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N° 1208

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Patrick VIGNAL, Sylvain MAILLARD, Nadia HAI, Anne BRUGNERA, Damien ABAD, Philippe BERTA, Véronique BESSE, Benoît BORDAT, Mickaël BOULOUX, Steve CHAILLOUX, Fabienne COLBOC, François CORMIER BOULIGEON, Laurence CRISTOL, Christine DECODTS, Philippe DUNOYER, Stella DUPONT, Sophie ERRANTE, Philippe FAIT, Olivier FALORNI, Yannick FAVENNEC BÉCOT, Jean Marie FIÉVET, Estelle FOLEST, Bruno FUCHS, Jean Luc FUGIT, Anne GENETET, Éric GIRARDIN, Joël GIRAUD, Olga GIVERNET, Guillaume GOUFFIER VALENTE, Jean-Carles GRELIER, Philippe GUILLEMARD, Yannick HAURY, Laurence HEYDEL GRILLERE, Sacha HOULIÉ, Servane HUGUES, Sébastien JUMEL, Brigitte KLINKERT, Luc LAMIRAULT, Jean Charles LARSONNEUR, Michel LAUZZANA, Pascal LAVERGNE, Tematai LE GAYIC, Pascal LECAMP, Didier LEMAIRE, Gérard LESEUL, Fabrice LE VIGOUREUX, Jean-François LOVISOLO, Aude LUQUET, Jacqueline MAQUET, Lysiane MÉTAYER, Nicolas METZDORF, Paul MOLAC, Pierre MOREL À L’HUISSIER, Christophe NAEGELEN, Philippe NAILLET, Karl OLIVE, Hubert OTT, Nicolas PACQUOT, Bertrand PANCHER, Sophie PANONACLE, Astrid PANOSYAN BOUVET, Jérémie PATRIER LEITUS, Emmanuel PELLERIN, Christine PIRES BEAUNE, Béatrice PIRON, Claire PITOLLAT, Christophe PLASSARD, Dominique POTIER, Marie-Agnès POUSSIER WINSBACK, -Natalia POUZYREFF, Philippe PRADAL, Richard RAMOS, Cécile RILHAC, Claudia ROUAUX, Jean-François ROUSSET, Lionel ROYER PERREAUT, Benjamin SAINT HUILE, Hervé SAULIGNAC, Sabrina SEBAIHI, Philippe SOREZ, Bertrand SORRE, Violette SPILLEBOUT, Bruno STUDER, Sarah TANZILLI, David TAUPIAC, Stéphane TRAVERT, Nicolas TURQUOIS, Roger VICOT, Annie VIDAL, Philippe VIGIER, Corinne VIGNON, Stéphane VIRY, Jean-Luc WARSMANN, Caroline YADAN, Jean Marc ZULESI,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre société est confrontée à des défis majeurs. La dégradation du lien social se manifeste dans nos territoires par la persistance d’un niveau élevé de délinquance, un accroissement des incivilités et des conflits de voisinage. Par ailleurs, l’accès aux droits demeure une préoccupation majeure : le niveau de non‑recours à certaines aides sociales, qui reste élevé, en témoigne. Enfin, notre société en pleine mutation (écologique, numérique) ne doit pas laisser de côté une partie de nos concitoyens, notamment les plus fragilisés.

Ces phénomènes nourrissent le sentiment d’abandon et de lassitude ressenti par les habitants, particulièrement dans les territoires les plus en difficulté : quartiers prioritaires de la politique de la ville, centres anciens dégradés, zones périurbaines, petites et moyennes villes, territoires ruraux, territoires ultra‑marins.

L’État et les collectivités territoriales partagent ce constat et identifient la même réponse : renforcer la présence humaine sur le terrain, au plus près des habitants et des besoins qu’ils expriment. Cette réponse passe par une présence accrue des professionnels de l’intervention sociale que sont les médiateurs sociaux, pour répondre aux besoins croissants et non satisfaits d’une société en évolution : il s’agit de renouer le lien social, contribuer à l’émancipation du citoyen et favoriser le vivre et l’agir ensemble.

La médiation sociale se caractérise par sa double finalité :

– Facteur de lien social et d’intégration, elle aide à restaurer une communication entre les personnes, les groupes de personnes et les institutions et facilite ce besoin d’être reconnu par l’autre ;

– Facteur de tranquillité sociale, elle participe à la régulation des tensions, à la prévention et gestion des conflits et des incivilités et favorise une citoyenneté active.

