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N° 1207

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer l’attractivité du travail saisonnier dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Philippe LOTTIAUX, Laure LAVALETTE, Kévin PFEFFER, Thibaut FRANÇOIS, Franck ALLISIO, Stéphanie GALZY, Michaël TAVERNE, Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Géraldine GRANGIER, Alexandra MASSON, Philippe BALLARD, Marine HAMELET, Antoine VILLEDIEU, Hervé de LÉPINAU, Victor CATTEAU, Hélène LAPORTE, Bruno BILDE, Michèle MARTINEZ, Katiana LEVAVASSEUR, Frédéric CABROLIER, Anaïs SABATINI, Timothée HOUSSIN, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Christian GIRARD, EDWIGE DIAZ, Pierrick BERTELOOT, Béatrice ROULLAUD, Frédéric FALCON, Florence GOULET, Pascale BORDES, Joëlle MELIN, Bénédicte AUZANOT, Frank GILETTI, Annick COUSIN, Alexis JOLLY, Christophe BARTHÈS, Caroline PARMENTIER, José BEAURAIN, Pierre MEURIN, Nicolas MEIZONNET, Nicolas DRAGON, Emeric SALMON, Christophe BENTZ, Stéphane RAMBAUD, Jérôme BUISSON, Frédéric BOCCALETTI, Romain BAUBRY, Serge MULLER, Yoann GILLET, Bryan MASSON, Lisette POLLET, Alexandre SABATOU, Sophie BLANC, Jorys BOVET, Jordan GUITTON, José GONZALEZ, Julie LECHANTEUX, Daniel GRENON, Angélique RANC, Kévin MAUVIEUX, Emmanuelle MÉNARD,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans les zones touristiques, le secteur de l’hôtellerie et de la restauration recourt à de nombreux travailleurs saisonniers pendant les périodes de l’année à forte activité. L’emploi saisonnier est devenu un phénomène structurant de l’économie touristique. Selon la Dares (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques), sur les années 2018 et 2019, 1 050 000 personnes ont eu au moins un contrat saisonnier. Dans la restauration et l’hébergement, cela concernait 380 000 travailleurs, en moyenne plus jeunes, à quasi‑parité hommes/femmes et appartenant à des catégories socio‑professionnelles diverses.

Des difficultés structurelles de recrutement existent dans le secteur, qui se sont fortement accentuées à l’issue de la période « Covid ». Ainsi, en 2022, alors que 200 000 offres avaient été publiées au deuxième trimestre, 70 % des professionnels de l’hôtellerie, de la restauration, des loisirs du tourisme et de l’animation déclaraient avoir des difficultés à pourvoir les postes, selon une étude d’Adecco Analytics. De fait, de nombreux établissements sont forcés, faute de personnel en nombre suffisant, de fermer un ou plusieurs jours en pleine saison, ou de limiter leur capacité d’accueil. Cette pénurie met en danger l’équilibre économique des établissements et impacte fortement l’attractivité touristique de leur territoire d’implantation.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation, alors même que les rémunérations moyennes ont très sensiblement évolué. La nécessité de travailler le week‑end ou en horaires décalés en est une, mais elle est au cœur même de la nature de l’activité. La précarité liée au statut de saisonnier peut aussi expliquer cette désaffection. Dans nombre de zones touristiques, le coût du logement, et au‑delà la difficulté même de trouver de quoi se loger convenablement quand l’essentiel des réservations est occupé par les vacanciers représente, pour les saisonniers, un frein réel, et même le principal. Enfin, la non‑prise en compte par le droit du travail des rythmes particuliers de l’activité peut quant à elle mettre les entreprises du secteur en difficulté.

De fait, à situation exceptionnelle, il convient d’apporter des réponses exceptionnelles, dérogatoires au droit commun, autour de trois axes : la nature du contrat, la durée maximale de travail autorisée et des dispositifs incitatifs pour les employeurs qui logent leur personnel. Si ces réponses ne sauraient résoudre l’intégralité des difficultés rencontrées, elles devraient y contribuer.

