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N° 1203

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à développer les outils de lutte
contre la désertification médicale des collectivités,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Paul CHRISTOPHE,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre pays fait face depuis plusieurs décennies à une pénurie de médecins – à un degré divers selon les territoires.

Nous connaissons les causes de ce phénomène et y avons, pour partie, répondu avec la suppression du numerus clausus ([1]), en vigueur de 1971 à 2019. Cependant, au vu de la durée des études de médecine, les effets de cette suppression ne se feront pas sentir avant 2030.

Et pourtant, nous devrons d’ici là faire face aux départs à la retraite de nombre de médecins encore en activité. En effet, en 2018 en France, 47 % des médecins étaient âgés de 55 ans ou plus et 30 % d’entre eux de 60 ans ou plus. Cette chute de la densité médicale est déjà particulièrement marquée chez les médecins généralistes.

Cette démographie médicale déclinante va entraîner une baisse de l’offre de soins dans les années à venir – elle‑même accentuée par de multiples facteurs. Chacun de nous sait que l’augmentation de la population (de plus 3 millions d’habitants depuis 2011) et son vieillissement (avec un recul de l’âge moyen de 2 ans sur la période 2011‑2023) vont faire bondir les besoins en santé ([2]).

À « cet effet ciseaux » entre l’offre et la demande s’ajoute le poids d’une répartition déséquilibrée du corps médical sur nos territoires. De fait, ces besoins en santé sont d’autant plus criants dans les zones déjà les moins bien desservies, telles que les zones rurales ou les zones urbaines défavorisées.

C’est ainsi que l’article L. 1434‑4 du code de la santé publique est venu clarifier la notion de désertification médicale par la définition de deux catégories : « les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins » et « les zones dans lesquelles le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé ». À titre d’exemple, la densité de médecins généralistes pour 100 000 habitants atteint 161 en Provence‑Alpes‑Côte d’Azur contre 110 en Centre‑Val de Loire, et celle de spécialistes varie entre 72 en Guyane et 229 en Île‑de‑France ([3]).

Afin de réduire ces inégalités en matière de santé et favoriser une meilleure répartition géographique des professionnels de santé, de nombreux dispositifs d’aide à l’installation ont été mis en place.

La Caisse nationale de l’assurance‑maladie (Cnam) propose ainsi plusieurs dispositifs pour favoriser l’installation des médecins dans les zones sous‑denses parmi lesquels :

– Le Contrat d’Aide à l’Installation des Médecins visant à financer les frais d’installation des médecins en zones sous‑denses jusqu’à 60 000 euros,

– Le Contrat de Solidarité Territoriale Médecin prévoyant des financements complémentaires pour l’exercice ponctuel en zones sous‑denses,

– L’aide à l’embauche d’assistants médicaux dans les cabinets libéraux, pouvant atteindre 36 000 euros par an en zones sous‑denses.

Les Agences régionales de santé (ARS) proposent elles aussi des dispositifs d’aide à l’installation comme :

– Le Contrat de début d’exercice qui offre aux médecins en primo‑installation en zones sous‑denses une garantie de revenus pour leur première année d’exercice,

– Le Contrat d’engagement au service public consistant en un versement de 1 200 euros bruts mensuels aux étudiants en médecine en contrepartie d’un engagement à exercer en zones sous‑denses.

Depuis 2017, de nombreuses mesures ont pu être votées pour lutter contre la désertification médicale, et en complément de la suppression du numerus clausus, parmi lesquelles ([4]) :

– La création d’une 4e année d’internat de médecine générale, consacrée à des stages en cabinet médical, en priorité dans les zones médicalement tendues ;

– L’exonération des cotisations vieillesse en 2023 pour les médecins retraités qui reprennent leur activité ;

– L’assouplissement des règles de cumul emploi‑retraite pour les médecins qui exercent dans un désert médical ;

– L’expérimentation pendant trois ans de l’accès direct des patients aux infirmiers en pratique avancée (IPA) dans le cadre de structures d’exercice coordonné.

Dans l’objectif de promouvoir un égal accès aux soins pour tous, les solutions nationales précédemment citées doivent être complétées par des initiatives locales.

Cette proposition de loi représente un outil supplémentaire à la disposition des collectivités pour lutter contre les déserts médicaux.

Par son article unique, elle vise ainsi à autoriser la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux auprès de cabinets médicaux ou de maisons de santé situés en zones sous‑denses. Ce dispositif a pour objectif principal de libérer temporairement les médecins, souhaitant s’installer dans des déserts médicaux, de la charge du recrutement du personnel administratif.

Cette mise à disposition serait alors une exception au dispositif existant aujourd’hui réservé à des entités de droit public, exerçant une mission de service public, ou – à titre expérimental et sur un champ restreint – des organismes sans but lucratif.

Il est utile de préciser que celle‑ci ne serait, en aucun cas, gracieuse ou définitive.

Pour rappel, la mise à disposition donne lieu à un remboursement obligatoire du salaire du fonctionnaire ainsi que des cotisations associées par l’entité d’accueil, tel que défini par l’article L. 512‑15 du code de la fonction publique. L’agent public mis à disposition continue alors à percevoir sa rémunération par son administration d’origine, avant que celle‑ci ne soit remboursée par l’entité d’accueil.

Enfin, cette mise à disposition pour les médecins en zones sous‑denses ne les exonère pas du recrutement ultérieur de leur propre personnel. Elle est une aide temporaire pour faciliter leur installation. C’est pourquoi, cette mise à disposition exceptionnelle serait limitée dans le temps à trois mois, renouvelables deux fois et conditionnée à une arrivée récente sur le territoire.

Pour conclure, le fonctionnaire mis à disposition, riche de sa connaissance du territoire, de la patientèle et des professionnels de santé sur place, serait un atout indéniable pour faciliter l’arrivée du médecin et son intégration dans le territoire.

Ce dispositif d’amorçage viendrait alors en complément des aides à l’installation proposées par la Cnam et les ARS.

Cet article unique vise à ouvrir aux maisons de santé et cabinets libéraux en zones sous‑denses le bénéfice de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux.

 

 

 

 


proposition de loi

Article unique

La sous‑section 2, de la section 4, du chapitre II, du titre Ier du livre V du code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 512‑7, les mots : « , 7° et 8° » sont remplacés par les mots : « et 7° » ;

2° L’article L. 512‑8 est complété par un 8° et un 9° ainsi rédigés :

« 8° D’un médecin exerçant dans un cabinet libéral situé dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1434‑4 du code de la santé publique, sous réserve que celui‑ci ait changé de résidence professionnelle depuis moins de trois mois et participe à la mission de service public mentionnée à l’article L. 6314‑1 du même code ;

« 9° D’une maison de santé mentionnée à l’article L. 6323‑3 du code de la santé publique située dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1434‑4 du même code, sous réserve que plus de la moitié des médecins y exerçant participent à la mission de service public mentionnée à l’article L. 6314‑1 dudit code. » ;

3° Après l’article L. 512‑8, il est inséré un article L. 512‑8‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 51281. – La mise à disposition prévue aux 8° et 9° de l’article L. 512‑8 est prononcée pour une durée qui ne peut excéder trois mois, renouvelable deux fois dans la limite d’une durée totale de neuf mois. »


([1])  Loi du 24 juillet 2019 relative a l’organisation et a la transformation du systeme de sante

([2])  Rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) intitulé « Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques », publié en décembre 2021

([3])  Rapport d’information relatif aux initiatives des territoires en matière d’accès aux soins, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, publié en octobre 2021.

([4])  Loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.