre, les agressions contre les personnes dépositaires de l’autorité publique appellent une réponse pénale d’une particulière fermeté qui ne peut passer que par l’emprisonnement, la détention ou la réclusion.

D’après les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur, ces actes de violence ont augmenté entre 2005 et 2020, de 46 %, passant de 24 000 par an, à 35 000 par an.

Il faut bien le reconnaître, la question des peines planchers fait débat depuis longtemps. Historiquement, le code pénal comportait des « fourchettes » de peines. Il y a été mis fin, dans le droit pénal général en 1992, par l’article 322 de la loi n° 92‑1336 du 16 décembre 1992, dite loi d’adaptation au nouveau code pénal, qui a abrogé « toutes les mentions relatives aux minima des peines » figurant dans les textes antérieurs. Pourtant, seuls ont été maintenus dans le code pénal le plancher criminel, à savoir, deux ans au minimum pour la détention criminelle à perpétuité et un an minimum pour la détention criminelle à temps.

En 2007, le Gouvernement de l’époque avait réintroduit dans le code pénal un système encadrant l’appréciation des juges dans la fixation du quantum des peines d’emprisonnement ou de réclusion pour les crimes ou délits commis en état de récidive légale. Le dispositif adopté permettait au juge de ne pouvoir prononcer de peine en‑dessous de certains seuils. La juridiction gardait toutefois la possibilité de déroger à ces seuils, par une motivation spéciale détaillant les garanties de réinsertion du condamné.

Critiqué par certains, ce système de peines a finalement été supprimé en 2014 par le Gouvernement Valls au prétexte qu’il remettait en cause le principe de la personnalisation judiciaire et de l’individualisation de la peine.

À ce propos, le Conseil constitutionnel, depuis sa décision n° 2005‑520 du 22 juillet 2005, fait découler le principe d’individualisation des peines de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 supposant que le juge puisse adapter la peine aux circonstances de chaque acte que la loi entend réprimer.

Cependant, il est à noter aussi que ce principe n’est pas absolu. En effet, le Conseil juge qu’il ne saurait « faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions » (Décision n° 2017‑752 DC du 8 septembre 2017, Loi pour la confiance dans la vie politique, paragraphe 7). Par ailleurs, ce principe « n’implique pas davantage que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction » (Décision n° 2007‑554 DC du 9 août 2007, loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, considérant 13).

Fort de ces principes consacrés par le Conseil constitutionnel, alors que la violence persiste en France et qu’un message de fermeté est plus que nécessaire pour y faire face, il s’agit de donner dans la loi des indications claires quant à la volonté du législateur de ne plus la tolérer.

Au vu de la montée fulgurante de la violence dans la société française, il est donc urgent de passer de la dissuasion à la répression. C’est ce qu’exige la situation et ce que demandent nos concitoyens. C’est ce qu’espèrent les femmes et les hommes entièrement dévoués au service de la protection des Français qui ne doivent plus être impunément la cible des délinquants. La proposition de loi prévoit d’assortir la peine maximale d’emprisonnement, de détention ou de réclusion prévue en cas d’infraction commise contre une personne dépositaire de l’autorité publique, d’une peine minimale fixée selon une gradation claire et cohérente tenant compte de la gravité des faits. À l’intérieur de la fourchette déterminée par ce maximum et ce minimum, le juge a toute liberté de fixer le quantum de la peine de privation de liberté, ce qui répond à l’exigence d’individualisation des peines consacrée par le Conseil constitutionnel.

L’introduction dans notre code pénal de peines planchers pour ces types de délits ou de crimes apparaît à cet égard comme une nécessité.

L’article 1er de la proposition de loi fixe donc des peines planchers pour les crimes commis contre une personne dépositaire de l’autorité publique.

L’article 2 fixe des peines planchers pour les délits commis contre une personne dépositaire de l’autorité publique.

C’est pourquoi il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, d’adopter la présente proposition de loi.

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Après l’article 132‑18 du code pénal, il est inséré un article 132‑18‑1 ainsi rédigé :

« Art. 132181.  Pour les crimes commis contre un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, en raison de cette qualité, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Sept ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;

« 2° Dix ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;

« 3° Quinze ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;

« 4° Vingt ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.

« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires. »

Article 2

Après l’article 132‑19 du même code, il est inséré un article 132‑19‑1 ainsi rédigé :

« Art. 132191. – Pour les délits commis contre un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, en raison de cette qualité, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Dix‑huit mois, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;

« 2° Trois ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;

« 3° Quatre ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;

« 4°Cinq ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.

« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires. »