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N° 1053

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à redonner au baccalauréat sa qualité de premier grade universitaire et à établir les conditions d’accès et d’orientation des bacheliers dans l’enseignement supérieur,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Roger CHUDEAU, Alexandre SABATOU, Alexis JOLLY, Antoine VILLEDIEU, Bruno BILDE, Emeric SALMON, Emmanuel BLAIRY, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Franck ALLISIO, Frédéric CABROLIER, Frédéric FALCON, Jérôme BUISSON, Jocelyn DESSIGNY, José BEAURAIN, José GONZALEZ, Julien ODOUL, Julien RANCOULE, Kévin PFEFFER, Laurent JACOBELLI, Matthieu MARCHIO, Michaël TAVERNE, Michel GUINIOT, Nicolas DRAGON, Nicolas MEIZONNET, Philippe BALLARD, Philippe LOTTIAUX, Philippe SCHRECK, Pierre MEURIN, Pierrick BERTELOOT, Sébastien CHENU, Stéphane RAMBAUD, Thibaut FRANÇOIS, Thomas MÉNAGÉ, Timothée HOUSSIN, Victor CATTEAU, Alexandra MASSON, Annick COUSIN, Caroline PARMENTIER, Edwige DIAZ, Florence GOULET, Gisèle LELOUIS, Hélène LAPORTE, Laure LAVALETTE, Lisette POLLET, MarieFrance LORHO, Marine HAMELET, Mathilde PARIS, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Pascale BORDES, Sandrine DOGORSUCH, Sophie BLANC, Stéphanie GALZY, Yaël MENACHE, Julie LECHANTEUX,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le baccalauréat est, aux termes de l’article D. 613‑3 du Code de l’éducation, pris en application de l’article L. 613‑1 dudit code, le premier grade de l’enseignement supérieur. Comme tel, il autorise l’accès aux études supérieures. Ceci lui confère, au‑delà de la validation des études secondaires, le caractère et la fonction d’un examen d’entrée dans l’enseignement supérieur.

Or, l’article L. 612‑3 du Code de l’éducation institue une « préinscription » des élèves dans les établissements d’enseignement supérieur. Cette préinscription est couramment appelée « Parcoursup », du nom de l’application informatique mise en place à cette fin.

Cette procédure lancée mi‑janvier et qui s’étend jusqu’en avril, est donc largement antérieure aux épreuves terminales du baccalauréat.

Ce calendrier entraîne de lourdes conséquences sur le déroulement des études en classe de terminale. Les élèves, informés du fait que les résultats aux épreuves de spécialités (passées mimars) et les notes obtenues au contrôle continu (40 % de la note finale du baccalauréat) peuvent être décisives pour leur orientation future, subissent une forte pression – tout comme leurs professeurs – et sont plus préoccupés par les notes obtenues que par les connaissances à acquérir pour accéder à l’enseignement supérieur.

De plus la passation des épreuves de spécialités en mars, provoque par la suite un désintérêt certain pour ces disciplines, dès lors qu’elles ont été validées pour Parcoursup.

Le baccalauréat proprement dit et notamment ses épreuves terminales deviennent ainsi une simple formalité substantielle et non plus un examen d’accès à l’enseignement supérieur à caractère académique attestant de l’aptitude du candidat à intégrer telle ou telle formation supérieure.

Certes l’article 612‑3‑1 du code de l’éducation dispose que « les meilleurs élèves de chaque série…/… bénéficient d’un accès prioritaire à l’ensemble des formations de l’enseignement supérieur », mais cette disposition ne saurait être vraiment appliquée dans le calendrier très contraint de Parcoursup, dont les opérations sont closes en avril.

La plateforme d’orientation des bacheliers dans l’enseignement supérieur Parcoursup établie dans le cadre de la loi du 8 mars 2018, relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE), présente elle‑même de nombreux défauts qui altèrent sa pertinence et rendent l’accès des bacheliers aux établissements d’enseignement supérieur aléatoire, opaque et inégalitaire.

