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N° 1157

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer l’engagement et la participation des citoyens
à la vie démocratique,

 

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Benjamin SAINTHUILE, JeanLouis BRICOUT, Laurent PANIFOUS, David TAUPIAC, Bertrand PANCHER, Jean-Félix ACQUAVIVA, Nathalie BASSIRE, Michel CASTELLANI, Paul-André COLOMBANI, Béatrice DESCAMPS, Stéphane LENORMAND, Paul MOLAC, Christophe NAEGELEN, Olivier SERVA, Estelle YOUSSOUFFA,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre pays vit, depuis de trop nombreuses années, lors de chaque élection locale comme nationale, une vraie crise de la participation et de la représentation, donnant lieu à de tristes records.

La désillusion gagne les citoyens, qui ne voient plus en leurs représentants politiques des acteurs à même de porter leurs voix, de défendre leurs intérêts et d’incarner leurs rêves, aspirations et projets pour une vie meilleure. L’abstention ne cesse d’augmenter, à chaque élection, sans exception, preuve s’il le fallait encore que ce désintérêt, cette méfiance, voire défiance de nos concitoyens, s’adressent aujourd’hui à l’ensemble de la classe politique.

Le taux de participation au second tour des élections législatives s’est établi à seulement 46,23 %, un résultat loin d’être inattendu. Le soir des résultats, le 22 juin 2022, le Président de la République avait reconnu « la forte abstention qui nous oblige tous à redonner davantage de sens à nos actions collectives, de lisibilité aux grands rendezvous démocratiques ». Ce signal d’alarme, répété au fil des élections, résonne plus encore aujourd’hui, dans un contexte économique et social marqué par d’importantes tensions.

C’est un signal souvent entendu mais rarement écouté, alors même que monte un peu plus chaque jour, la litanie des procès en illégitimité ou en absence de représentativité auprès des élus de la République.

C’est un signal auquel il nous faut répondre, sans plus attendre. Le constat est largement partagé : il est urgent de redonner sens au pacte citoyen, qui fonde la démocratie représentative française bâtie de hautes luttes depuis la Révolution de 1789 jusqu’à aujourd’hui. Il nous faut rappeler qu’il fallut attendre 1945 pour voir les Françaises exercer pour la première fois leur droit de vote, faisant d’elles enfin des citoyennes à part entière, ou 2014 pour que s’opère la distinction des votes blancs et nuls, reconnaissant ainsi au votant une nouvelle manière d’exprimer son désaccord avec l’offre politique.

Chacun le mesure, nous sommes entrés dans une séquence démocratique nouvelle, qui nous pousse à repenser sans délai la pratique et l’expression de la citoyenneté dans son ensemble, et les demandes répétées de recours aux référendums (référendum d’initiative partagée ou référendum d’initiative citoyenne) en sont quelques illustrations qui doivent nous pousser à nous saisir de ce vaste chantier qui impose de profondes et ambitieuses réformes.

Plusieurs pistes pour redonner du sens au pacte républicain et citoyen peuvent être explorées. La présente proposition de loi explore celle du renforcement de la parole des électeurs par le droit de vote et par une vraie reconnaissance de l’expression du vote blanc.

Réaffirmer le devoir de participation électorale tout en reconnaissant pleinement le droit à l’expression d’un désaccord du citoyen sur l’offre politique qui lui est présentée permettra de lutter contre l’abstention tout en justifiant valablement la refondation du contrat qui lie élus et citoyens. Chacun pourra, dès lors, exercer pleinement la responsabilité qui lui incombe pour que vive notre pacte républicain.

C’est dans cet esprit, de refondation, de confiance retrouvée, de reconnaissance mutuelle et de responsabilité partagée, que la présente proposition de loi a été construite.

L’article 1er prévoit la reconnaissance du vote blanc comme un suffrage valablement exprimé et la nullité de l’élection si les bulletins blancs décomptés représentent plus de 50 % des suffrages exprimés. Cette mesure permettra de reconnaître ce vote, comme l’expression d’un choix par l’électeur empêché de se prononcer sur l’offre politique qui lui est proposée mais qui ne renonce pas, pour autant, à accomplir son devoir citoyen.

Cet article vient naturellement accorder aux citoyens, qui restent attachés au geste fort qu’est celui du vote, une alternative à des candidats et à une offre politique qui ne répond pas à leurs attentes. Loin de signifier un désintérêt pour la chose publique, ce type de vote marque au contraire, la volonté d’une expression citoyenne, même lorsque celle‑ci est portée par un mécontentement ou par une frustration. Il est de la responsabilité des élus d’entendre ces messages et de les inclure pleinement dans la comptabilisation des suffrages exprimés pour que le résultat des urnes reflète fidèlement les aspirations des électeurs et remplisse en cela son objet premier d’universalité dans l’expression du suffrage.

