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N° 981

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à réglementer l’implantation des crématoriums
et des sites cinéraires,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanPhilippe TANGUY, Philippe BALLARD, Marine HAMELET, Frank GILETTI, Antoine VILLEDIEU, Stéphanie GALZY, Gisèle LELOUIS, Michaël TAVERNE, Matthieu MARCHIO, Laure LAVALETTE, Sébastien CHENU, Alexandra MASSON, Alexis JOLLY, Pierrick BERTELOOT, Nicolas DRAGON, Bruno BILDE, Nicolas MEIZONNET, Christine LOIR, Frédéric FALCON, Roger CHUDEAU, Géraldine GRANGIER, Annick COUSIN, MarieFrance LORHO, Pascale BORDES, Philippe LOTTIAUX, Michel GUINIOT, Michèle MARTINEZ, José GONZALEZ, Kévin PFEFFER, Julien RANCOULE, Thibaut FRANÇOIS, Emmanuel BLAIRY, Caroline COLOMBIER, Florence GOULET, Mathilde PARIS, Christine ENGRAND, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Christian GIRARD, Joëlle MÉLIN, Jérôme BUISSON, Alexandre LOUBET, Frédéric BOCCALETTI, Emeric SALMON, Alexandre SABATOU, Thomas MÉNAGÉ, Caroline PARMENTIER, José BEAURAIN, Hélène LAPORTE, Romain BAUBRY, Edwige DIAZ, Victor CATTEAU, Kévin MAUVIEUX, Jordan GUITTON, Pierre MEURIN,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi du 15 novembre 1887 a placé la crémation sur un pied d’égalité avec l’inhumation, consacrant ainsi la liberté de funérailles. Depuis, il appartient à la puissance publique de veiller à ce que les équipements funéraires nécessaires à la crémation soient déployés pour que la volonté du défunt ou de sa famille soit respectée.

Si la crémation était pratiquée dans moins de 1 % des funérailles en 1980, elle représentait 32 % en 2011, 36 % en 2016 et a atteint plus de 40 % des funérailles en 2020. À ce rythme, elle représentera 50 % des funérailles d’ici le début des années 2030. La France rejoint ainsi d’autres pays européens où cette pratique funéraire est devenue presque majoritaire, comme la Suisse, l’Allemagne ou les Pays‑Bas.

Face à ce changement, il apparaissait primordial de définir un encadrement juridique complet. C’est par la loi relative à la législation funéraire du 19 décembre 2008, du sénateur Jean‑Pierre Sueur, que le parlement est intervenu. Cette loi qualifie juridiquement les cendres, organise leur destination et encadre les crématoriums et sites cinéraires. Ainsi, la compétence pour créer et gérer ces équipements revient essentiellement aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui peuvent faire le choix de déléguer la gestion à un opérateur habilité.

La création et l’extension de ces équipements sont soumises à l’autorisation préalable du préfet après qu’une enquête publique soit réalisée. Etablie selon la réglementation du code de l’environnement, cette dernière vise à évaluer l’impact sur l’environnement, ainsi qu’à informer les citoyens et à recueillir leurs remarques.

La plupart du temps, le projet de construction d’un crématorium ou d’un site cinéraire est proposé aux élus locaux par l’entreprise souhaitant obtenir la future délégation de service public dans la gestion de cet équipement.

Si le ministère de l’intérieur a mis à disposition des communes un guide juridique relatif à la législation funéraire, il n’y figure aucune disposition relative aux conditions de création ou d’extension de crematoriums ou de cites cinéraires. En effet, les différents textes existants encadrent le corps humain, organisent les funérailles et les cimetières, mais ne posent pas de conditions quant à l’implantation de ces équipements.

Si le juge administratif est intervenu pour apporter plus de précisions, à travers l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nantes du 28 décembre 2012, cela reste insuffisant.

Ainsi, les projets de construction de crematoriums peuvent rencontrer l’opposition des habitants de la commune concernée en raison de la proximité avec leur habitation ou avec un établissement médical, éducatif ou social. Cela a été le cas pour l’implantation du crématorium d’Agneaux en 2009, pour le projet abandonné de celui de Saint‑Hostien dans la Haute‑Loire, ou pour le projet en cours à Poix‑de‑Picardie dans la Somme.

