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N° 972

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à donner un véritable droit de prescription
aux médecins coordonnateurs d’établissements d’hébergement
pour personnes âgées dépendantes,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Josiane CORNELOUP, JeanPierre TAITE, Mansour KAMARDINE, Isabelle VALENTIN, Véronique LOUWAGIE, Antoine VERMORELMARQUES, Frédérique MEUNIER, Jérôme NURY, Francis DUBOIS, JeanJacques GAULTIER, Hubert BRIGAND, Ian BOUCARD, JeanLuc BOURGEAUX, Yannick NEUDER, Philippe JUVIN, Michel HERBILLON, Nicolas FORISSIER, Stéphane VIRY, Emmanuelle ANTHOINE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Ces derniers mois, la crise dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPAD) a entraîné une prise de conscience collective et relancé le débat au sein de notre société sur le bien vieillir dans notre pays.

La maltraitance institutionnelle dénoncée dans le cadre des scandales sur la gestion de certains établissements, à caractère privé pour la plupart, a donné lieu à de nombreux débats qui ont permis de mettre en lumière les carences de notre système de santé en la matière.

Le constat principal qui a pu être tiré est le malaise généralisé des personnels soignants travaillant dans ces établissements, ainsi que celui des résidents et de leurs familles qui s’inquiètent de la dégradation des conditions de vie de leurs aînés.

Fin 2019, quelques 611 000 personnes âgées résident en EHPAD en France métropolitaine et la grande majorité d’entre elles sont accueillies en hébergement permanent ([1]). La moitié d’entre elles a plus de 87 ans et présente en grande partie des pathologies multiples, qui nécessitent des prescriptions médicamenteuses.

Le médecin coordonnateur est le pivot des EHPAD en ce qu’il assure non seulement l’encadrement médical de l’équipe soignante mais également le suivi quotidien de l’ensemble des pensionnaires à la différence des médecins traitants, il exerce en parallèle une mission de conseiller gériatrique auprès des directeurs d’établissement.

Aujourd’hui, la place du médecin coordonnateur et son champ d’action doivent être encore renforcés pour assurer un meilleur suivi médical des résidents, en particulier au regard de la dégradation constante de leur état de santé et de leur autonomie corrélée à l’aggravation du phénomène de désertification médicale dans les territoires ruraux.

Est aujourd’hui constatée une véritable pénurie de médecins traitants en EHPAD et dans tous les territoires. Certains établissements ne trouvent pas de médecins traitants et ceux qui sont présents sont souvent trop peu disponibles.

Le secteur de la dépendance est en pleine mutation, à ce titre cette évolution est essentielle.

Jusqu’à la réforme récente de son statut, la capacité de prescription du médecin coordonnateur en EHPAD était limitée, selon le code de l’action sociale et des familles, « en cas d’urgence ou de risques vitaux » ou en cas de survenue « de risques exceptionnels ou collectifs nécessitant une organisation adaptée des soins » ([2]).

Le décret portant réforme du cadre du médecin coordonnateur, paru en juillet 2019, inclut désormais dans ces risques le suivi des épidémies de grippe saisonnière. L’évolution la plus significative concerne la nécessité de traitement en cas d’absence du médecin traitant. La mission du coordonnateur d’EHPAD a donc été considérablement étendue et clarifiée.

Ainsi, lorsque le médecin traitant ou désigné par le patient ou son remplaçant n’est pas en mesure d’assurer une consultation par intervention dans l’établissement, conseil téléphonique ou téléprescription, le médecin coordonnateur de l’établissement peut intervenir pour tout acte, incluant l’acte de prescription médicamenteuse. Dans ce cas, les médecins traitants des résidents concernés doivent être informés des prescriptions réalisées par le médecin coordonnateur.

Le décret de 2019 répond donc en partie aux problèmes susmentionnés mais reste à ce stade insuffisant.

Il apparaît nécessaire d’aller encore plus loin et de donner au médecin coordonnateur d’EHPAD le statut de médecin traitant « prescripteur » pour les résidents qui le souhaiteraient.

