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N° 978 rectifié

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à un développement raisonné des énergies renouvelables,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Emmanuel MAQUET, Fabrice BRUN, Nicolas RAY, Isabelle VALENTIN, Josiane CORNELOUP, Justine GRUET, Alexandre PORTIER, Véronique LOUWAGIE, Pierre CORDIER, Vincent DESCOEUR, Annie GENEVARD, Stéphane VIRY, Victor HABERTDASSAULT, Nicolas FORISSIER, Yannick NEUDER, JeanYves BONY, Jérôme NURY, Jean-Luc BOURGEAUX, Julien DIVE, Philippe GOSSELIN, Philippe JUVIN, Emmanuelle ANTHOINE, Francis DUBOIS, Jean-Jacques GAULTIER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’hiver 2022‑2023 a été exempt de toute coupure d’électricité. L’histoire retiendra‑t‑elle que ce qui était autrefois tenu pour une évidence dans un pays développé comme la France, fut subordonné aux conditions météorologiques ?

Il doit être rappelé que, suite à une série de décisions aussi irrationnelles que dogmatiques, les gouvernements successifs depuis 2012 ont non seulement délaissé la filière électronucléaire française, mais l’ont délibérément sabotée, au point de soumettre l’approvisionnement électrique national aux aléas du climat et de la situation géopolitique mondiale – exemples mêmes de dépendances contre lesquelles aurait dû nous protéger une politique de sauvegarde de nos intérêts stratégiques.

Dans la longue liste des décisions ayant abouti à soumettre les Français au risque de rupture d’approvisionnement, le développement tous azimuts des énergies renouvelables figure en bonne place. Une part considérable du budget de l’État – entre 153 et 172 milliards d’euros depuis 2000 d’après le Comité de gestion des charges de service public de l’électricité (CGCSPE) – a été engagée pour développer ces énergies imposées par des objectifs européens dénués de tout intérêt climatique ou stratégique, au lieu d’être investie dans la décarbonation de l’énergie.

En effet, renouvelable ne veut pas dire bon pour le climat, ni pour la santé : la principale énergie qui a permis à l’Union européenne d’atteindre en 2020 son objectif de 20 % d’énergies renouvelables était la biomasse, autrement dit la combustion de gaz ou de bois – premier émetteur de particules fines responsables de 40 000 morts en France.

Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy s’étaient opposés à cette injonction fixée en 2008. Préoccupés par l’urgence du réchauffement climatique, ils avaient plaidé pour un objectif susceptible de le ralentir : le développement de l’énergie bas carbone, c’est‑à‑dire y compris nucléaire. Hélas pour le climat et la santé des Européens, l’idéologie anti‑nucléaire fut plus forte.

En la matière, tous les États membres n’ont pas été logés à la même enseigne. Pour atteindre 20 % à l’échelle de l’Europe, le Parlement européen a exigé 23 % de la France et 18 % de l’Allemagne. Nous étions à 19,1 % en 2020 : « échec cuisant », « seul pays européen à ne pas avoir atteint son objectif », nous voilà obligés de dépenser 500 millions d’euros en rachat de mégawatts statistiques et de voter en urgence une loi d’accélération.

L’Allemagne a atteint 19,3 % en 2020 – quasiment le même niveau – tout en étant l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre européens à cause de son électricité produite au charbon et au lignite suite à la désastreuse Energiewende : « succès éclatant », « modèle de transition énergétique ». Ceux qui participent à ce jeu de dupe admettent qu’ils préfèrent aggraver le réchauffement climatique et les troubles cardio‑respiratoires dus aux particules fines plutôt que de promouvoir la seule énergie alliant sûreté, abondance et décarbonation : le nucléaire.

Certes, les sources de production d’électricité renouvelable que sont l’éolien et le solaire ont un bilan carbone relativement bas sous réserve de ne pas être manufacturées dans des pays à haute intensité carbone comme la Chine. Mais le fait qu’elles ne soient ni très productives ni pilotables, comporte des risques stratégiques majeurs pour la sécurité d’approvisionnement, l’indépendance énergétique nationale, l’efficacité de la dépense publique et, en dernier ressort, la souveraineté.

Les jours sans vent ni soleil, ce sont le gaz russe, le charbon allemand ou le gaz de schiste américain qui doivent prendre le relais. Se rendre dépendants d’une énergie comportant un tel risque n’est pas seulement une atteinte à l’environnement : c’est une faute politique majeure qui met l’indépendance stratégique de la France aux mains de puissances étrangères.

Même les jours où toutes les conditions sont réunies, la production à attendre de ces équipements est sans commune mesure avec le budget qu’on leur consacre. L’ordre de grandeur pour produire autant d’électricité qu’une seule centrale nucléaire, soit environ 12 TWh par an, est de 3 000 éoliennes terrestres ou 500 éoliennes en mer, sans parler du fait que leur puissance n’est pas appelable à volonté mais soumise aux aléas météorologiques.

