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N° 959

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI
PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 11 DE LA CONSTITUTION

visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite
ne peut être fixé audelà de 62 ans,

présentée par Mesdames et Messieurs

Nadège ABOMANGOLI, Jean‑Félix ACQUAVIVA, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Cathy APOURCEAU‑POLY, Rodrigo ARENAS, Christine ARRIGHI, Viviane ARTIGALAS, Éliane ASSASSI, David ASSOULINE, Clémentine AUTAIN, Joël AVIRAGNET, Jérémy BACCHI, Christian BAPTISTE, Nathalie BASSIRE, Delphine BATHO, Marie‑Noëlle BATTISTEL, Julien BAYOU, Lisa BELLUCO, Guy BENARROCHE, Esther BENBASSA, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Joël BIGOT, Carlos Martens BILONGO, Florence BLATRIX CONTAT, Éric BOCQUET, Manuel BOMPARD, Nicole BONNEFOY, Denis BOUAD, Mickaël BOULOUX, Idir BOUMERTIT, Hussein BOURGI, Soumya BOUROUAHA, Louis BOYARD, Daniel BREUILLER, Jean‑Louis BRICOUT, Isabelle BRIQUET, Moetai BROTHERSON, Céline BRULIN, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Rémi CARDON, Marie‑Arlette CARLOTTI, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Michel CASTELLANI, Jean‑Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, Yan CHANTREL, André CHASSAIGNE, Cyrielle CHATELAIN, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Laurence COHEN, Paul‑André COLOMBANI, Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY‑MOURET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean‑Pierre CORBISEZ, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Thierry COZIC, Cécile CUKIERMAN, Ronan DANTEC, Hendrik DAVI, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Sébastien DELOGU, Gilbert‑Luc DEVINAZ, Pierre DHARRÉVILLE, Thomas DOSSUS, Alma DUFOUR, Jérôme DURAIN, Vincent ÉBLÉ, Inaki ECHANIZ, Karen ERODI, Frédérique ESPAGNAC, Martine ÉTIENNE, Elsa FAUCILLON, Olivier FAURE, Rémi FÉRAUD, Corinne FÉRET, Emmanuel FERNANDES, Jacques FERNIQUE, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Jean‑Luc FICHET, Martine FILLEUL, Charles FOURNIER, Perceval GAILLARD, Marie‑Charlotte GARIN, Guillaume GAROT, Raquel GARRIDO, Fabien GAY, Hervé GILLÉ, Guillaume GONTARD, Michelle GRÉAUME, Jérôme GUEDJ, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, David HABIB, Johnny HAJJAR, Laurence HARRIBEY, Mathilde HIGNET, Jean‑Michel HOULLEGATTE, Jérémie IORDANOFF, Olivier JACQUIN, Victoire JASMIN, Éric JEANSANNETAS, Patrice JOLY, Bernard JOMIER, Gisèle JOURDA, Chantal JOURDAN, Hubert JULIEN‑LAFFERIÈRE, Sébastien JUMEL, Patrick KANNER, Marietta KARAMANLI, Emeline K/BIDI, Rachel KEKE, Fatiha KELOUA‑HACHI, Andy KERBRAT, Éric KERROUCHE, Marie‑Pierre de LA GONTRIE, Joël LABBÉ, Bastien LACHAUD, Julie LAERNOES, Gérard LAHELLEC, Maxime LAISNEY, Pierre LAURENT, Arnaud LE GALL, Tematai LE GAYIC, Antoine LÉAUMENT, Karine LEBON, Élise LEBOUCHER, Jean‑Yves LECONTE, Jean‑Paul LECOQ, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Annie LE HOUEROU, Murielle LEPVRAUD, Gérard LESEUL, Marie‑Noëlle LIENEMANN, Jean‑Jacques LOZACH, Monique LUBIN, Benjamin LUCAS, Victorin LUREL, Jacques‑Bernard MAGNER, Frédéric MAILLOT, Monique de MARCO, Didier MARIE, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Serge MÉRILLOU, Manon MEUNIER, Michelle MEUNIER, Jean‑Jacques MICHAU, Paul MOLAC, Marie‑Pierre MONIER, Yannick MONNET, Franck MONTAUGÉ, Marcellin NADEAU, Philippe NAILLET, Jean‑Philippe NILOR, Danièle OBONO, Pierre OUZOULIAS, Nathalie OZIOL, Bertrand PANCHER, Laurent PANIFOUS, Mathilde PANOT, Paul Toussaint PARIGI, Francesca PASQUINI, Bertrand PETIT, Stéphane PEU, Sébastien PEYTAVIE, Anna PIC, René PILATO, François PIQUEMAL, Christine PIRÈS BEAUNE, Sébastien PLA, Marie POCHON, Raymonde PONCET MONGE, Thomas PORTES, Dominique POTIER, Émilienne POUMIROL, Angèle PRÉVILLE, Loïc PRUD’HOMME, Valérie RABAULT, Jean‑Hugues RATENON, Jean‑Claude RAUX, Claude RAYNAL, Christian REDON‑SARRAZY, Sandra REGOL, Davy RIMANE, Sylvie ROBERT, Gilbert ROGER, Sébastien ROME, Laurence ROSSIGNOL, Claudia ROUAUX, Sandrine ROUSSEAU, Fabien ROUSSEL, François RUFFIN, Benjamin SAINT‑HUILE, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Daniel SALMON, Nicolas SANSU, Isabelle SANTIAGO, Eva SAS, Hervé SAULIGNAC, Pascal SAVOLDELLI, Sabrina SEBAIHI, Olivier SERVA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Lucien STANZIONE, Jean‑Pierre SUEUR, Aurélien TACHÉ, Sophie TAILLÉ‑POLIAN, David TAUPIAC, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Jean‑Marc TELLIER, Rachid TEMAL, Nicolas THIERRY, Mélanie THOMIN, Jean‑Claude TISSOT, Jean‑Marc TODESCHINI, Aurélie TROUVÉ, Cécile UNTERMAIER, Boris VALLAUD, Mickaël VALLET, André VALLINI, Sabine VAN HEGHE, Paul VANNIER, Marie‑Claude VARAILLAS, Roger VICOT, Mélanie VOGEL, Léo WALTER, Jiovanny WILLIAM, Hubert WULFRANC,

députés et sénateurs.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement a engagé une réforme qui vise à relever de deux ans l’âge légal de départ à la retraite ainsi que la durée de cotisation requise pour prétendre à une retraite à taux plein.

