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N° 1164

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et
proposant la tenue d’une conférence de financement
du système de retraite,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bertrand PANCHER, Christophe NAEGELEN, Jean-Félix ACQUAVIVA, Nathalie BASSIRE, Guy BRICOUT, JeanLouis BRICOUT, Michel CASTELLANI, Paul-André COLOMBANI, Charles de COURSON, Béatrice DESCAMPS, Stéphane LENORMAND, Max MATHIASIN, Paul MOLAC, Laurent PANIFOUS, Benjamin SAINTHUILE, Olivier SERVA, David TAUPIAC, Jean-Luc WARSMANN, Estelle YOUSSOUFFA, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Christine ARRIGHI, Clémentine AUTAIN, Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Delphine BATHO, Marie-Noëlle BATTISTEL, Julien BAYOU, Lisa BELLUCO, Karim BEN CHEIKH, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Mickaël BOULOUX, Idir BOUMERTIT, Soumya BOUROUAHA, Louis BOYARD, Moetai BROTHERSON, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, JeanVictor CASTOR, Steve CHAILLOUX, André CHASSAIGNE, Cyrielle CHATELAIN, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, JeanFrançois COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Sébastien DELOGU, Pierre DHARRÉVILLE, Alma DUFOUR, Inaki ECHANIZ, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Elsa FAUCILLON, Olivier FAURE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Charles FOURNIER, Martine FROGER, Perceval GAILLARD, Marie-Charlotte GARIN, Guillaume GAROT, Raquel GARRIDO, Jérôme GUEDJ, David GUIRAUD, Johnny HAJJAR, Mathilde HIGNET, Jérémie IORDANOFF, Chantal JOURDAN, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Sébastien JUMEL, Emeline K/BIDI, Marietta KARAMANLI, Rachel KEKE, Fatiha KELOUA HACHI, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Julie LAERNOES, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Tematai LE GAYIC, Antoine LÉAUMENT, Karine LEBON, Élise LEBOUCHER, Jean-Paul LECOQ, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Gérard LESEUL, Benjamin LUCAS, Frédéric MAILLOT, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Yannick MONNET, Marcellin NADEAU, Philippe NAILLET, JeanPhilippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, Francesca PASQUINI, Bertrand PETIT, Stéphane PEU, Sébastien PEYTAVIE, Anna PIC, René PILATO, François PIQUEMAL, Christine PIRES BEAUNE, Marie POCHON, Thomas PORTES, Dominique POTIER, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Valérie RABAULT, JeanHugues RATENON, Jean-Claude RAUX, Sandra REGOL, Davy RIMANE, Sébastien ROME, Claudia ROUAUX, Sandrine ROUSSEAU, Fabien ROUSSEL, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Nicolas SANSU, Isabelle SANTIAGO, Eva SAS, Hervé SAULIGNAC, Sabrina SEBAIHI, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACHTERRENOIR, Aurélien TACHÉ, Sophie TAILLÉPOLIAN, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Jean-Marc TELLIER, Nicolas THIERRY, Mélanie THOMIN, Aurélie TROUVÉ, Cécile UNTERMAIER, Boris VALLAUD, Paul VANNIER, Roger VICOT, Léo WALTER, Jiovanny WILLIAM, Hubert WULFRANC,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La réforme des retraites, reculant l’âge légal de départ à 64 ans, a été promulguée le 14 avril 2023, sans que le texte n’ait été soumis à un vote de l’Assemblée nationale et ce, malgré les engagements du Gouvernement.

Les discussions en première lecture ont été interrompues du fait du choix du Gouvernement de mener cette réforme via un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et de recourir à l’article 47‑1 de notre Constitution. Quant au vote final sur les conclusions de la commission mixte paritaire, celui‑ci ne s’est pas tenu du fait du recours à l’article 49 alinéa 3.

Ces éléments ne sont que deux des nombreuses procédures utilisées, de façon détournée, par le Gouvernement, pour empêcher la tenue d’un débat clair et sincère, mais aussi et surtout pour éviter un vote à l’Assemblée nationale.

Ils sont la preuve qu’une majorité de députés était en réalité prête à rejeter cette réforme des retraites, pour des raisons de fond comme de forme. Ils sont un aveu de faiblesse du Gouvernement qui n’a pas réussi à convaincre – ni les Parlementaires, ni les Français – du bien‑fondé de sa réforme.

