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N° 1160

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à l’éloignement des auteurs de harcèlement scolaire
et, lorsque les faits sont commis en état de récidive légale,
à la suspension de certaines prestations sociales,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Kévin MAUVIEUX, Marine HAMELET et des membres du groupe Rassemblement national (1),

députés.

 

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(1) Mesdames et Messieurs : Franck Allisio, Bénédicte Auzanot, Philippe Ballard, José Beaurain, Pierrick Berteloot, Bruno Bilde, Emmanuel Blairy, Frédéric Boccaletti, Pascale Bordes, Jorys Bovet, Jérôme Buisson, Frédéric Cabrolier, Sébastien Chenu, Roger Chudeau, Annick Cousin, Nathalie Da Conceicao Carvalho, Grégoire De Fournas, Hervé De Lépinau, Jocelyn Dessigny, Edwige Diaz, Nicolas Dragon, Frédéric Falcon, Thibaut François, Thierry Frappé, Stéphanie Galzy, Frank Giletti, Yoann Gillet, Christian Girard, José Gonzalez, Florence Goulet, Géraldine Grangier, Daniel Grenon, Jordan Guitton, Timothée Houssin, Alexis Jolly, Laure Lavalette, Julie Lechanteux, Gisèle Lelouis, Katiana Levavasseur, Christine Loir, Aurélien Lopez‑Liguori, Marie‑France Lorho, Philippe Lottiaux, Alexandre Loubet, Matthieu Marchio, Michèle Martinez, Alexandra Masson, Bryan Masson, Joëlle Mélin, Pierre Meurin, Serge Muller, Kévin Pfeffer, Lisette Pollet, Stéphane Rambaud, Angélique Ranc, Julien Rancoule, Laurence Robert‑Dehault, Anaïs Sabatini, Alexandre Sabatou, Emeric Salmon, Jean‑Philippe Tanguy, Michaël Taverne, Antoine Villedieu,

 

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

On ne compte plus en France le nombre d’enfants qui perdent goût à la vie, se mutilent, ou pire, attentent à leurs jours, à cause du harcèlement scolaire. Peu d’enquêtes sont menées, leurs chiffres ne convergent pas tous, et l’on sait la complexité de recenser des faits qui sont trop souvent tus par les victimes.

Les enquêtes de victimation menées par la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) faisaient état en 2015 de 700 000 élèves harcelés sur 12 millions, soit 5,8 %, et en 2017, elles avançaient le chiffre de 5,6 %. Un rapport du Sénat publié en septembre 2021 par la mission d’information sur le harcèlement scolaire reprend ces chiffres et pointe qu’au niveau national » les données convergent vers un taux de harcèlement se situant autour de 6 % des élèves ».

Mais au‑delà des chiffres, on sait par le ministère de l’Education nationale que le nombre de signalements augmente et que la nature des faits commis a tendance à s’aggraver également, notamment sous l’effet du prolongement dans l’espace numérique des cas de harcèlement scolaire.

Ces drames absolus s’incarnent dans des visages que les Français connaissent, et ces visages sont toujours ceux de jeunes victimes qui pourraient être leurs enfants ou leurs proches. Ils s’appellent Lucas, Ambre, Maël. Ne pas oublier leurs noms, c’est ne pas perdre de vue non plus que derrière eux se cache l’ombre de leurs agresseurs.

L’enfer que subissent les victimes du harcèlement scolaire nous renvoie pour beaucoup à de désagréables souvenirs d’école. Selon une enquête Ipsos réalisée en 2021, 41 % des Français indiquent avoir subi au moins un acte de violence répétée en contexte scolaire lorsqu’ils étaient enfants.

Certes, l’entrée en vigueur le 2 mars 2022 de la loi n° 2022‑299 visant à combattre le harcèlement scolaire a permis de définir et de reconnaître comme un délit spécifique ce qui n’était jusque‑là appréhendé que sous l’angle plus général du harcèlement moral sanctionné par l’article 222‑33‑2‑2 du code pénal.

Certes, le programme « Phare » du ministère de l’Education nationale, généralisé en septembre 2021 sur tout le territoire, s’efforce de mettre en place dans chaque établissement une charte anti‑harcèlement et des équipes composées d’élèves‑ambassadeurs pour mieux détecter et accompagner les victimes.

Mais malgré tout cela, le harcèlement ne cesse pas.

La question centrale est évidemment celle de l’éloignement des harceleurs. Elle a fait jusqu’à présent l’objet d’un déni. A force de ne pas vouloir y répondre, on a fini par créer des situations inacceptables. Cette question est simple et Brigitte Macron l’a formulée très clairement le 25 janvier 2023 : « C’est le monde à l’envers : pourquoi c’est la personne harcelée qui doit partir ? ».

Un exemple, éloquent parmi tant d’autres, est le cas de Maël, dans l’académie de Dijon, dont le harcèlement scolaire perdure depuis décembre 2021. Il a fallu attendre que deux conditions exceptionnelles soient réunies pour que son harceleur quitte l’établissement scolaire : d’une part, qu’une proposition de scolariser ce dernier dans une autre école soit formulée par le ministère de l’Education nationale et, d’autre part, que ses parents l’acceptent.

C’est ainsi seulement le 1er mars 2023, que les parents du harceleur de Maël ont donné leur accord pour que leur fils change d’école, alors que les faits remontaient à 2021. Et ils n’ont donné un tel accord que pour le temps de l’enquête.