L’objectif marqué par une vision comptable est double : réduire les dépenses publiques en diminuant le temps de la retraite et les pensions versées et générer de nouvelles recettes en augmentant la durée de cotisation des salariés.

Néanmoins, les impacts sociaux d’un tel choix politique ne peuvent être ignorés. En effet, le poids entier d’une telle disposition repose exclusivement sur les travailleuses et les travailleurs. Or, il apparaît très clairement que le choix politique de relever l’âge légal de départ à la retraite n’est pas soutenable d’un point de vue humain et social.

À ce titre, le report de deux ans de l’âge de départ à la retraite, qui date de 2010 ([1]), de 60 à 62 ans, est fort d’enseignement.

L’Insee ([2]) a ainsi démontré que ce précédent recul de deux ans a nettement exacerbé la précarisation des personnes en fin de carrière. La réforme de 2010 a, en effet, accru la probabilité́ d’être précaire à 60 ans de 13 points ainsi que la part des personnes âgées de plus de 50 ans, parmi les privés d’emploi, de 15 points.

À l’heure actuelle, reculer de nouveau l’âge de départ à la retraite se heurte, plus encore qu’en 2010, aux difficultés du maintien dans l’emploi des travailleurs de plus de 50 ans. En effet, près d’un travailleur sur deux à partir de 54 ans n’est plus en emploi et un tiers des plus de 61 ans n’est plus ni en emploi, ni à la retraite. Dans le contexte actuel de chômage et de réduction des droits à l’assurance chômage, reculer l’âge légal de départ à la retraite comportera ainsi, à l’instar de la réforme de 2010, et vraisemblablement de manière amplifiée, un coût humain et social extrêmement important.

Ces présomptions sont confirmées par les travaux de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques et de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques : le coût social estimé du décalage de la retraite à 64 ans serait d’environ 100 000 allocataires de minima sociaux supplémentaires et 120 000 bénéficiaires d’une pension d’invalidité de plus. Un nouveau recul de l’âge de départ à la retraite porterait également à près de 80 000 le nombre de nouveaux privés d’emploi indemnisés. En outre, les dernières réformes du Gouvernement en matière d’assurance chômage ont fortement réduit les conditions d’accès et la durée de l’indemnisation. Il y aura donc bien plus de personnes sans emploi et privées de toute indemnisation.

Par ailleurs, l’intensification du travail et la dégradation des conditions de travail n’ont cessé de croître. Ainsi, en 1984, 21 % des ouvriers « non qualifiés » subissaient au moins trois contraintes physiques ; en 2019, ils étaient 69 %. Pour les employés de commerce et services, ce chiffre est passé de 10 % à 48 % sur la même période. Les effets de l’âge sont ainsi très différenciés selon le métier exercé et les contraintes subies. Ces inégalités observées tout au long de la vie se traduisent par des inégalités très fortes en matière d’espérance de vie. Pour les hommes, on peut observer près de douze années d’écart d’espérance de vie entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches ; pour les femmes, ce sont près de huit années d’écart. Les plus riches bénéficient également plus longtemps de la retraite : seuls 49 % des hommes du premier décile dépassent les 75 ans, contre 84 % des plus riches.

En outre, sachant que les écarts de salaire entre femmes et hommes sont de 28 % en moyenne, que par conséquent, les pensions des femmes sont en moyenne inférieures de 40 % à celle des hommes et que 40 % des femmes partent à la retraite avec une carrière incomplète, les inégalités avérées dans la vie, au travail et à la retraite entre les femmes et les hommes seront mécaniquement amplifiées par un rallongement de la durée de travail.

Il est donc indéniable que le choix de rallonger la durée au travail accentue les inégalités sociales et porte particulièrement préjudice aux populations les plus vulnérables et à celles exerçant les métiers les plus précaires ou les plus affectés par une forme de pénibilité.

Faire le choix de reporter l’âge légal de départ à la retraite relève bien d’une réforme relative à la politique sociale dont les effets attendus, en termes budgétaires, sont entièrement supportés par les travailleurs. Or, il apparaît très clairement que les impacts sociaux d’une telle disposition sont largement régressifs et confortent les inégalités sociales quand il conviendrait, à l’inverse, de les corriger pour une meilleure cohésion sociale.

Pour toutes ces raisons, il revient donc au peuple français, par voie de référendum, de pouvoir se prononcer pour ou contre la limitation de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans.

 

 

 


proposition de loi

Article unique

L’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l’article L. 3511 du code de la sécurité sociale, à l’article L. 73218 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l’article L. 24 et au 1° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut être fixé audelà de soixantedeux ans.


([1])  Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites

([2])  La réforme des retraites de 2010 : quel impact sur l’activité des séniors ? Yves Dubois, Malik Koubi In Économie & prévision 2017/2-3 (n° 211-212), pages 61 à 90