Le but initial du projet de loi ORE, était de répondre à une double problématique : il visait à remédier aux dysfonctionnements du portail « Admission post‑bac » (APB) en vigueur depuis 2009 et à lutter contre le fort taux d’échec dans le premier cycle. La solution proposée était donc la mise en œuvre d’une nouvelle procédure centrée sur la « personnalisation » des parcours afin de « mieux accompagner les étudiants, d’améliorer leurs conditions de vie et d’études et de favoriser leur réussite dans les filières d’enseignement supérieur qu’ils ont choisies » ([1]).

Après quatre années d’existence et d’utilisation, le bilan est globalement négatif. Non seulement la procédure Parcoursup n’a pas supprimé les anomalies d’admission dans l’enseignement supérieur, mais elle en a créé d’autres, d’une autre nature et aux conséquences non moins dommageables.

Ainsi plusieurs dizaines de milliers de bacheliers se voient refuser chaque année l’accès à l’enseignement supérieur : à la rentrée 2022, 138 865 bacheliers se sont trouvés sans affectation.

Parcoursup n’a pas davantage contribué à réduire de façon significative l’échec en première année d’université, qui se situe autour de 50 %. On peut estimer que cela est en grande partie imputable à une orientation défaillante vers l’enseignement supérieur qui entraîne chez les étudiants de première année de grandes difficultés d’adaptation aux méthodes de travail et au niveau d’exigence des universités.

La Cour des comptes a observé que les 54 heures annuelles consacrées en principe en classe de terminale à l’orientation ne sont que rarement effectuées, car elles ne figurent pas dans la grille horaire des enseignements ([2]).

Ce constat d’échec quant à l’efficacité de Parcoursup est partagé à la fois par les élèves, les professeurs et les familles. Dans une enquête IPSOS pour le ministère de l’enseignement supérieur, les bacheliers ne sont plus que 68 % à déclarer que Parcoursup a facilité leur entrée dans l’enseignement supérieur, contre 81 % en 2020. Un bachelier sur trois ne considère pas avoir été aidé par Parcoursup dans l’élaboration de son projet d’orientation ([3]).

Du côté des professeurs, la plateforme est loin de faire l’unanimité. Les professeurs principaux en charge d’accompagner les lycéens dans leurs vœux sont nombreux à constater des anomalies les résultats des futurs bacheliers : il est fréquent que deux candidats ayant des dossiers identiques et formulant le même vœu reçoivent des affectations différentes. Certains professeurs principaux de terminale vont même jusqu’à éprouver un sentiment d’impuissance face à une procédure dont ils ne peuvent pas expliquer le fonctionnement et qui les prive de toute capacité à accompagner leurs élèves dans leur orientation. L’incohérence et l’opacité de l’algorithme crée un sentiment d’incompréhension et de dépossession ([4]).

La situation d’incertitude quant aux résultats d’admission provoque chez les familles un climat anxiogène. On ne compte plus, dans la presse, les témoignages d’élèves et de parents qui reconnaissent leurs difficultés à se repérer dans les 21 000 formations proposées par la plateforme. Tout le monde s’accorde à dire que l’algorithme donne l’impression chez les élèves que leur avenir dépend de moins en moins de leur choix, et de plus en plus d’une sorte de « jeu de hasard » ou de loterie.

Le président de la République n’a‑t‑il pas lui‑même reconnu que Parcoursup était une « usine à stress » ? Cette expression est une manière de reconnaître que l’angoisse n’est pas une conséquence de cette procédure mais une de ses composantes majeures – « comme si Parcoursup était un algorithme manufacturant l’inquiétude à grande échelle. » ([5])

Le Défenseur des Droits ([6]) a reconnu « l’absence de transparence de la procédure d’affectation ainsi que le caractère potentiellement discriminatoire de certains critères utilisés pour retenir les candidats ». La Cour des comptes, dans son rapport de 2020, estime que « la procédure d’affectation souffre encore d’un défaut de transparence, seule garante de l’équité. » ([7]).