Dans de nombreux établissements, le laxisme, l’atmosphère du « pas de vague », règnent en maître, comme l’expliquait devant le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye et la première dame Brigitte Macron l’un des élèves victime de harcèlement présents à une rencontre organisée le 9 novembre 2022 : « Certains établissements, dont celui dans lequel j’ai été, ont des règles extrêmement laxistes. J’ai été harcelé pendant un an et jamais une seule fois mon harceleur n’a été réprimandé ou puni. Les règles sont extrêmement laxistes. Il n’y a pas de punition ».

Il apparaît clairement qu’une partie des mesures qui s’imposent est d’ordre réglementaire.

Il conviendrait à cet égard que le ministère de l’Education nationale prévoie l’automaticité d’un conseil de discipline en présence de faits de harcèlement scolaire, et qu’il rende obligatoire le prononcé d’une sanction d’exclusion à l’encontre de tout élève reconnu auteur de tels faits.

Il serait possible à ce titre de s’inspirer des règles en vigueur dans d’autres États. En Finlande ou au Royaume‑Uni par exemple, le harcèlement scolaire amène à des conseils de discipline systématiques, ce qui permet au chef d’établissement de prononcer rapidement l’exclusion, a minima temporaire, des harceleurs.

Il pourrait en outre être créé un parcours de sanction spécifique à de tels faits, au niveau académique, avec la mise en place d’une commission académique de discipline ad hoc se réunissant chaque mois. Ce dispositif permettrait de dépayser l’affaire et ainsi de dépassionner l’évaluation de chaque cas de harcèlement.

Ce sont ces mesures courageuses que les Français attendent pour protéger enfin réellement leurs enfants de ces situations insoutenables qui peuvent détruire leur avenir. Elles s’inscriront dans la ligne des politiques publiques de lutte contre l’exclusion menées depuis plusieurs années, en écho aux conventions internationales signées par la France, au premier rang desquelles la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, qui, en ses articles 2, 3 et 6, consacre les principes de non‑discrimination, d’intérêt supérieur de l’enfant et de droit inhérent à la vie.

La prévention, la détection et l’accompagnement des victimes de harcèlement est une chose, refonder en droit l’autorité scolaire pour sanctionner sans hésitation et à leur juste poids leurs bourreaux en est une autre, et dans ce combat qui doit être désormais mené, il apparaît clairement que le Gouvernement a un rôle urgent à jouer.

Le législateur doit également prendre sa part pour garantir l’éloignement des mineurs auteurs de harcèlement scolaire. A ce titre, cette proposition de loi a l’ambition d’apporter la contribution la plus complète possible.

L’article 1er instaure une nouvelle ordonnance de protection dans le code civil au bénéfice des mineurs victimes de harcèlement scolaire, qui pourront dans ce cadre, avant toute décision de condamnation ou toute décision ordonnant une sanction éducative ou une mesure éducative, obtenir l’exclusion temporaire de leur harceleur.

L’article 2 met en place l’exclusion définitive du harceleur ayant fait l’objet d’une condamnation, d’une sanction éducative ou d’une mesure éducative définitive.

Le législateur doit également renforcer les sanctions pénales assortissant le harcèlement scolaire en cas de récidive, afin de dissuader l’élève déjà condamné à ce titre de renouveler les mêmes agissements.

L’article 3 instaure ainsi une peine complémentaire de suspension totale ou partielle des allocations familiales, pour une durée comprise entre un et six mois.

L’article 4 tire les conséquences du prononcé de cette peine en prévoyant que le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales met en œuvre la suspension.

 

 

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le titre XIV du livre Ier du code civil est complété par un article 515‑13‑1 ainsi rédigé :

« Art. 515131. – Une ordonnance de protection peut également être délivrée en urgence par le juge des enfants au mineur victime de harcèlement scolaire, dans les conditions fixées à l’article 515‑10.

Le juge est compétent pour prendre la mesure mentionnée au 1° bis de l’article 515‑11. Il peut également ordonner l’exclusion temporaire de la partie défenderesse de l’établissement d’enseignement dans lequel se sont déroulés les faits de harcèlement scolaire, si cette dernière ainsi que le mineur victime y sont toujours inscrits. »

Article 2

Après le premier alinéa de l’article L. 111‑6 du code de l’éducation sont insérés les deux alinéas suivants :

« En cas de condamnation, de sanction éducative ou de mesure éducative définitive pour harcèlement scolaire, l’élève est exclu définitivement de l’établissement d’enseignement dans lequel se sont déroulés les faits.

« Si l’élève a moins de seize ans, il est réorienté vers un nouvel établissement d’enseignement. »

Article 3

La section 5 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 222‑33‑2‑4 ainsi rédigé :

« Art. 2223324. – Lorsque le harcèlement scolaire est commis en état de récidive légale, la suspension totale ou partielle des allocations familiales dues au titre de l’enfant reconnu coupable de tels faits, peut être décidée. La durée de la mesure de suspension est comprise entre un et six mois. »

Article 4

L’article L. 552‑3 du code de la sécurité sociale est ainsi rétabli :

« Art. L. 5523. – En application de l’article 222‑33‑2‑4 du code pénal, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales suspend, pour la durée définie par le juge, le versement de la part des allocations familiales due au titre de l’enfant reconnu coupable de harcèlement scolaire. »