De ce droit légitime, renforcé par la reconnaissance du vote blanc, doit découler un engagement renouvelé de l’électeur à s’exprimer lors des scrutins. Sans une participation massive au vote, la « représentativité » n’a plus de force et c’est la démocratie entière qui s’en trouve profondément affaiblie.

Chaque citoyen a entière liberté de son bulletin de vote, le droit de choisir le candidat qui lui convient comme celui de ne pas choisir en optant pour un vote blanc. Cette liberté et ce droit renforcé doivent alors s’accompagner du devoir qui lui incombe, celui de glisser un bulletin dans l’urne.

L’essentiel de la mobilisation citoyenne se trouvant à l’échelle locale, loin du simple symbole d’une mesure qui ne toucherait que l’élection présidentielle, il est proposé de modifier le code électoral s’appliquant aux élections municipales, départementales ainsi qu’aux législatives.

C’est dans cet esprit, que l’article 2 permet d’associer au caractère direct et universel du suffrage, son caractère obligatoire. En ce sens, en cas de non‑participation au scrutin, une amende d’un montant symbolique est prévue.

Enfin, l’article 3 pose les conditions d’une mise en œuvre effective de l’inscription automatique sur les listes électorales.

Revitaliser et réveiller notre démocratie, en redonnant force au vote de ses citoyens et en en favorisant la participation dans un pacte renouvelé aux responsabilités équilibrées : telle est l’ambition de ce texte.

 

 


proposition de loi

Article 1er

I. – La section 2 du chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral est ainsi modifiée :

1° L’article L. 57 est ainsi rétabli :

« Art. L. 57. – Si les bulletins blancs décomptés représentent plus de 50 % des suffrages exprimés, l’élection est annulée. 

« Un nouveau scrutin est organisé vingt jours au moins et quarante jours au plus après l’annulation de l’élection. Le premier alinéa ne s’applique pas à ce nouveau scrutin. »

2° Le premier alinéa de l’article L. 58 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Celui‑ci y dépose également des bulletins vierges en proportion des électeurs régulièrement inscrits sur les listes. »

3° Les quatrième et cinquième phrases de l’avant‑dernier alinéa de l’article L. 65 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Les bulletins blancs sont pris en compte pour la détermination des suffrages exprimés. » 

II. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.

Article 2

I. – Le titre Ier du livre Ier du code électoral est ainsi modifié :

1° À l’article L. 1, après le mot : « direct », est inséré le mot : « , obligatoire ». 

2° Après l’article L. 86, il est inséré un article L. 86‑1 ainsi rédigé :

« Art. L.861. – Tout électeur qui, sans cause légitime, s’est abstenu d’exercer son droit de vote est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la première classe.

« La procédure de l’amende forfaitaire prévue aux articles 529 à 529‑2‑1 du code de procédure pénale est applicable. »

II. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. 

Article 3

I. – La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral est ainsi modifiée :

1° L’article L. 9 est complété par les mots : « et automatique » ;

2° L’article L. 11 est ainsi rédigé :

« I. – Sous réserve qu’ils répondent aux autres conditions exigées par la loi, sont inscrits d’office sur la liste électorale de la commune de leur domicile réel, en vue de participer à un scrutin :

« 1° Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins et leurs enfants de moins de 26 ans ;

« 2° Ceux qui ont signalé à l’administration le déménagement de leur domicile dans la commune ;

« 3° Sans préjudice du 3° de l’article L. 30, les personnes qui ont atteint l’âge prévu par la loi pour être électeur à la date de ce scrutin ou, lorsque le mode de scrutin permet un second tour, à la date à laquelle ce second tour a vocation à être organisé ;

« 4° Sans préjudice du 4° du même article L. 30, les personnes qui viennent d’acquérir la nationalité française.

« II. – Par dérogation, peuvent être inscrits sur la liste électorale d’une autre commune, sur leur demande :

« 1° Les électeurs qui figurent pour la deuxième fois sans interruption, l’année de la demande d’inscription, au rôle d’une des contributions directes communales et, s’ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux. Tout électeur ou toute électrice peut être inscrit sur la même liste que son conjoint au titre de la présente disposition ;

« 2° Ceux qui, sans figurer au rôle d’une des contributions directes communales, ont, pour la deuxième fois sans interruption l’année de la demande d’inscription, la qualité de gérant ou d’associé majoritaire ou unique d’une société figurant au rôle, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État ;

« 3° Ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans la commune en qualité de fonctionnaires. »

II. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. 

Article 4

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi est compensée par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement, et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.