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N° 1037

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à prendre en compte les années de thèse dans l’avancement
de carrière des enseignants,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Vincent SEITLINGER, Éric CIOTTI, Emmanuelle ANTHOINE, Alexandre PORTIER, Ian BOUCARD, Philippe JUVIN, Virginie DUBYMULLER, Nathalie SERRE, Annie GENEVARD, Stéphane VIRY, Nicolas RAY, JeanLuc BOURGEAUX, Marc LE FUR, JeanPierre VIGIER, Jérôme NURY, Yannick NEUDER, Isabelle VALENTIN, Nicolas FORISSIER, Josiane CORNELOUP,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le doctorat est reconnu au niveau mondial comme étant la voie universitaire d’excellence. Il est gage de connaissance de pointe et d’innovation. Mais aussi, il participe à la diplomatie d’influence de la France et il est la principale voie d’entrée vers l’enseignement et la recherche. Ces vecteurs constituent les tenants de la compétitivité d’un pays. C’est la raison pour laquelle, ce cursus est aujourd’hui au centre des politiques éducatives des États avancés. À ce titre, l’arrêté ministériel du 25 mai 2016 réaffirme l’importance de la valorisation du doctorat. L’article L. 412‑1 du code de la recherche définit la recherche comme « intérêt pour la société entière ». Enfin, l’Union européenne, à travers l’espace européen de la recherche définit l’objectif d’un investissement dans la recherche et l’innovation atteignant à terme 3 % du produit intérieur brut.

Pourtant, cet objectif n’est pas atteint. Tout au contraire, il baisse continuellement depuis 2014. La direction de l’évaluation de la prospective et de la performance, notifie une baisse constante du nombre de doctorants depuis 2009. Cela contrevient significativement aux exigences susmentionnées. Par ailleurs, le manque de professeurs se fait croissant. Jeudi 7 juillet 2022, le ministère de l’Éducation nationale a annoncé qu’à l’issue des concours annuels, plus de 4 000 postes n’avaient pas été pourvus. De surcroît, alors que nous devrions inciter les doctorants à rester en France pour enseigner, le contraire se produit : beaucoup de doctorants partent enseigner à l’étranger. Frédérique Vidal, précédente ministre de l’enseignement supérieur admet lors de son entretien au journal Les Echos du 25 janvier 2021 une augmentation de 19 % de doctorants français qui partent à l’international : Il n’est pas exagéré de désigner ce phénomène comme une fuite du capital humain. Dans l’article intitulé « La France est un pays sans avenir pour les jeunes chercheurs », le journal Le Monde fait raisonner, dans un appel à témoignage, le désabusement des doctorants : « ce n’était pas mon plan de carrière de vivre à l’étranger, mais je n’aurais pas exercé le même métier en France. » assène une doctorante interrogée. Il convient donc de prendre acte d’un double échec menant à une conséquence pernicieuse : la baisse du nombre de doctorants et du nombre de professeurs engendre une baisse du niveau général de l’éducation.

En conséquence, il importe de mettre en exergue les facteurs qui rendent la carrière d’un doctorant aussi peu attractive. En premier lieu, la perspective de possibilités d’embauches précaires ne motive pas à entreprendre un doctorat. La note de veille 189 du Centre d’analyse stratégique démontre à travers son analyse comparative que le taux de chômage des étudiants français est parmi le plus élevé des pays de l’Organisation de coopération et de développement économique. Plus précisément, l’enquête « Génération » du Centre d’études et de recherches sur les qualifications, révèle que 14 % des doctorants sont au chômage dans les cinq années suivant l’obtention de leur diplôme. L’Organisation de coopération et de développement économique publie en 2020 une note d’analyse sur les conditions d’insertion professionnelle des docteurs. Elle y mène une enquête permettant un comparatif entre le France et l’Allemagne : en 2019, un enseignant français du premier degré gagne 31 300 dollars brut par an, pour plus de 60 000, au même niveau d’ancienneté, en Allemagne. Mais encore, l’enquête montre que les enseignants français souffrent à la fois d’une rémunération plus faible et d’une progression plus lente : en milieu de carrière, c’estàdire, après quinze ans d’expérience, un enseignant français gagne 38 173 dollars brut par an, pour 48 801 dollars de salaire moyen dans l’OCDE. Le journal Le Monde achève de relayer le profond désarroi qui touche bon nombre de doctorants : « des docteurs qui n’ont plus l’envie de tout sacrifier, sans perspectives d’avenir, finissent par revenir chez leurs parents à plus de 30 ans, car ils ne peuvent plus payer le loyer ».

Dans ce cadre, le législateur doit proposer un dispositif salarial incitateur pour concourir à un double objectif : rendre plus attractif le métier d’enseignant et encourager une meilleure valorisation du doctorat. Par conséquent, nous proposons de cibler la partie des doctorants la plus précieuse à notre capital intellectuel : les professeurs. En effet, d’une part, ces derniers constituent notre force intellectuelle vive qu’il faut soutenir et d’autre part, leur parcours, gage d’excellence permet un enseignement hautement qualitatif.

C’est l’objet de la présente proposition de loi qui propose en son article 1er, que les doctorants disposant du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré ou de l’agrégation, puissent débuter leur carrière de professeur à l’échelon 3 du tableau de rémunération indiciaire. Cet avancement correspond à la durée minimum d’une thèse définit par l’arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat. Le niveau d’échelon maximum pouvant être pris en compte dans l’avancement de carrière ne pourra pas excéder trois ans. Ainsi, cette disposition salariale incite et gratifie les étudiants pour la poursuite d’un doctorat et dans le choix d’une carrière dans l’enseignement. De manière générale, le message envoyé est clair : la valorisation de l’enseignement.

proposition de loi

Article 1er

L’article L. 412‑1 du code de la recherche est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les titulaires du diplôme national de doctorat, également titulaires du concours du certificat d’aptitude au professorat du second degré ou du concours de l’agrégation, débutent leurs carrières d’enseignants au niveau de salaire correspondant à l’échelon 3 du tableau d’avancement défini par l’article L. 522‑21 du code général de la fonction publique. Le nombre d’années maximum de thèse pouvant être comptabilisées dans l’avancement de carrière ne peut pas excéder trois ans. »

Article 2

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre II du code des impositions sur les biens et services.