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N° 1054

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à soutenir les communes françaises et à supprimer le caractère obligatoire de tout nouveau transfert de compétences vers les établissements publics de coopération intercommunale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

MM. Christophe BENTZ et Nicolas MEIZONNET,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi NOTRe, adoptée en 2015, a considérablement transformé et bouleversé les fondements de l’organisation territoriale française et le fonctionnement des collectivités. Nous avons aujourd’hui suffisamment de recul pour constater ses conséquences délétères pour l’ensemble des collectivités et en particulier pour les communes rurales. De très nombreux maires attendent de la puissance publique une réaction et une modification de la loi, pour en changer l’esprit et en corriger les trop nombreuses erreurs.

Alors que l’intention initiale affichée par le gouvernement Valls en 2015 était de simplifier le millefeuille territorial, clarifier les compétences des différents échelons et effectuer des économies d’échelles, dans la réalité, c’est tout l’inverse qui s’est produit.

La loi NOTRe est devenue le symbole d’une politique territoriale déconnectée et à bout de souffle, l’aboutissement d’un troisième acte raté de décentralisation.

Fortement inspirée par les recommandations de la Commission pour la libération de la croissance française présidée par Jacques Attali (2008) et du Comité pour la réforme des collectivités territoriales présidé par Édouard Balladur (2009), l’Acte III de la décentralisation (Lois dites « RCT », « MAPTAM » et « NOTRe ») a surtout fait la part belle à une représentation calculée du territoire,reposant essentiellement sur des indices de performance et de rationalité budgétaire, et non sur l’efficacité, le principe de réalité et le bon sens.

Abandonnant ainsi les grands principes de la décentralisation, la libre administration et l’autonomie des collectivités locales, l’État a failli dans sa mission de rapprocher le processus de décision publique des citoyens et de maintenir un maillage serré de services publics dans l’ensemble du pays. En corollaire, l’État a aussi abandonné toute vision structurante d’aménagement du territoire.

La résurgence actuelle de ce débat est due à l’application douloureuse de dispositions le plus souvent iniques pour la majorité des collectivités locales. Actuellement, c’est le transfert obligatoire de la compétence « Eau et assainissement » vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au 1er janvier 2026 qui préoccupe légitimement les élus locaux. Nous devons entendre leurs inquiétudes.

Par ailleurs, en rendant obligatoire le rattachement des communes à un ensemble intercommunal – aboutissement d’un mouvement initié par la loi n° 2010‑1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales – la loi NOTRe a entraîné une révision des schémas départementaux de coopération intercommunale vers des EPCI de plus en plus grands et a ainsi éloigné la décision des territoires et des réalités vécues au quotidien.

Si certains types de projets nécessitent en effet d’être pensés sur un territoire plus large que la commune et de disposer d’une plus grande capacité d’investissement (projets touristiques, voirie, investissements économiques, etc.), l’intercommunalisme forcé, notamment en zone rurale, a constitué une erreur institutionnelle majeure, aux conséquences graves.

En premier lieu, il a induit une remise en cause de la démocratie de proximité. De nombreux élus perçoivent davantage, et à raison, le conseil communautaire comme une chambre d’enregistrement où tout se décide en marge de leurs intérêts - la décision finale appartenant aux élus des communes‑centres et à une bureaucratie centrale. Les derniers textes législatifs tels que la loi n° 2019‑1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique visant à supprimer certains « irritants » de la loi NOTRe, notamment, n’ont rien changé en la matière. Les maires se sentent dépossédés de leurs pouvoirs alors même qu’ils sont des élus légitimes et de proximité.

Ensuite, il convient de mettre en exergue le manque de pertinence de l’échelon intercommunal pour certaines politiques publiques : on peut citer en exemple les conséquences induites par le transfert de la compétence « urbanisme ». En effet, le cadre du PLUi est souvent inspiré par les problématiques urbaines, mais ne correspond nullement à celles des communes rurales.

Enfin, sur un plan financier, les communes, déjà étranglées financièrement par la baisse puis le gel des dotations durant la précédente décennie et par les réformes fiscales, doivent composer avec la perte de certains avantages comparatifs : par exemple, nombre de communautés de communes ont dû confier à des entreprises privées d’envergure (type SUEZ) des prestations assurées auparavant par des membres de la commune ou des entreprises locales. Le prix du mètre cube a donc fortement augmenté. Et cette évolution est accentuée quand l’eau sort de la source dans un état qui ne nécessite aucun traitement particulier - comme dans beaucoup de communes rurales. La tarification commune est donc une aberration.

