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N° 1158

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à mieux lutter contre la précarité menstruelle,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Laurent PANIFOUS, JeanLouis BRICOUT, Benjamin SAINTHUILE, David TAUPIAC, Bertrand PANCHER, Jean-Félix ACQUAVIVA, Nathalie BASSIRE, Michel CASTELLANI, Paul-André COLOMBANI, Béatrice DESCAMPS, Stéphane LENORMAND, Max MATHIASIN, Paul MOLAC, Christophe NAEGELEN, Estelle YOUSSOUFFA,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Près de quatre millions de Françaises sont victimes de précarité menstruelle en 2023 ([1]). Un chiffre deux fois plus élevé qu’en 2021, qui montre que ce phénomène s’aggrave, et qui risque de s’accentuer encore davantage compte tenu du contexte d’inflation des derniers mois.

Parmi ces personnes, les plus jeunes et les mères célibataires sont les plus touchées : elles sont 1,7 million à éprouver des difficultés financières pour disposer de suffisamment de protections périodiques pendant leurs règles. Près d’un quart des moins de 35 ans a été confronté personnellement à la précarité menstruelle.

Les protections périodiques sont assurément des dépenses incontournables, incompressibles. Or un paquet de douze serviettes hygiéniques coûte environ trois euros. En moyenne, une personne débourse dans sa vie autour de 2 000 euros, pour acheter des protections périodiques. Ce chiffre ne tient pas compte de l’inflation, ni des besoins spécifiques en cas de flux abondants, ou encore de l’achat d’antidouleurs vendus sans ordonnance, ni du reste à charge lors des consultations gynécologiques…

Les étudiantes sont particulièrement concernées. En 2021 une enquête de la Fage, menée auprès de plus de 6 000 étudiantes, estimait ainsi que pas moins de 13 % d’entre elles avaient déjà dû choisir entre acheter des protections périodiques ou un autre produit de première nécessité.

Se priver de protections menstruelles a pourtant des conséquences directes sur la santé : cela peut conduire par exemple à l’utilisation trop longue d’une même protection, augmentant le risque de syndrome de choc toxique.

Au‑delà des difficultés financières, d’autres problématiques liées aux règles viennent bouleverser la vie quotidienne de très nombreuses personnes. Ainsi près d’une jeune femme sur deux a déjà manqué l’école à cause de ses règles. Un tiers des jeunes femmes a déjà subi des moqueries ou discriminations liées aux règles. Et près de la moitié des moins de 35 ans pense qu’il est normal d’avoir mal pendant ses règles.

Plusieurs mesures ont permis d’ores et déjà de lutter contre la précarité menstruelle :

Depuis le 1er janvier 2016, le taux de TVA appliqué sur les produits de protections périodiques féminins est de 5,5 %, contre 20 % jusqu’alors.

En 2021, le Gouvernement avait annoncé la distribution gratuite de protections périodiques respectueuses de l’environnement dans les universités et les résidences des Crous en France. Mais cette mise en place prend du temps. L’objectif initial de 1 500 machines implantées n’était pas encore atteint fin mai 2022. 1 000 distributeurs auraient été installés à ce stade dans les résidences universitaires.

Le gouvernement a également pris la décision d’expérimenter la gratuité des protections menstruelles pour les femmes sans domicile fixe et les femmes détenues.

Enfin, le 6 mars 2023, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé le remboursement par la Sécurité sociale des protections périodiques réutilisables à partir de 2024, pour toutes les jeunes femmes de moins de 25 ans. Une mesure positive, mais qui reste encore très restrictive dans le public ciblé, comme dans le choix des protections, réduit aux coupes menstruelles, aux serviettes hygiéniques lavables ou encore aux culottes menstruelles.

En outre, certaines collectivités proposent désormais des distributeurs de protections périodiques dans les collèges et lycées. Ces initiatives sont à saluer, et appellent à être déployées sur tout le territoire.

L’objectif de cette proposition de loi est de poursuivre ces avancées. Nous devons garantir la protection de la santé menstruelle en tant qu’enjeu de santé publique, d’égalité, et de dignité. Et cela passe nécessairement par une lutte plus efficace contre la précarité menstruelle.

