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N° 1135

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à rétablir temporairement l’usage du néonicotinoïde acétamipride en France, exclusivement pour le traitement foliaire
de la betterave à sucre et dans l’attente de solutions alternatives
pour la filière sucrière,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Timothée HOUSSIN, José BEAURAIN, Christine LOIR, Christian GIRARD, Stéphane RAMBAUD, Philippe SCHRECK, Christophe BARTHÈS, Frédéric FALCON, Géraldine GRANGIER, Thibaut FRANÇOIS, Béatrice ROULLAUD, José GONZALEZ, Hélène LAPORTE, Mathilde PARIS, Marine HAMELET, Yaël MENACHE, Thomas MÉNAGÉ, Jordan GUITTON, Nicolas MEIZONNET, Caroline PARMENTIER, Angélique RANC, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Philippe BALLARD, Lisette POLLET, Stéphanie GALZY, Michèle MARTINEZ, Victor CATTEAU, Bruno BILDE, Sandrine DOGORSUCH, Michel GUINIOT, Laurent JACOBELLI, Annick COUSIN, Antoine VILLEDIEU, Jérôme BUISSON, Laurence ROBERTDEHAULT, Nicolas DRAGON, Kévin PFEFFER, Emmanuel BLAIRY, Philippe LOTTIAUX, Emeric SALMON, Pascale BORDES, Julien RANCOULE, Sophie BLANC, Christine ENGRAND, JeanPhilippe TANGUY, Pierrick BERTELOOT, Frédéric BOCCALETTI, Yoann GILLET, Daniel GRENON, Aurélien LOPEZLIGUORI, Michaël TAVERNE, Franck ALLISIO,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’Union européenne interdit depuis 2018 l’usage en plein champ, pour toutes les cultures, de trois néonicotinoïdes (clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride, (puis thiaclopride) en raison de leur impact sur les abeilles.

Dans le cas de la betterave, récoltée avant floraison, et en l’absence d’alternative crédible, la France, comme d’autres pays de l’Union européenne, accordait chaque année à ses agriculteurs une dérogation à cette interdiction permettant d’utiliser ces néonicotinoides par enrobage des semences.

Le 19 janvier 2023, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé ces dérogations d’urgences, accordées par les États membres, illégales.

Quelques jours après, et à quelques semaines des semis de betterave, le ministre de l’agriculture annoncait que le gouvernement ne proposerait pas de nouvelles dérogations à cette interdiction pour 2023 et les années à venir.

Suite à cette décision, la France se trouve être le seul pays à interdire tous les néonicotinoides. En effet, si l’Union européenne a interdit les dérogations pour 4 néonicotinoides jugés dangereux, l’usage d’un autre néonicotinoide, l’acétamipride, est autorisée partout en Europe… sauf en France !

En effet, la France, par la “Loi pour la reconquête de la biodiversité” a interdit l’usage de tous les produits à base de néonicotinoïdes pour toutes cultures et tous usages à compter du 1er septembre 2018, sans considération pour leur toxicité respective. (Tout en permettant des dérogations jusqu’en 2020, uniquement pour l’acétamipride).

Ce faisant, la France est allée plus loin que les directives européennes qui n’interdisent pas l’acétamipiride, jugé beaucoup moins toxique que d’autres néonicotinoides, et toujours en usage chez nos voisins européens jusqu’en 2033.

En allant encore plus loin qu’une législation européenne déjà contraignante, la France, leader européen de la production de sucre, 1er producteur mondial de sucre de betterave, prive sa filière betteravière et sucrière d’une protection efficace face aux nombreux risques que courent les récoltes. Ce sont ainsi 23.700 betteraviers, 45 000 emplois agricoles et industriels, et 21 sucreries qui se trouvent menacés de disparition. En effet, la baisse de la production de betterave, même faible, menace à court terme la rentabilité des sucreries et donc leur survie. Le groupe Tereos a déjà annoncé le 8 mars la suppression de 123 emplois dans sa sucrerie d’Escaudoeuvres.