Concernant la nature du contrat, la seule option prévue spécifiquement par la loi afin de pourvoir un emploi saisonnier prend la forme d’un contrat à durée déterminée, dont la reconduction n’est pas obligatoire à défaut de stipulations au niveau des branches. Un salarié qui a effectué deux années consécutives a droit à la reconduction de son contrat à condition que l’entreprise ait un emploi à pourvoir, la convention collective des hôtels, cafés et restaurants prévoyant également une clause de reconduction tacite pour la saison suivante, qui devient une relation de travail d’une durée indéterminée après trois années consécutives. Ces dispositions n’ont manifestement pas suffi à résoudre les difficultés de recrutement.

L’article 1er a donc pour objet de permettre aux entreprises du secteur ouvertes sur une partie de l’année (au minimum pendant six mois) ou dont la nature de l’activité les conduit à recruter des saisonniers pour une période minimale de six mois, de proposer aux salariés concernés un CDI sur la totalité de l’année, à hauteur de 1607 heures. La rémunération serait exonérée de cotisations sociales sur la période de fermeture ou de non recours effectif aux salariés. La période non travaillée sera mise à profit pour les prises de congés, les récupérations et des actions de formation. Pour rappel, le nombre moyen de contrats saisonniers sur une année est de 1,5 dans l’hôtellerie et la restauration, pour une durée d’environ 82 jours.

Cette disposition va de pair avec une action sur la durée maximale de travail, compte tenu de la nature très spécifique des horaires du secteur. Dans nombre de cas, en période de pic d’activité, ces horaires dépassent le maximum légal mais sont en deçà de deux temps complets. De fait, les entreprises doivent procéder à des recrutements à temps partiels, particulièrement difficiles à effectuer. L’article 2 propose donc de déroger à la durée maximale de travail en permettant une durée de travail de 60 heures par semaine, au maximum deux semaines par mois au cours d’une période maximale de 12 semaines consécutives, et de permettre sur ces mêmes 12 semaines une durée moyenne du travail de 48 heures.

Afin de répondre aux difficultés de logement des saisonniers dans les zones touristiques, premier frein à l’embauche, les employeurs sont souvent amenés, aujourd’hui, à louer des logements voire de construire des logements pour leur personnel. Cette démarche devenant de plus en plus courante et nécessaire, a minima dans les zones tendues, il convient d’adopter des dispositifs incitatifs en la matière. Au regard de la nécessité impérieuse qui s’attache au logement de ces salariés, l’article 3 propose d’exclure de l’assiette des cotisations et de la CSG les avantages en nature que représentent les logements des saisonniers, pour une durée n’excédant pas six mois. L’article 4 propose quant à lui de déduire de l’impôt sur les sociétés une part correspondant au maximum à 50 % des loyers versés par l’entreprise. L’article 5 prévoit pour sa part un crédit d’impôt en faveur de la construction ou de la rénovation par l’employeur de logements destinés à ses salariés saisonniers, égal à 30 % du coût hors taxes, dans la limite de 100 000 euros.

Ces différentes dispositions devraient permettre de renforcer l’emploi dans le secteur, d’améliorer le fonctionnement et le chiffres d’affaires des entreprises, donc les recettes fiscales de l’État, et enfin de réduire le recours aux indemnités chômage, ce qui devrait largement compenser le coût des exonérations consenties. Pour autant, il convient de gager ces mesures, ce qui est l’objet de l’article 6 de la présente proposition, par une taxe additionnelle sur les tabacs.

 


proposition de loi

Article 1er

I. – Le chapitre III du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4 

« Contrat saisonnier dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration

« Art. L. 122310. – Par dérogation à l’article L. 1242‑2 du présent code, les entreprises relevant de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants qui exercent leur activité pendant une période minimale de six mois ou qui recrutent des salariés pendant une période minimale de six mois, peuvent conclure un contrat à durée indéterminée afin de pourvoir à des emplois à caractère saisonnier, pour une durée minimale de six mois, à raison de 1 607 heures annuelles.

