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N° 1049

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer la reconnaissance de la pénibilité
des métiers difficiles,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Christophe NAEGELEN, David TAUPIAC, Jean-Félix ACQUAVIVA, Béatrice DESCAMPS, Guy BRICOUT, Estelle YOUSSOUFFA, Jean-Luc WARSMANN, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Paul-André COLOMBANI, Michel CASTELLANI, Stéphane LENORMAND,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La pénibilité au travail se définit comme l’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels pouvant laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé. Elle concerne beaucoup de secteurs et de professions, aides à domicile, ouvriers, aides‑soignants, cuisiniers…

Instauré le 1er janvier 2015, le « compte personnel de prévention de la pénibilité » (C3P) devenu « compte professionnel de prévention » (C2P) en 2017 permet aux salariés exposés à certains critères de pénibilité de cumuler des points pour financer une formation professionnelle en vue d’obtenir un autre poste moins exposé, pour obtenir une réduction du temps de travail, avec compensation salariale ou pour bénéficier d’un départ à la retraite anticipé. La logique sous‑jacente est de compenser la perte d’années d’espérance de vie ou d’espérance de vie en bonne santé en raison de l’exposition professionnelle.

Cependant, en 2017, le Gouvernement a décidé de supprimer du C2P quatre des dix critères, à savoir les critères de postures pénibles, de port de charges lourdes, de vibrations mécaniques et d’exposition aux agents chimiques dangereux (y compris poussières et fumées). Cela a constitué un réel recul pour les salariés exposés. En conséquence, moins de 650 000 salariés sont déclarés chaque année comme exerçant une activité pénible. Et pourtant, d’après le ministère du Travail, 13,6 millions de personnes sont exposées « à un ou plusieurs facteurs de pénibilité lors de la semaine précédant leur visite médicale ».

En outre, depuis le 1er janvier 2018, les entreprises ne sont plus redevables de la cotisation de base et de la cotisation additionnelle, qui finançaient le « fonds pénibilité » et donc le C3P. Désormais, le C2P est financé par la branche « accidents du travail » de la Sécurité sociale.

C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi propose de réintégrer les critères supprimés en permettant l’acquisition de points sur le C2P (compte professionnel de prévention) au titre de l’exposition à l’un ou plusieurs des trois facteurs de pénibilité dits ergonomiques que sont les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles et les vibrations mécaniques. Ce texte fait suite à un amendement déposé dans le cadre du débat de la réforme par le groupe parlementaire LIOT, proposé dans le cadre de nos discussions avec les partenaires sociaux, et notamment la CFDT.

Les atteintes à la santé durables observées au niveau collectif et liées au travail doivent notamment permettre de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite, lorsque l’on constate les facteurs ergonomiques) représentent 90 % des maladies professionnelles reconnues. En outre, ils donnent lieu à des incapacités permanentes d’un taux souvent inferieur à 10 %, ce qui les exclut souvent des dispositifs actuels de retraite pour incapacité permanente.

La réforme des retraites a mis en place un suivi médical renforcé auprès des salariés exposés aux facteurs de risques ergonomiques. Ils bénéficieront d’un suivi plus régulier de la médecine du travail, à compter de la visite médicale de mi‑carrière qui intervient autour de 45 ans. Ce suivi renforcé se traduira en fin de carrière par une visite médicale obligatoire entre 60 et 61 ans pour ces salariés pour évaluer la possibilité d’un départ anticipé dès 62 ans à taux plein pour ceux qui ne sont pas en mesure de continuer de travailler (dispositif de retraite pour inaptitude). Mais la logique de la visite médicale, permettant de ne constater qu’a posteriori de potentielles altérations de la santé ou de l’état des salariés n’est ni réalisable dans les faits (du fait du manque de médecin du travail), ni satisfaisante pour constater effectivement l’exposition tout au long de la carrière.

A rebours de cette logique, le C2P permet de reconnaitre au cours de la carrière les conséquences négatives de l’exposition et donc d’accumuler des droits certains et prévisibles, notamment en matière de droit à départ anticipé.

Cette proposition s’appuie donc sur la cartographie des métiers et activités particulièrement exposés à ces trois facteurs de pénibilité, prévue par la réforme pour déterminer les salariés bénéficiaires du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle. Les personnes identifiées pour bénéficier des actions de préventions sont celles qui pourront ainsi être éligibles à l’acquisition de points C2P. Il s’agit d’un mécanisme reposant à la fois sur le dialogue social (du fait de la cartographie des métiers), et en même temps tenant compte de la situation individuelle des salariés exposés à ces facteurs de pénibilité.

La réforme des retraites a seulement amélioré à la marge la prise en compte de la pénibilité en se contentant d’accentuer la prévention. Or, ce n’est pas assez. La Cour des comptes, dans son rapport de décembre 2022, a jugé ce dispositif C2P trop sélectif : trois salariés sur quatre qui devraient en disposer n’en ont pas le bénéfice.

L’étude d’impacts associée au projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale reconnait elle aussi la faible utilisation du C2P : « A la fin 2021, en cumul depuis la création du dispositif, 13 600 salariés ont demandé des conversions de points, alors que 1,9 million de comptes professionnels de prévention ont été ouverts. Pour 9 600 salariés, il s’agissait d’une demande de majoration de durée d’assurance au titre de la pénibilité, pour 2 600 de temps partiel, et pour 1 500 de formation professionnelle ».

Cela doit conduire à une évolution plus ambitieuse du C2P, pour mieux reconnaitre la pénibilité associée à certains métiers. Cette proposition de loi se concentre modestement sur ce point, et n’épuise pas tous les enjeux liés à la reconnaissance de la pénibilité.

Aussi, l’article 1 de cette proposition de loi souhaite la réintégration des critères abandonnés d’améliorer réellement la prise en charge des métiers difficiles, à savoir les trois facteurs de pénibilité dits ergonomiques que sont les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles et les vibrations mécaniques. Par conséquent, l’article 2 permet de gager les dépenses induites par cette proposition de loi.

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 4163‑1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « mentionnés », sont insérés les mots : « au 1°, » ;

b) À la fin, les mots : « au‑delà de certains seuils, appréciés après application des mesures de protection collective et individuelle. » sont remplacés par le signe : « : » ;

c) Sont ajoutés un 1° et un 2° ainsi rédigés :

« 1° Au‑delà de certains seuils pour les facteurs de risques professionnels mentionnés aux b, cd du 2° et au 3° de l’article L. 4161‑1 ;

« 2° Selon une cartographie des métiers et des activités particulièrement exposés aux facteurs de risques professionnels mentionnés au 1° du I de l’article L. 4161‑1 du code du travail, qui s’appuie sur les listes établies, le cas échéant, par les branches professionnelles, en application de l’article L. 4163‑2‑1 du même code. La commission mentionnée à l’article L. 221‑5 du code de la Sécurité sociale établit cette cartographie, notamment pour les secteurs dans lesquels les branches n’ont pas conclu d’accord mentionné au même article L. 4163‑2‑1, en se fondant sur les données disponibles relatives à la sinistralité et aux expositions professionnelles. La commission peut, dans ce cadre, être assistée d’un comité d’experts, dont le fonctionnement et la composition sont définis par décret. »

2° Le deuxième alinéa de l’article L. 4163‑5 est ainsi modifié :

a) Les mots : « après application des mesures de protection collective et individuelle » sont supprimés ;

b) Les mots : « au‑delà des seuils d’exposition définis par décret » sont supprimés ;

c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « L’exposition aux facteurs de risques pour lesquels un seuil d’exposition est défini par décret s’apprécie après application des mesures de protection collective et individuelle. »

Article 2

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.