Toutefois, la promulgation de la loi n’entraîne ni sa validation politique ni son acceptation sociale. Nous considérons que nous n’avons pu aller au bout du « cheminement démocratique ».

D’autant que le texte promulgué est encore plus « dur » que le texte initialement considéré comme adopté. Celui‑ci a été amputé de nombreuses dispositions jugées comme étant des « cavaliers sociaux ». Or ces dernières avaient justement été ajoutées pour amoindrir les effets négatifs de la réforme.

Après la censure de ces articles, relatifs à l’emploi des séniors ou à la pénibilité – bien que largement insuffisants – l’essentiel des mesures restantes sont les mesures comptables les plus dures et les plus brutales.

La plus injuste d’entre elle demeure le recul de l’âge légal de départ à 64 ans.

L’essentiel des économies attendues seront essentiellement portées par les plus modestes : sur ceux qui auront à travailler plus, sans voir leur pension progresser ; sur ceux qui ont commencé à travailler tôt, qui exercent souvent des emplois pénibles, précaires ; ceux qui ont des carrières hachées ; et donc principalement les femmes.

Ce sont toutes ces personnes qui ont été peu reconnues lors de la crise sanitaire, et qui subissent maintenant l’inflation de plein fouet.

Par ailleurs, cette réforme augmentera la précarité de ceux qui, après 55 ans, sont déjà poussés vers la sortie, connaissent le chômage ou le RSA.

L’injustice sociale au cœur de la réforme des retraites est la raison de son rejet massif : c’est à cette injustice que nous devons nous attaquer.

*

Les mobilisations depuis le mois de janvier ne faiblissent pas : elles expriment une colère qui, parfois, dépasse le strict cadre de la réforme des retraites. Elles traduisent une défiance envers des responsables politiques qui donnent le sentiment de pas être à l’écoute, et de gouverner seuls contre tous.

La crise sociale qu’a provoquée l’examen de cette réforme des retraites risque de se transformer en une crise politique et démocratique durable si aucune leçon n’est tirée rapidement.

Cette proposition de loi a pour objectif de sortir de l’impasse dans laquelle le pays se trouve aujourd’hui, afin d’éviter que celui‑ci ne se déchire davantage. Et de retrouver l’apaisement.

Aujourd’hui, nous avons besoin de retrouver le chemin de l’écoute, du dialogue, du respect. Respect de nos concitoyens ; respect de nos institutions ; respect de nos corps intermédiaires.

Le préalable à cet apaisement est le retrait de la réforme des retraites, car c’est elle qui a, en premier lieu, provoqué la crise sociale et politique dans laquelle nous nous trouvons.

C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi abroge les dispositions qui cristallisent toutes les inquiétudes et les tensions : le recul de l’âge légal de départ à 64 ans et l’accélération de l’augmentation de la durée de cotisation.

Avec un objectif : trouver des solutions de financement plus acceptables par tous pour mieux répartir l’effort demandé.

Trouver une sortie de crise favorable consiste aujourd’hui à repartir à zéro, et nous remettre collectivement au travail afin de proposer une nouvelle réforme des retraites, soutenable pour conforter notre système par répartition, et plus juste socialement.

Par conséquent, l’article 1er de cette proposition de loi revient à l’état antérieur du droit s’agissant de l’âge légal de départ, fixé à 62 ans. Il rétablit également le calendrier initial de la hausse de durée de cotisation, pour atteindre 172 trimestres en 2035 pour la génération 1973.

L’article 2 propose l’organisation d’une conférence de financement pour garantir la pérennité de notre système de retraite.

En effet, le Gouvernement ne peut se contenter de constater et d’alarmer sur le risque d’un déficit futur du système, sans tirer les conséquences de l’évolution de celui‑ci.

Aujourd’hui, nous ne pouvons plus faire reposer sur les seuls actifs le financement de notre système de retraite, du fait de l’existence d’un rapport entre actifs et non‑actifs de plus en plus déséquilibré ; et aussi de la part croissante du capital dans la richesse nationale, au détriment du travail.