Pourtant, il apparaît que ces équipements sont en nombre insuffisant pour satisfaire les demandes des familles et que leur implantation géographique ne correspond pas aux besoins des populations.

Si 205 crématoriums étaient en service en 2021, d’après l’étude réalisée par la Fédération française de crémation (FFC), leur répartition sur le territoire national est inégale. Par exemple, deux crematoriums sont installés à Roanne, à moins de 8 km l’un de l’autre, quand le département du Lot n’en compte aucun.

Pour financer leur fonctionnement, les crématoriums ou sites cinéraires doivent effectuer au minimum 500 crémations chaque année. Dans le cas où un équipement serait implanté dans un bassin de vie ne lui permettant pas de couvrir ses frais de fonctionnement et d’investissement, le coût serait supporté par la collectivité territoriale. Dans un tel cas, cela contraint la collectivité à appliquer une redevance de crémation plus élevée. Cette situation favorise ainsi les écarts des montants de la redevance avec plus de 400 € de différence entre le moins cher (420 € à Saint‑Jean‑de‑Kourtzerode) et le plus cher (956 € à Noyal‑Pontivy) en 2020.

La mauvaise adéquation entre les implantations d’équipements et les besoins des familles impacte ces dernières qui se voient contraintes d’effectuer des déplacements lointains et coûteux, avec d’importantes injustices en fonction de la zone géographique.

Par conséquent, il est indispensable que le développement des crématoriums et des sites cinéraires soit encadré à un échelon régional pour maîtriser les finances publiques et proposer aux familles un service funéraire digne et accessible.

Ainsi, l’article 1er créé le schéma régional des crématoriums et sites cinéraires sous la compétence du représentant de l’État, il fixe les modalités de consultation et détermine une révision tous les six ans.

Dans son article 2, cette proposition de loi modifie l’article L. 2223‑40 du code général des collectivités territoriales afin de faire référence au schéma régional des crématoriums et sites cinéraires, mais aussi pour imposer une distance minimale de 500 mètres d’une habitation ou d’un établissement éducatif, médical ou social. Un alinéa supplémentaire prévoit la possibilité d’organiser une consultation par référendum local sur le projet d’installation d’un tel équipement.

Enfin, l’article 3 prévoit que le gouvernement remet un rapport au parlement, dans un délai de quatre mois suivant la publication de la présente loi, afin d’établir un état des lieux des crématoriums et sites cinéraires, de leurs répartitions sur le territoire et du nombre de demandes d’incinération recensées dans chaque département.

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 2223‑40 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2223‑40‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2223401. – I. – Un schéma régional des crématoriums et sites cinéraires organise la répartition des crématoriums et sites cinéraires sur le territoire régional afin de répondre aux besoins de la population, dans le respect des exigences environnementales. Il précise le nombre et la dimension des crématoriums et des sites cinéraires nécessaires dans chacun des départements composant la région, en tenant compte des équipements existants.

« L’évaluation des besoins de la population tient compte, le cas échéant, de ceux des populations des communes et établissements publics de coopération intercommunale immédiatement limitrophes de la région.

« II. – Le schéma est arrêté par le représentant de l’État dans la région.

« Le projet de schéma est soumis, pour avis, au conseil régional, au conseil national des opérations funéraires, ainsi qu’aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et des communes de plus de 2 000 habitants compétents en matière de crématoriums et de sites cinéraires. Ceux‑ci se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la notification du projet de schéma. À défaut, leur avis est réputé favorable.

« III. – Le schéma est révisé tous les six ans dans les conditions prévues au II. »

Article 2

L’article L. 2223‑40 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’autorisation ne peut être délivrée que si la création ou l’extension envisagée est compatible avec les dispositions du schéma régional mentionné à l’article L. 2223‑40‑1 et si les bâtiments concernés sont situés à une distance minimale de 500 mètres de toute habitation et de tout établissement éducatif, médical ou social.

« La commune peut, dans les conditions prévues aux articles L.O. 1112‑1 à L.O. 1112‑14‑2, organiser un référendum local sur un projet de création ou d’extension de crématorium ou de site cinéraire. »

Article 3

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la situation des crématoriums et des sites cinéraires et leur répartition sur le territoire national au regard du nombre de demandes d’incinération recensées dans chaque département.

Article 4

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.