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N° 1165

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

d’abrogation de la réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 64 ans,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Bertrand PANCHER,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La réforme des retraites, reculant l’âge légal de départ à 64 ans, a été promulguée le 14 avril 2023, sans que le texte n’ait été soumis à un vote de l’Assemblée nationale et ce, malgré les engagements du Gouvernement.

Les discussions en première lecture ont été interrompues du fait du choix du Gouvernement de mener cette réforme via un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et de recourir à l’article 47‑1 de notre Constitution. Quant au vote final sur les conclusions de la commission mixte paritaire, celui‑ci ne s’est pas tenu du fait du recours à l’article 49 alinéa 3.

Ces éléments ne sont que deux des nombreuses procédures utilisées, de façon détournée, par le Gouvernement, pour empêcher la tenue d’un débat clair et sincère, mais aussi et surtout pour éviter un vote à l’Assemblée nationale.

Ils sont la preuve qu’une majorité de députés était en réalité prête à rejeter cette réforme des retraites, pour des raisons de fond comme de forme. Ils sont un aveu de faiblesse du Gouvernement qui n’a pas réussi à convaincre – ni les Parlementaires, ni les Français – du bien‑fondé de sa réforme.

Toutefois, la promulgation de la loi n’entraine ni sa validation politique ni son acceptation sociale. Nous considérons que nous n’avons pu aller au bout du « cheminement démocratique ».

D’autant que le texte promulgué est encore plus « dur » que le texte initialement considéré comme adopté. Celui‑ci a été amputé de nombreuses dispositions jugées comme étant des « cavaliers sociaux ». Or ces dernières avaient justement été ajoutées pour amoindrir les effets négatifs de la réforme.

Après la censure de ces articles, relatifs à l’emploi des séniors ou à la pénibilité – bien que largement insuffisants – l’essentiel des mesures restantes sont les mesures comptables les plus dures et les plus brutales.

La plus injuste d’entre elle demeure le recul de l’âge légal de départ à 64 ans.

L’essentiel des économies attendues seront essentiellement portées par les plus modestes : sur ceux qui auront à travailler plus, sans voir leur pension progresser ; sur ceux qui ont commencé à travailler tôt, qui exercent souvent des emplois pénibles, précaires ; ceux qui ont des carrières hachées ; et donc principalement les femmes.

Ce sont toutes ces personnes qui ont été peu reconnues lors de la crise sanitaire, et qui subissent maintenant l’inflation de plein fouet.

Par ailleurs, cette réforme augmentera la précarité de ceux qui, après 55 ans, sont déjà poussés vers la sortie, connaissent le chômage ou le RSA.

*

*  *

Les mobilisations depuis le mois de janvier ne faiblissent pas : elles expriment une colère qui, parfois, dépasse le strict cadre de la réforme des retraites. Elles traduisent une défiance envers des responsables politiques qui donnent le sentiment de pas être à l’écoute, et de gouverner seuls contre tous.

La crise sociale qu’a provoquée l’examen de cette réforme des retraites risque de se transformer en une crise politique et démocratique durable si aucune leçon n’est tirée rapidement.

Cette proposition de loi a pour objectif de sortir de l’impasse dans laquelle le pays se trouve aujourd’hui, afin d’éviter que celui‑ci ne se déchire davantage. Et de retrouver l’apaisement.

Aujourd’hui, nous avons besoin de retrouver le chemin de l’écoute, du dialogue, du respect. Respect de nos concitoyens ; respect de nos institutions ; respect de nos corps intermédiaires.

Le préalable à cet apaisement est le retrait de la réforme des retraites, car c’est elle qui a, en premier lieu, provoqué la crise sociale et politique dans laquelle nous nous trouvons.

C’est la raison pour laquelle l’article 1er de cette proposition de loi abroge la loi de financement de sécurité sociale pour 2023, qui a porté la réforme des retraites.

Trouver une sortie de crise favorable consiste aujourd’hui à repartir à zéro, et nous remettre collectivement au travail afin de proposer une nouvelle réforme des retraites, soutenable pour conforter notre système par répartition, et plus juste socialement.

Cela impliquera de trouver des solutions de financement plus acceptables par tous pour mieux répartir l’effort demandé.

L’argument du Gouvernement selon lequel aucune proposition n’a été faite durant nos débats est faux. Les auteurs du présent texte en ont présentées, mais toutes ont été rejetées.

Pour engager enfin un vrai travail de co‑construction, il faudra, à l’issue de l’abrogation de la réforme, organiser une grande conférence de financement, impliquant notamment les partenaires sociaux, pour étudier les solutions existantes, et envisager de nouvelles pistes de financement.

Aujourd’hui, nous ne pouvons plus faire reposer sur les seuls actifs le financement de notre système de retraite, du fait de l’existence d’un rapport entre actifs et non‑actifs de plus en plus déséquilibré ; et aussi de la part croissante du capital dans la richesse nationale, au détriment du travail.

Il faut aussi répondre au sentiment d’injustice croissant qui repose sur une réalité : l’aggravation des inégalités de richesses et de patrimoine. Nous avons besoin d’une réflexion globale en matière de solidarité intergénérationnelle, sur laquelle repose notamment notre système de retraite.

Cela nécessite de mener ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent : une vraie concertation sur le sujet des retraites dans sa totalité, sur le sujet du travail et de notre protection sociale. Aborder les retraites à travers le seul prisme budgétaire ne correspond pas à ce qu’une réforme des retraites devrait être : un vrai projet de société.

 


proposition de loi

Article 1er

La loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 est abrogée.

Article 2

I. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.