Si encore le démontage en règle de l’industrie de pointe nucléaire se faisait au profit d’une industrie française de l’éolien et du solaire irriguant le territoire d’emplois qualifiés, ce serait un jeu à somme nulle. Mais puisque l’écrasante majorité des fabricants sont asiatiques et scandinaves, il s’agit purement et simplement d’une délocalisation qui ne dit pas son nom.

Cette transition énergétique ne profite donc ni au climat, ni à l’industrie française, ni aux finances publiques, ni à notre réseau électrique. En revanche, les éoliennes ont un impact considérable sur les paysages. La qualité des paysages est un bien commun immatériel. L’installation de 15 000 turbines supplémentaires va industrialiser des zones jusque‑là préservées – la plus importante mutation paysagère depuis l’invention de l’agriculture.

Il s’agit de la bétonisation des millions de mètres carrés de nos campagnes et de notre littoral, l’équivalent d’un département français, soit cinquante fois la surface de Paris. C’est une contradiction à double titre : contradiction des engagements conclus dernièrement à Montréal dans le cadre de la COP15 sur la biodiversité et contradiction de l’objectif du Zéro artificialisation nette (ZAN) imposé aux Français depuis 2021.

Malgré ces bases bancales, la loi d’accélération des énergies renouvelables dont le projet a été présenté en septembre 2022 aurait pu être l’occasion d’une discussion féconde. Il n’en a rien été, tant les choix du gouvernement étaient, sous couvert d’une ouverture d’apparence, verrouillés depuis le départ. L’objet de la présente proposition de loi est donc de présenter un projet alternatif, basé sur des propositions exprimées au cours des discussions.

À cette fin, l’article 1er vise à limiter la reconnaissance de raison impérative d’intérêt publique majeur (RIIPM) aux projets d’énergies renouvelables situés dans les zones d’accélération mises en place par le projet de loi récemment adopté, contrairement à la situation prévue par la loi d’accélération où cette reconnaissance est de droit commun.

L’article 2 vise à doter ces zones de l’exclusivité en matière d’installation d’éoliennes, autrement dit qu’il ne soit pas possible d’en installer en dehors.

L’article 3 vise à augmenter la distance entre les éoliennes et les habitations en la portant à 4 fois la hauteur de l’éolienne, soit 720 mètres d’éloignement pour une éolienne de 180 mètres de haut – il s’agit des modèles dont le syndicat des énergies renouvelables estime qu’ils seront majoritaires en 2030.

L’article 4 vise à fixer une distance minimale de 12 milles nautiques (soit 22 km) entre les parcs éoliens en mer et les côtes, de manière à limiter leur impact visuel, particulièrement sensible compte tenu de l’absence d’écrans végétaux ou de reliefs. La préservation du littoral français et de la ressource halieutique passe par un éloignement de l’implantation des parcs éoliens en mer par rapport au littoral, afin d’éviter l’effet désastreux constaté sur le parc de Saint‑Nazaire, qui altère l’horizon marin de La Baule et des stations balnéaires voisines qui faisaient la richesse touristique de la région.

L’article 5 vise à rétablir l’article 18 sexies du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, adopté en séance et supprimé en commission mixte paritaire, sur la prise en compte de la population DGF pour la répartition de la taxe sur les éoliennes en mer.


proposition de loi

Article 1er

Au premier alinéa de l’article L. 211‑2‑1 du code de l’énergie, après le mot : « lors », sont insérés les mots : « qu’ils sont situés dans une zone d’accélération définie à l’article L. 141‑5‑3 du présent code et ».

Article 2

Le I de l’article L. 141‑5‑3 du code de l’énergie est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Aucune installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent ne peut être installée hors des zones d’accélération définies au présent article, ou en l’absence de telles zones identifiées dans le document d’orientation et d’objectifs mentionné à l’article L. 141‑10 du code de l’urbanisme. »

Article 3

L’avant‑dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 515‑44 du code de l’environnement est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« Elle est fixée à quatre fois la hauteur de l’ouvrage, pales comprises, sans pouvoir être inférieure à 500 mètres. Chaque région a la faculté d’augmenter cette distance pour l’ensemble de son territoire. Cette faculté ne concerne pas les projets déjà autorisés à la date de la promulgation de la loi n°     du      relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. »

Article 4

L’article L. 515‑44 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent en mer sont implantées à une distance minimale de douze milles nautiques des côtes. Le présent alinéa s’applique aux appels d’offres lancés en application de l’article L. 311‑10 du code de l’énergie à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi n°     du      relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. »

Article 5

La deuxième phrase du 1° de l’article 1519 C du code général des impôts est complétée par les mots : « définie à l’article L. 3334‑2 du code général des collectivités territoriales ».