En effet, en lien avec l’équipe médicale de l’EHPAD au contact de l’ensemble des résidents, la coordination est facilitée si le médecin coordonnateur est également le prescripteur. De plus, dans les cas d’urgence, cela évite les risques de polymédication, les prescriptions pouvant être plus facilement adaptées en cas d’aggravation.

Ceci est en parfaite adéquation avec les objectifs poursuivis par la feuille de route du Gouvernement sur la médicalisation des EHPAD, présentée le 7 mars 2022.

L’article prévoit toutefois la possibilité, pour les résidents qui le souhaitent, de conserver pour médecin prescripteur leur médecin traitant. Dans ce cas, le médecin coordonnateur ne pourra réaliser de prescriptions qu’en cas d’urgence et devra en informer le médecin traitant.

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le V de l’article L. 313‑12 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« V. – Le personnel des établissements mentionnés au I et au IV bis comprend un médecin coordonnateur. Le médecin coordonnateur exerce les missions suivantes :

« 1° Il contribue, auprès des professionnels de santé exerçant dans l’établissement, à la bonne adaptation aux impératifs gériatriques des prescriptions de médicaments et des produits et prestations inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 165‑1 du code de la sécurité sociale. À cette fin, il élabore une liste, par classe pharmaco‑thérapeutique, des médicaments à utiliser préférentiellement, en collaboration avec les médecins traitants des résidents et avec le pharmacien chargé de la gérance de la pharmacie à usage intérieur ou le pharmacien d’officine référent mentionné au II de l’article L. 5126‑10 du code de la santé publique ;

« 2° Il est associé à l’élaboration et à la mise en œuvre des contrats prévus à l’article L. 183‑1‑1 du code de la sécurité sociale ;

« 3° Il a la qualité de médecin traitant de toute personne prise en charge dans l’établissement, dans les conditions et sous les réserves suivantes :

« – lorsque cette personne a déjà désigné un médecin traitant dans les conditions prévues à l’article L. 162‑5‑3 du code de la sécurité sociale, elle, son représentant légal ou la personne de confiance désignée en application de l’article L. 311‑5‑1 du présent code peut s’opposer à ce que le médecin coordonnateur bénéficie de la qualité de médecin traitant. Cette opposition doit être formulée dans le contrat de séjour ou le document individuel de prise en charge prévu par l’article L. 311‑4 du même code ;

« – lorsque cette personne n’a pas déjà désigné de médecin traitant, le médecin coordonnateur est réputé de plein droit être désigné au sens de l’article L. 162‑5‑3 du code de la sécurité sociale ;

« – les modalités contractuelles sont fixées par décret ;

« – le médecin coordonnateur perd d’office la qualité de médecin traitant lorsque la personne prise en charge quitte l’établissement.

Les modalités d’information de l’organisme gestionnaire de régime de base d’assurance maladie de la personne prise en charge, les modalités d’information mutuelle du médecin traitant et du médecin coordonnateur et les règles relatives à l’accès du médecin coordonnateur au dossier médical personnel lorsqu’il a perdu la qualité de médecin traitant sont fixées par décret.

« 4° Nonobstant le 3°, il réalise des prescriptions médicales pour les résidents de l’établissement au sein duquel il exerce ses fonctions de coordonnateur en cas de situation d’urgence ou de risques vitaux ainsi que lors de la survenue de risques exceptionnels ou collectifs nécessitant une organisation adaptée des soins. Les médecins traitants des résidents concernés sont dans tous les cas informés des prescriptions réalisées. 

« Les autres missions du médecin coordonnateur sont définies par décret.

« Le personnel des établissements publics mentionnés au I et au IV bis peut comprendre des médecins, des biologistes, des odontologistes et des pharmaciens mentionnés à l’article L. 6152‑1 du code de la santé publique. Les établissements privés mentionnés au I peuvent faire appel à ces praticiens dans les conditions prévues par les statuts de ces derniers. »

Article 2

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1])  Drees, décembre 2020.

([2])  Article L 313-12 du code de l’action sociale et des familles.