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N° 1041

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

tendant à abroger le service minimum en cas de grève
dans le secteur des transports publics terrestres,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Thomas PORTES, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos‑Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Soumya BOUROUAHA, Louis BOYARD, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean‑François COULOMNE, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Elsa FAUCILLON, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Karine LEBON, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Arnaud LE GALL, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Benjamin LUCAS, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, René PILATO, François PIQUEMAL, Loïc PRUD’HOMME, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, Sandrine ROUSSEAU, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Aurélien TACHÉ, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

Député‑e‑s.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le droit constitutionnel de faire grève est garanti par le septième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Ce droit est proclamé par le Conseil d’État comme « un principe fondamental de notre temps ».

Au moment où notre pays traverse lune des plus importantes mobilisations sociales de ces dernières décennies, la réaffirmation du droit de grève, en tant que pierre angulaire de notre démocratie sociale, doit être remise à l’ordre du jour.

Aussi, à lheure où certains veulent le limiter, lencadrer voire le supprimer, nous entendons affirmer par ce dispositif législatif que le droit de grève doit demeurer plein et entier, sans aucune restriction.

Arraché par des grèves illégales et violentes au XIXe siècle, il demeure loutil de pression ultime dont disposent les travailleuses et travailleurs pour revendiquer des droits sociaux ou préserver des conquis sociaux.

Si son caractère fondamental ne saurait être dénié, son exercice dans notre droit positif nest pas absolu.

Ainsi, c’est au nom du « principe de continuité du service public » que la loi du 21 août 2007, est venue imposer un service minimum, en cas de grève, dans certains secteurs, avec l’obligation pour les grévistes de notifier leur intention de participer à la grève 48 heures à lavance.

Cette promotion du principe de continuité des services publics a surtout été le fruit dune rhétorique libérale consistant à opposer les travailleurs entre eux puisqu’il est surtout question de garantir la possibilité pour les actifs de se rendre au travail et, à aucun moment, il nest question des chômeurs ou inactifs.

Comme l’expliquait Agnès Dupie, « avant d’être une norme protégeant l’administré, il est avant tout fondement de nombreuses règles de droit public, voire de nombreux privilèges de l’administration ».

De même, ce principe protège davantage « le service » que lusager de ce dernier. Ainsi, à titre dillustration, le service minimum qui a fini par être imposé dans le secteur de la radio‑télévision interroge, en ce qu’il confronte d’un part le droit de grève, et de lautre ce qui relève du confort et du divertissement.

Par ailleurs, il existe un corollaire clair entre le degré de réglementation et le recours effectif au droit de grève. La comparaison avec dautres États, parmi lesquels les pays européens, démontre que plus le droit de grève est encadré, moins laction revendicative y est exercée. En plus de limiter le libre exercice de ce droit, limposition dun service minimum vient, de facto, limiter les conséquences du droit de grève.

S’agissant du secteur des transports publics, le service minimum répond à une approche démagogique, populiste et réactionnaire des relations sociales. En effet, les grèves ne sont en réalité qu’une cause marginale du dysfonctionnement des services publics de transports. À titre d’illustration, en région parisienne, on estime que les grèves dans les transports publics, ces dernières années, nont représenté que 3 % des dysfonctionnements. Ainsi, dans 97 % des cas, il s’agit dincidents liés à la vétusté du matériel, à la surcharge du service, aux saisons, aux signaux dalarme défectueux ou à des cas de suicide sur la voie ferrée ou routière.

Encore plus précisément, l’étude « métroqualité » a mis plusieurs chiffres en avant, notamment une moyenne de 37 heures de perturbations par jour sur le réseau de la RATP, et selon le rapport en date du 4 janvier 2023, les « difficultés d’exploitation » ont provoqué 463 heures de perturbations, suivies des « mesures de sécurité » (221 heures), des « bagages oubliés » (236 heures), des « incidents dexploitation » (89 heures), des « malaises de voyageurs » (80 heures) et des « personnes sur les voies » (76 heures).

L’objet de cette loi est donc de supprimer le service minimum en cas de grève dans le secteur des services publics de transport terrestre régulier de personnes. Elle concerne donc les trains, le métro, le tramway, le RER ou encore les bus.

L’enjeu est de ne pas perdre de vue que le droit de grève est consubstantiel à la démocratie sociale, en ce quil constitue une des rares procédures d’intervention du collectif dans linstitué.

Historique et état du droit positif

Le service minimum a été institué par la loi n° 2007‑1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Cette loi concernait les « services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique » (article 1er). Elle prévoyait la définition de dessertes prioritaires en cas de perturbation prévisible du trafic résultant notamment de grèves, plans de travaux, incidents techniques ou encore aléas climatiques. Elle prévoyait aussi un remboursement des usagers. Les articles de cette loi n’étaient pas codifiés dans le code des transports.

Cette loi a été abrogée par lordonnance n° 2010‑1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports et, en même temps, ses dispositions ont été codifiées.

Une partie a été codifiée dans le chapitre II du titre II du livre II de la première partie du code des transports (champ des transports concernés par le service minimum, règles relatives à la définition des dessertes prioritaires, à linformation du public, au remboursement des usagers). Une autre partie a été codifiée dans le chapitre IV du même titre II (conflits collectifs et exercice du droit de grève), notamment les articles L. 1324‑7 et suivants qui prévoient que les salariés doivent informer lemployeur de leur intention de participer à une grève au plus tard 48 heures avant d’y participer, sous peine dune sanction disciplinaire.

Explication du dispositif

– Supprimer lobligation de mettre en place un service minimum en cas de grève implique :

– dabroger le 1° de larticle L. 1222‑2 du code des transports ;

– de compléter le 5° du même article, dont la formulation est large, pour prévoir quil ne sapplique pas au cas dune grève ;

– de supprimer la seconde phrase du troisième alinéa de larticle L. 1222‑7 qui dispose qu’ » En cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels de lentreprise non grévistes. » ;

 dabroger le chapitre IV du titre II du livre III de première partie du code des transports relatif à la grève. Cette abrogation emporte notamment la suppression de larticle L. 1324‑7 qui impose de se déclarer gréviste 48 heures à lavance.

En ce qui concerne les textes réglementaires relatifs au service minimum, la loi ne peut les abroger directement mais labrogation de leur base législative les rend de facto inapplicables.

 


proposition de loi

Article unique

Le code des transports est ainsi modifié :

1° Larticle L. 1222‑2 est ainsi modifié :

a) Le 1° est abrogé ;

b) Le 5° est complété par les mots : « , à lexception dune grève » ;

2° La seconde phrase du troisième alinéa de larticle L. 1222‑7 est supprimée ;

3° Le chapitre IV du titre II du livre III de la première partie est abrogé.