D’une façon plus générale, c’est le manque de moyens investis dans l’université qui entraîne la nécessité d’avoir recours à la procédure actuelle. Celle‑ci est un pis‑aller que la création de places dans les filières d’avenir dont le pays a le plus besoin devrait rendre inutile. Il conviendra donc de revoir régulièrement l’offre de formations universitaires afin de développer celles qui sont porteuses d’emplois et de développement économique et scientifique. L’investissement dans l’université a un caractère stratégique pour l’avenir et la prospérité du pays. Se donner une politique ambitieuse pour l’enseignement supérieur et la recherche est la condition préalable pour la France soit à la hauteur de son rang dans le concert des nations.

Pour remédier à cette situation et pour mieux lutter contre l’échec dans le premier cycle universitaire, il convient de réviser entièrement la procédure de préinscription et le rôle qu’y joue le baccalauréat et ceci selon deux principes :

1. Le baccalauréat retrouve sa qualité et sa fonction initiale d’examen d’entrée à l’Université et de premier grade universitaire.

2. L’affectation dans les établissements d’enseignement supérieur est réalisée après l’obtention du baccalauréat de manière transparente sur la base des vœux de l’élèves classés dans l’ordre de préférence et des résultats obtenus au baccalauréat. Le livret scolaire du cycle terminal est également un élément pris en compte dans la procédure d’orientation et d’affectation dans le supérieur.

Il s’en suit donc que :

– Afin d’éclairer et de préciser leur choix d’orientation en terminale, les élèves doivent obligatoirement suivre un module d’orientation et d’accompagnement durant leur scolarité au lycée.

 Les vœux des futurs bacheliers seront recueillis à l’issue du deuxième trimestre de l’année scolaire et la procédure d’affectation proprement dite sera lancée après publication des résultats définitifs du baccalauréat.

– La nature et les notes du baccalauréat ainsi que les mentions éventuelles sont prises en compte par la procédure d’affectation pour chaque élève. A cette fin, le règlement de l’examen, le régime d’obtention des mentions, le poids relatif du contrôle continu, seront revus par voie réglementaire.

– La procédure d’affectation (algorithme) sera rendue publique.

– Un barème d’affectation est institué par les universités et les établissements d’enseignement supérieur pour chaque champ disciplinaire universitaire. Il est rendu public. Des commissions académiques, crées par arrêtés conjoints des ministères de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur, examinent ces vœux et procèdent à l’affectation dans l’ordre de ceux‑ci.

– Les étudiants non affectés après une première phase sont invités à élargir leurs vœux. Leur affectation est ensuite prononcée par le Recteur.

Une session (semestrielle ou annuelle) de « propédeutique » universitaire, accessible à tous les bacheliers, sera instaurée. Elle aura une double fonction : d’orientation en premier lieu – afin de permettre aux étudiants de mieux choisir les filières dans lesquelles ils veulent se spécialiser – et de remise à niveau en second lieu, afin de renforcer les connaissances et les compétences nécessaires à leur réussite. Les établissements d’enseignement supérieurs auront l’obligation de proposer ces sessions mais demeureront libres d’en définir contenus et modes d’évaluation.

Notons que des procédures de nature propédeutique, appelées « dispositifs d’accompagnement pédagogique » sont déjà prévues par le Code de l’éducation (L612‑2). Quelques établissements (comme l’université Paris 13 en licence économie et gestion ou le lycée Henri IV avec sa « classe préparatoire aux études supérieures ») proposent ainsi des sessions de remise à niveau et d’orientation qui donnent des résultats prometteurs et qui pourraient donc être généralisés.

– Cette disposition peut concerner les STS et les DUT. Elle ne concerne pas les CPGE.

– Les concours d’entrée sont rétablis pour certaines filières par arrêté ministériel en raison de leur caractère immédiatement professionnalisant, par exemple, le concours d’entrée dans les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI)


proposition de loi

Article 1er

La section 1, du chapitre II, du titre, Ier du livre VI, de la troisième partie du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° L’article L. 612‑3 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi rédigé :

« Le baccalauréat est le premier grade de l’enseignement supérieur. Ses matières dominantes préfigurent le choix, par l’élève, des formations universitaires ultérieures et son orientation. Il est délivré au vu des résultats à un examen national dont le règlement est défini par décret.