« Les salaires versés en dehors des périodes de travail effectif sont exonérés de toutes cotisations patronales. »

II. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

Article 2

L’article L. 3121‑23 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les entreprises du secteur de l’hôtellerie et de la restauration, une convention collective peut prévoir de porter la durée hebdomadaire maximale de travail à soixante heures par semaine sur une période maximale de deux semaines par mois au cours d’une période de douze semaines consécutives, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de quarante‑huit heures hebdomadaires sur ladite période. »

Article 3

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 4° du III de l’article L. 136‑1‑1 est complété par un g ainsi rédigé :

« g) Les avantages en nature que représentent pour les salariés occupant un emploi à caractère saisonnier au sens du 3° de l’article L. 1242‑2 du code du travail la mise à disposition par l’employeur d’un logement pour une durée n’excédant pas six mois dans des conditions et limites prévues par décret. » ;

2° Le II de l’article L. 242‑1 est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° Les avantages en nature que représentent pour les salariés occupant un emploi à caractère saisonnier au sens du 3° de l’article L. 1242‑2 du code du travail la mise à disposition par l’employeur d’un logement pour une durée n’excédant pas six mois dans des conditions et limites prévues par décret. »

Article 4

Après le 1° quater du 1 de l’article 39 du code général des impôts, il est inséré un 1° quinquies ainsi rédigé :

« 1° quinquies. – 50 % du montant des loyers versés, le cas échéant, par les entreprises des secteurs de l’hôtellerie et de la restauration aux seules fins de loger leurs employés relevant du 3° de l’article L. 1242‑2 du code du travail. »

Article 5

La section V du chapitre II du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un 14° ainsi rédigé :

« 14° : Crédit d’impôt pour investissement en faveur du logement des travailleurs saisonniers

« Art. 220 octodecies. – I. – Les entreprises des secteurs de l’hôtellerie et de la restauration imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 duodecies et 44 quaterdecies à 44 septdecies peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses engagées à compter du 1er juillet 2023 pour la rénovation ou la construction de bâtiments ou de parties de bâtiments destinés exclusivement au logement de leurs employés relevant des dispositions du 3° de l’article L. 1242‑2 du code du travail.

« II. – Un arrêté conjoint des ministres chargés du logement, du tourisme, du travail et du budget fixe la liste des travaux qui ouvrent droit au crédit d’impôt. Il précise également les caractéristiques techniques des logements destinés à l’occupation des employés.

« III. – Le crédit d’impôt est égal à 30 % du prix de revient hors taxes des dépenses mentionnées aux I et II.

« IV. – Le montant total de crédit d’impôt, octroyé au titre d’un ou plusieurs exercices, dont peut bénéficier une entreprise, toutes dépenses éligibles confondues, ne peut excéder, au titre des dépenses engagées du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2023, puis au cours de chaque année civile suivante, un plafond de 100 000 euros.

« V. – Le crédit d’impôt défini au I du présent article est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise, dans les conditions prévues aux III et IV. En cas de clôture d’exercice en cours d’année civile, le montant du crédit d’impôt est calculé en prenant en compte les dépenses éligibles au titre de la dernière année civile écoulée.

« La société mère mentionnée à l’article 223 A du présent code est substituée aux sociétés du groupe pour l’imputation sur le montant de l’impôt sur les sociétés dont elle est redevable, au titre de chaque exercice, des crédits d’impôt dégagés par chaque société du groupe en application du I du présent article.

« VI. – Les entreprises déposent une déclaration conforme à un modèle établi par l’administration dans les mêmes délais que la déclaration annuelle de résultat souscrite en application des articles 53 A et 223 du présent code.

« La société mère d’un groupe, au sens de l’article 223 A du même code, déclare les crédits d’impôt pour le compte des sociétés du groupe, y compris ceux qui la concernent, lors du dépôt de la déclaration relative au résultat d’ensemble du groupe.

« VII. – Le bénéfice du crédit d’impôt est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

Article 6

I.  La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence .

II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.