Quant aux économies d’échelle promises, elles n’ont jamais eu lieu ; bien au contraire ! C’est ce qui ressort des travaux de la direction générale des collectivités locales (DGCL) qui démontre, dans une étude de janvier 2023, que les communes urbaines présentent un ratio de dépenses réelles de fonctionnement de 1 174 euros par habitant « DGF » contre 652 euros pour les communes rurales.

En tentant d’éliminer le modèle traditionnel de l’organisation territoriale française reposant sur la commune, le département et la nation, les tenants de cette loi ont gravement fragilisé le maillage et le fonctionnement de nos collectivités de proximité. Par des réformes d’essence purement technocratiques, ils ont consacré cette « décentralisation centralisée », dénoncée par le géographe GérardFrançois Dumont.

Pour notre part, nous sommes attachés au principe de subsidiarité et soucieux de redonner un véritable pouvoir d’action à nos communes qui assurent un travail considérable, concret et peu coûteux au service du bien commun. La qualité du service public décroît là où l’idée de proximité est abandonnée. L’autorité intercommunale, dont les limites ont été précédemment évoquées, ne peut se substituer au premier des élus : le maire.

L’article unique de cette proposition de loi prévoit donc que les maires, après délibération de leur conseil municipal, disposent librement du pouvoir de transférer ou non une compétence vers les établissements publics de coopération intercommunale.

L’échelon municipal est celui de l’efficacité et de la proximité. Il doit le demeurer. Les communes sont les premiers garants de l’intérêt général. Il est indispensable de leur faire confiance et de leur redonner l’essentiel : l’autonomie et la liberté.

Le principe constitutionnel d’autonomie des communes et la « libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources » (article 34 de la constitution du 4 octobre 1958) nous commandent de corriger les erreurs induites par la loi NOTRe de 2015 et pour ainsi dire, de renverser le cours de la précédente réforme territoriale afin de revenir aux fondements même d’une vraie décentralisation.

C’est précisément l’esprit de cette proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié.

1° La première phrase du troisième alinéa de l’article L. 2224‑7‑1 est ainsi modifiée :

a) Les mots : « la prise de compétence à titre obligatoire » sont remplacés par les mots : « le transfert de compétence » ;

b) Les mots : « cette prise » sont remplacés par les mots : « ce transfert » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article L. 2224‑13 est ainsi rédigé :

« Les communes peuvent par délibération du conseil municipal transférer à un               établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte tout ou partie               des compétences de collecte, transport, transit, regroupement et traitement des déchets               des ménages. » ;

3° L’article L. 5211‑17 est ainsi modifié :

a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Tout transfert de compétence est soumis à délibération favorable du conseil municipal. » ;

b) Au premier alinéa, les mots : « par la loi ou » sont supprimés ;

4° L’article L. 5214‑16 est ainsi modifié.

a) Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :

« I. – Après délibération favorable du conseil municipal, le maire a pouvoir de               transférer une ou plusieurs compétences municipales relevant de chacun des groupes suivants à la communauté de communes auquel sa commune appartient : « ;

b) Au premier alinéa du II, après la seconde occurrence du mot : « communes », sont insérés les mots : « et sur délibération favorable du conseil municipal de chacune des communes concernées » ;

c) À la fin du III, les mots : « par la majorité qualifiée requise pour la création de la communauté » sont remplacés par les mots : « à l’unanimité » ;

d) Le IV est abrogé ;

5° L’article L. 5216‑5 est ainsi modifié.

a) Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :

« I. – Après délibération favorable du conseil municipal, le maire a pouvoir de               transférer une ou plusieurs des compétences municipales suivantes à la communauté d’agglomération à laquelle sa commune appartient : » ;

b) Au premier alinéa du II, après la seconde occurrence du mot : « communes », sont insérés les mots : « et sur délibération favorable du conseil municipal de chacune des communes concernées » ;

c) Le III est ainsi rédigé :

« III. – Le périmètre des compétences transférées est fixé à l’unanimité des communes adhérentes. » ;

6° Le II de l’article L. 5842‑28 est ainsi modifié :

a) Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« II. – La communauté d’agglomération peut exercer, au lieu et place des communes membres, pour la conduite d’actions d’intérêt communal et communautaire, tout ou partie des compétences suivantes : «

b) Au dernier alinéa, après la mention : « IV. – », sont insérés les mots : « À l’unanimité des communes adhérentes, ».

Article 2

Le livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article L. 143‑11 du code de l’urbanisme est supprimé ;

2° Le second alinéa de l’article L. 153‑15 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « la majorité » sont remplacés par les mots : « l’unanimité » ;

b) La seconde phrase est supprimée.