Il est temps d’agir pour reconnaitre effectivement les protections menstruelles comme des produits de première nécessité. Ils ne sont pas un luxe, et ne doivent pas faire l’objet d’arbitrage.

Malheureusement, les tabous qui existent encore aujourd’hui à l’endroit des menstruations expliquent en très grande partie notre incapacité collective à nous saisir efficacement de toutes ces difficultés.

La santé menstruelle doit être plus largement investie par les pouvoirs publics et les professionnels de santé. Rompre le tabou des règles passe par une meilleure sensibilisation et formation à tous les enjeux : qu’il s’agisse du choix des protections menstruelles, de leur composition, de leur utilisation…

Nous devons améliorer la prévention des troubles gynécologiques et menstruels comme l’endométriose, et la prise en charge de ces derniers, sur le plan thérapeutique comme sur le plan financier.

Il faudra enfin mener une réflexion nécessaire pour améliorer la prise en compte des enjeux de santé menstruelle dans le milieu professionnel.

Cette proposition de loi n’épuise pas tous les enjeux liés à la précarité menstruelle et à la santé menstruelle de manière générale. Elle propose dans un premier temps d’agir en posant un principe simple : la gratuité des protections menstruelles pour toutes les personnes concernées.

Il s’agit d’un enjeu d’égalité : égalité des sexes, égalité sociale, et égalité des chances.

L’article 1er propose une définition des protections menstruelles au sein du code de la santé publique.

L’article 2 prévoit la distribution à titre gratuit des protections menstruelles dans les pharmacies. Un décret déterminera les modalités de cette délivrance, qui pourrait être obtenue sur présentation de la carte vitale ou AME pour les personnes majeures. Ce décret fixera par ailleurs un cahier des charges à respecter pour déterminer le type de protections menstruelles concernées, le volume et la fréquence de distribution.

Enfin, les articles 3 et 4 affirment le principe de mise à disposition gratuite de protections menstruelles au sein des collèges, lycées et universités (y compris les résidences universitaires, les restaurants universitaires et les services de santé universitaires). Les modalités d’organisation de cette disposition seront précisées par décret, et pourront prévoir des adaptations en fonction des types d’établissements.

 


proposition de loi

Article 1er

Après le chapitre III du titre III du livre II de la cinquième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Protections menstruelles

« Art. L. 5234‑1. – On entend par protection menstruelle tout dispositif, à usage externe ou interne, destiné à absorber les flux menstruels. »

Article 2

Après le chapitre 5 du titre VI du livre I du code de la sécurité sociale, il est inséré un chapitre 5 bis ainsi rédigé :

« Chapitre 5 bis

« Protections menstruelles

« Art. L. 16514. – I. – La délivrance des protections menstruelles définies à l’article L. 5234‑1 du code de la santé publique s’effectue à titre gratuit dans les pharmacies.

« II. – La prise en charge par les organismes de sécurité sociale des protections menstruelles délivrées en pharmacie, sans avance de frais, n’est pas subordonnée à leur prescription. 

« Un décret détermine les modalités d’application du présent article. »

Article 3

Le chapitre 1er du titre IV du livre V de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 541‑7 ainsi rédigé :

« Art. L. 5417. – Dans des conditions déterminées par décret, les collèges et les lycées mentionnés au titre II et au titre IV du livre IV du code de l’éducation mettent à disposition et distribuent des protections menstruelles à titre gratuit. »

Article 4

Le chapitre 1er du titre III du livre VIII de la troisième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 831‑4 ainsi rédigé :

« Art. L. 8314.  I. – Les établissements d’enseignement supérieur mentionnés au livre VII du code de l’éducation mettent à disposition et distribuent des protections menstruelles à titre gratuit.

« II. – Les résidences universitaires, les restaurants universitaires et les services de santé universitaires mettent à disposition et distribuent des protections menstruelles à titre gratuit.

« Un décret détermine les modalités d’application du présent article. »

Article 5

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1]) Sondage OpinionWay pour Règles Élémentaires, publié lundi 6 mars 2023. Cette étude a été réalisée auprès de 1 022 femmes âgées de 18-50 ans menstruées représentatives de la population. L’échantillon ne permet pas d’inclure toutes les personnes menstruées (personnes trans et/ou non-binaires menstruées), du fait de l’absence de base de données représentatives.