1

Description : LOGO

N° 940

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

pour un article 49 respectueux de la représentation nationale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jérémie IORDANOFF, Cyrielle CHATELAIN, Mathilde PANOT, André CHASSAIGNE, JeanFélix ACQUAVIVA, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Farida AMRANI, Christine ARRIGHI, Julien BAYOU, Lisa BELLUCO, Karim BEN CHEIKH, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Mickaël BOULOUX, Louis BOYARD, Florian CHAUCHE, JeanFrançois COULOMME, Arthur DELAPORTE, Pierre DHARRÉVILLE, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Charles FOURNIER, Marie-Charlotte GARIN, Raquel GARRIDO, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Hubert JULIENLAFERRIERE, Andy KERBRAT, Julie LAERNOES, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Charlotte LEDUC, Murielle LEPVRAUD, Benjamin LUCAS, Élisa MARTIN, Damien MAUDET, Paul MOLAC, Francesca PASQUINI, Stéphane PEU, Sébastien PEYTAVIE, Marie POCHON, Thomas PORTES, Dominique POTIER, JeanHugues RATENON, JeanClaude RAUX, Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Michel SALA, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, Anne STAMBACHTERRENOIR, Aurélien TACHE, Sophie TAILLEPOLIAN, Matthias TAVEL, Nicolas THIERRY, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER, Jiovanny WILLIAM,

député-e-s.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à rééquilibrer les pouvoirs, à rétablir l’Assemblée nationale dans sa fonction et ses prérogatives, en réaffirmant l’obligation pour le Gouvernement d’engager sa responsabilité devant la représentation nationale (réécriture de l’article 49 alinéa premier) et en retirant à l’exécutif la possibilité de restreindre le débat et forcer le pouvoir législatif (suppression de l’article 49 alinéa 3).

Si la Constitution de la Ve République dessine sur le papier un régime parlementaire, il résulte de l’extrême méfiance à l’endroit du parlement qui a présidé à sa conception, une nette prépondérance de l’exécutif qui, en dépit de maigres aménagements, reste problématique.

Redoutant l’absence de majorité solide à l’Assemblée nationale, après des décennies d’instabilité chronique sous les III et IVe Républiques, les constituants de 1958 ont excessivement encadré les prérogatives du Parlement et l’ont relégué au troisième rang des pouvoirs constitués, derrière le Président de la République et le Gouvernement.

Couplée au parlementarisme majoritaire qui permet au gouvernement, sauf accident, d’être assuré d’une majorité fidèle – pour ne pas dire aux ordres – cette rationalisation abusive de l’activité parlementaire crée un déséquilibre flagrant au détriment de l’unique institution représentative et délibérative de la Ve République : le Parlement. L’exécutif en France est structurellement organisé pour décider seul.

Or, un régime démocratique ne peut considérer la légitimité de l’exécutif comme acquise. Au contraire, tout doit être mis en œuvre pour que le gouvernement ne devienne pas une instance de domination.

Sans préjudice d’une réécriture plus large de la Constitution, quelques ajustements de notre texte fondamental pourraient déjà contribuer significativement à une reparlementarisation du régime. C’est pourquoi nous proposons d’en finir avec deux anomalies juridiques propres à la Ve République : le principe de la confiance présumée et le mécanisme de la législation forcée.

Aux termes d’une interprétation audacieuse de notre texte constitutionnel, notre Assemblée nationale s’est, en effet, vu retirer la puissance politique dont sont investies toutes les autres assemblées dans les régimes parlementaires contemporains, à savoir sa « fonction élective » (Walter Bagehot). Alors qu’il était clair, selon le premier alinéa de l’article 49 de la constitution, que le Premier ministre devait engager la responsabilité du Gouvernement sur son programme, une interprétation contra legem s’est imposée dans nos mœurs politiques pour n’en faire qu’une prérogative laissée à la discrétion du Chef du gouvernement. C’est d’ailleurs la pratique des démocraties voisines, où les assemblées ont une influence directe sur la formation des gouvernements (vote de confiance au RoyaumeUni, élection directe du Chancelier par le Bundestag en Allemagne). En toute logique, un gouvernement parlementaire ne saurait déterminer et conduire la politique de la Nation sans détenir expressément, dès sa formation, la confiance du Parlement. Et la confiance ne se présume pas.

Il faut ensuite en finir avec le mécanisme de la législation forcée. Le débat fonde notre démocratie. Or, aux premières difficultés rencontrées, le 49 alinéa 3 permet à l’exécutif de liquider la délibération parlementaire. Sans que le Parlement ne puisse se prononcer, le texte est réputé adopté, sauf à ce qu’une motion de censure ne soit déposée et votée dans les conditions impossibles de l’alinéa 2. Marque d’un exercice vertical du pouvoir, ce dispositif dégrade notre démocratie et ce d’autant plus qu’il a récemment changé de nature. Initialement, sa vocation était, à titre exceptionnel, de mettre un terme à des dissensions au sein d’une majorité jugée indisciplinée. Mais, en dépit de la révision de 2008, son usage est devenu, sous le Gouvernement Borne, l’arme expéditive d’un gouvernement ne disposant pas d’une majorité absolue. Or, lors des travaux préparatoires à l’élaboration de la Constitution, répondant à des objections de Paul Reynaud sur cet alinéa, le garde des Sceaux, Michel Debré, avait déclaré reconnaître « que l’application de ce paragraphe 3, répétée chaque mois et plusieurs années serait la destruction non seulement du système mais de l’autorité gouvernementale ». De fait, l’article 49 alinéa 3 sera toujours le choix de la brutalité à l’encontre de la représentation nationale et par là une forme de mépris envers le peuple français. Il est d’ailleurs perçu comme tel et contribue à faire douter nos concitoyens du pouvoir effectif de leurs représentants. Il est temps de changer de paradigme : l’exécutif doit « faire avec » le législateur. Si un gouvernement n’a plus de majorité pour mettre en œuvre sa politique, il convient de changer le gouvernement. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.


PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article 1er

Le premier alinéa de l’article 49 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le mot : « engage » est remplacé par les mots : « doit engager » ;

2° Après le mot : « nationale », sont insérés les mots : « , et dans les meilleurs délais, ».

Article 2

L’avant‑dernier alinéa de l’article 49 de la Constitution est supprimé.