« Le premier cycle de l’enseignement supérieur est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat et à ceux qui ont obtenu l’équivalence ou la dispense de ce grade en justifiant d’une qualification ou d’une expérience jugées suffisantes conformément à l’article L. 613‑5 au livre IV de la sixième partie du code du travail.

« Dans les lycées, un module obligatoire d’orientation et d’accompagnement des élèves est mis en place en lien avec les établissements d’enseignement supérieur. Ce module est inscrit dans le cursus des lycéens par arrêté ministériel. Il est sanctionné par une attestation délivrée par le chef d’établissement. La durée et le contenu de ce module sont définis par arrêté du ministre chargé de l’éducation nationale.

« Toute personne remplissant les conditions prévues au deuxième alinéa ou candidate au baccalauréat est libre de solliciter une inscription dans l’établissement de son choix, sous réserve d’avoir, au préalable, satisfait à la procédure nationale de préinscription dont les modalités sont prévues par décret. Les candidats établissent une liste de dix vœux d’affectation classés par ordre de préférence.

« Après publication des résultats du baccalauréat, les candidatures sont classées selon un barème institué par les établissements d’enseignement supérieur pour chaque formation. Le barème est public et prend en compte le dossier scolaire ainsi que les notes et mentions obtenues au baccalauréat. L’examen des vœux et l’affectation des candidats sont effectués, sur le fondement de ce barème, par des commissions académiques placées sous l’autorité du recteur. Lorsque l’effectif des candidatures excède les capacités d’accueil d’un établissement, les affectations sont prononcées par le recteur chancelier.

« L’entrée dans le premier cycle est précédée d’une formation à caractère propédeutique d’une durée d’un ou deux semestres, suivant le niveau initial de l’étudiant. Le contenu et les modalités de cette formation sont définis par chaque établissement d’enseignement supérieur. Elle donne lieu à un examen d’orientation qui conditionne l’accès au premier cycle dans la filière choisie. En cas d’échec, un semestre de remise à niveau supplémentaire doit être effectué avant toute nouvelle candidature à cet examen. Les établissements d’enseignement supérieur rendent publics, chaque année, leur offre de formation propédeutique et les résultats des examens d’orientation.

« Chaque année, avant l’examen du projet de loi de finances initiale pour l’année suivante, le ministre chargé de l’enseignement supérieur remet au Parlement un rapport sur l’orientation et l’affectation des bacheliers. »

b) Les IV, VIII, X, XI et XII sont abrogés.

c) Au V, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

d) Le VI est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’accès aux formations mentionnées au premier alinéa du présent VI est conditionné au suivi de la formation à caractère propédeutique et à la réussite de l’examen d’orientation prévus au sixième alinéa du I ».

e) À la première phrase du VII, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 612‑3‑2, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

Article 2

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.


([1]) Projet n°391 relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, 22 novembre 2017.

([2]) « Un premier bilan de l’accès à l’enseignement supérieur dans le cadre de la loi Orientation et réussite des étudiants » – février 2020

([3]) « L'opinion des néo-bacheliers à l'égard de Parcoursup », Enquête Ipsos pour le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche menée du 1er au 8 septembre 2022

([4]) Sylvie Lecherbonnier, « Parcoursup : les professeurs principaux de terminale se désolent de l’opacité et des incohérences de la plate-forme d’orientation », Le Monde, juin 2022.

([5]) Johan Faerber, Parlez-vous le Parcoursup ?, Seuil, 2023

([6]) Décision 2019-021 du 18 janvier 2019 relative au fonctionnement de la plateforme nationale de préinscription en première année de l’enseignement supérieur.

([7]) « Un premier bilan de l’accès à l’enseignement supérieur dans le cadre de la loi Orientation et réussite des étudiants » – février 2020