Il faut aussi répondre au sentiment d’injustice croissant qui repose sur une réalité : l’aggravation des inégalités de richesses et de patrimoine. Nous avons besoin d’une réflexion globale en matière de solidarité intergénérationnelle, sur laquelle repose notamment notre système de retraite.

L’argument du Gouvernement selon lequel aucune proposition n’a été faite durant nos débats est faux. Les auteurs du présent texte en ont présenté, mais toutes ont été rejetées. La tenue d’une grande conférence de financement, impliquant notamment les partenaires sociaux, permettra d’étudier les solutions existantes, et d’envisager de nouvelles pistes de financement.

Cela nécessite de mener ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent : une vraie concertation sur le sujet des retraites dans sa totalité, sur le sujet du travail et de notre protection sociale. Aborder les retraites à travers le seul prisme budgétaire ne correspond pas à ce qu’une réforme des retraites devrait être : un vrai projet de société.

proposition de loi

Article 1er

I. – Le code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, est ainsi modifié :

« 1° L’article L. 161‑17‑2 est ainsi modifié :

« a) Au premier alinéa, les mots : « soixante‑quatre » sont remplacés par les mots : « soixante‑deux » et, à la fin, l’année : « 1968 » est remplacée par l’année : « 1955 » ;

« b) Au second alinéa, l’année : « 1968 » est remplacée par l’année : « 1955 », la date : « 1er septembre 1961 » est remplacée par la date : « 1er juillet 1951 », l’année : « 1967 » est remplacée par l’année : « 1954 » et, à la fin, les mots : « , à raison de trois mois par génération » sont remplacés par le signe : « : » ;

« c) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° À raison de quatre mois par génération pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1951 ;

« 2° À raison de cinq mois par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1954. » ;

« 2° L’article L. 161‑17‑3 est ainsi modifié :

« a) À la fin du 2°, la date : « 31 août 1961 » est remplacée par la date : « 31 décembre 1963 » ;

« b) Au 3°, la date : « 1er septembre 1961 » est remplacée par la date : « 1er janvier 1964 » et l’année : « 1962 » est remplacée par l’année : « 1966 » ;

« c) À la fin du 4°, les mots : « en 1963 » sont remplacés par les mots : « entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 1969 » ;

« d) À la fin du 5°, les mots : « en 1964 » sont remplacés par les mots : « entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1972 » ;

« e) À la fin du 6°, l’année : « 1965 » est remplacée par l’année : « 1973 » ;

« 3° Au 1° de l’article L. 351‑8, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».

II. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, est ainsi modifié :

« 1° L’article L. 13 est ainsi modifié :

« a) À la fin de la seconde phrase du I, les mots : « celui mentionné au 6° de l’article L. 161‑17‑3 du code de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « fixé à cent soixante trimestres » ;

« b) Les II et III sont rétablis dans la rédaction suivante :

« II. – Le nombre de trimestres mentionné au premier alinéa du I évolue dans les conditions définies, pour la durée d’assurance ou de services, à l’article 5 de la loi n° 2003‑775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

« III – Pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1958, la durée des services et bonifications évolue dans les conditions prévues à l’article L. 161‑17‑3 du code de la sécurité sociale. Par dérogation, la durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l’État et des militaires qui remplissent les conditions de liquidation d’une pension avant l’âge de soixante ans est celle exigée des fonctionnaires atteignant cet âge l’année à compter de laquelle la liquidation peut intervenir. »

« 2° Aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 14 bis, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».

III. – À la première phrase des articles L. 732‑25 et L. 781‑33 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».

IV. – À la première phrase du dernier alinéa du III de l’article 37 de la loi n° 2010‑751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dans sa rédaction résultant de loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, le mot : « soixante‑deux » est remplacé par le mot : « soixante ».

V. – Les XXIV à XXVII de l’article 10 de la loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 sont abrogés.

Article 2

I. – Une conférence de financement du système de retraite est organisée avant le 31 décembre 2023. Y sont notamment représentés l’État, les représentants des organisations syndicales de salariés, les représentant des organisations professionnelles d’employeurs, ainsi que des citoyens et des personnalités qualifiées.

II. – Le Gouvernement remet, avant le 31 juillet 2024, un rapport au Parlement décrivant les solutions examinées et les nouvelles pistes de financement proposées par la conférence mentionnée au I. Ce rapport peut donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Article 3

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.