Rappelons qu’avant de mettre en place des dérogations pour l’enrobage de semences, la France avait déjà expérimenté l’interdiction totale des néonicotinoides pour la culture de la betterave. Ainsi, en 2020, les récoltes de betteraves ont été réduites de 30 %, certaines régions étant ravagées jusqu’à 70 % par une épidémie de jaunisse apportée par les pucerons, alors même que l’emploi de néonicotinoïdes aurait pu éviter ce drame.

Ces baisses de rendement et de production de sucre obligent la France à importer du sucre depuis des pays qui, eux, utilisent des pesticides bien plus dangereux pour l’environnement, ce qui démontre toute l’absurdité de cette mesure, y compris du point de vue environnemental. On pense notamment au sucre en provenance du Brésil, qui favorise également la déforestation.

Rappelons également que, dans le cas de la production de betteraves, ces dernières sont arrachées avant la floraison. Les abeilles ne les butinent donc pas et ne sont donc pas exposées aux néonicotinoïdes qui pourraient être utilisés.

Pour résumer, l’interdiction de tous les néonicotinoïdes est un danger majeur pour toute la filière sucrière française et est inefficace du point de vue écologique étant donné qu’elle favorise le dumping environnemental d’autres pays producteurs.

Par ailleurs, la France va dépenser des sommes considérables pour indemniser les agriculteurs pour des baisses de récolte qui auraient pu être évitées, puis voir sa balance commerciale impactée par l’importation de sucre produit aux mépris des normes environnementales.

Aussi, cette présente proposition de loi vise à conformer la France au droit européen en autorisant de nouveau l’usage de l’acétaprimide jusqu’en décembre 2027, afin d’aligner la France sur ses voisins européens (qui eux l’autorisent jusque 2033).

Cette mesure permettra d’effacer le déséquilibre qui pénalise la France face à ses voisins. Il se justifie d’autant plus qu’il apparaît que le nombre d’alternatives chimiques et non chimiques est insuffisant. La date de 2027 permettra notamment de donner le temps à la recherche de trouver des alternatives viables.

L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Institut technique de la betterave évaluent actuellement, dans le cadre du plan national de recherche et innovation (PNRI), lancé en janvier 2021 par le gouvernement des alternatives aux néonicotinoïdes (mécanismes naturels de défense des plantes, cultures associées d’autres plantes pour repousser les pucerons ou attirer ses prédateurs…) Des alternatives sont donc possible, mais les dérogations doivent pouvoir se maintenir le temps qu’elles aboutissent à des solutions viables et pérennes. C’est pourquoi la présente proposition de loi propose 2027 comme date limite de ré‑autorisation de l’acétamipride, allant ainsi moins loin que l’Union Européenne qui en autorise l’usage jusqu’en 2033.

L’article L253‑8 du code rural et de la pêche maritime dispose que « L’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits est interdite. Un décret précise les modalités d’application du présent alinéa. »

L’article 1er de la présente proposition de loi introduit à cet article une dérogation à cet article pour l’acétamipride en traitement foliaire jusqu’en décembre 2027 pour les cultures de betteraves ou l’afflux de pucerons et le risque de présence de jaunisse sont avérés.

Il est précisé que l’usage de l’acétamipride sera permis exclusivement de façon temporaire, pour la culture de la betterave, en usage foliaire et uniquement en cas d’attaque avérée de pucerons.

Par ailleurs, par principe de précaution, il ne sera pas autorisé de cultiver des plantes à fleurs sur les parcelles traitées durant 2 ans, comme c’était déjà le cas précédemment en France en cas d’usgae à titre dérogatoire de néonicotinoides via semences enrobées.

En conséquence, il imposera au gouvernement d’actualiser son décret précisant les modalités de l’alinéa modifié à l’article L. 2538.


proposition de loi

Article unique

Le premier alinéa du II de l’article L. 253‑8 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, l’usage du néonicotinoïde acétamipride en traitement foliaire est autorisé jusqu’en décembre 2027 pour les cultures de betteraves où l’afflux de pucerons et le risque de présence de jaunisse sont avérés. »