Elle doit ainsi contribuer :

– à restaurer le lien social et la cohésion sociale ;

– à prévenir la délinquance et l’exclusion ;

– à prévenir et gérer les conflits à la bonne échelle (celle du terrain qui les a vu naître) et à privilégier le règlement à l’amiable (plutôt que le recours à la voie judiciaire) ;

– à accroître l’accès aux droits et à diminuer le non‑recours aux aides sociales ;

– à redonner à chacun sa capacité à faire et à agir ensemble dans une société plus durable.

Cette réponse est fondée sur le dialogue et la négociation de proximité, au plus près des difficultés rencontrées par les habitants dans leur vie quotidienne. Au‑delà, il s’agit de renouer un lien social distendu, progresser vers davantage de cohésion sociale et territoriale, donner corps à la fraternité et à la solidarité au bénéfice des habitants pour honorer la promesse républicaine.

Ce qui est en jeu constitue un vrai projet de société, celui d’une société plus inclusive.

Les fonctions de médiation sociale se sont fortement développées ces dernières années. Dans une société marquée par une crise sanitaire et sociale inédite qui a provoqué de la distanciation sociale et créé des tensions, elles doivent être confortées et encouragées, en complémentarité et en cohérence avec les actions engagées par les acteurs socio‑culturels et d’éducation populaire, pour contribuer à mettre en pratique au quotidien les valeurs portées par la République.

En effet, la médiation sociale n’a de sens que si elle s’inscrit dans une coopération avec l’ensemble des autres acteurs, dans le champ social ou celui de la tranquillité publique. C’est dans cette chaîne de prise en charge, de continuum et de partenariat, que la médiation sociale trouve toute sa place.

Le secteur de la médiation sociale bénéficie d’un soutien significatif de l’État, via notamment le dispositif adultes‑relais, financé par le programme 147 « Politique de la ville ». Ce dispositif compte aujourd’hui 6 500 postes répartis sur la totalité du territoire national.

Au‑delà des adultes‑relais, on estime au total à 12 000 le nombre d’emplois existants de médiation sociale, regroupant des fonctions exercées sous des dénominations différentes : médiateurs sociaux, médiateurs socio‑culturels, correspondants de nuit, agents d’ambiance, etc. Ces dénominations renvoient à des pratiques professionnelles spécialisées. La médiation sociale concerne différents secteurs d’intervention : l’habitat et le logement, les transports, l’éducation, la tranquillité publique, l’intervention sociale, les services à la population…

Néanmoins, les pratiques de la médiation sociale se sont développées sans qu’un cadre légal unifié et reconnu par tous n’en régisse l’exercice pour le médiateur :

– Il n’existe pas à ce jour de texte législatif confortant la médiation sociale et reconnaissant son utilité sociale.

– Aucun texte relatif à la médiation sociale et aux médiateurs ne permet en l’état d’identifier les structures professionnelles, ni les médiateurs compétents.

– De nombreuses structures, qu’elles soient associatives ou publiques, développent des activités dans le domaine de la médiation sociale sans en connaître le cadre en l’absence d’un texte en régissant les pratiques.

Si le développement de la médiation sociale est souhaitable, il faut garantir la qualité des processus mis en œuvre par les acteurs du secteur. Il convient également de faire savoir aux commanditaires des prestations de médiation – collectivités territoriales, opérateurs publics de service… –qu’ils disposent de la garantie induite par l’adoption d’une démarche de qualité dans le secteur.

Cette garantie se révèle d’autant plus stratégique que le recours aux prestations de services dans le domaine de la médiation s’opère au travers de procédures de marchés publics : les acteurs associatifs de la médiation entrent alors en concurrence avec des entreprises du secteur marchand. Ils doivent par conséquent faire la démonstration de la qualité, tout autant que de la singularité de leurs offres.

Depuis plusieurs années, des acteurs du secteur réclament un encadrement de cette activité. C’est pourquoi, dans un premier temps, l’État, en appui au secteur de la médiation sociale, a soutenu le développement d’une norme AFNOR. Cette norme est basée sur les grands principes des normes internationales de management (réalisation d’un diagnostic, affectation de moyens nécessaires à la mise en œuvre des activités visées par la certification, activité professionnelle, évaluation et amélioration continue). Les champs couverts par la norme sont : le cadre de la structure, son offre de services, le management des équipes, les partenariats et la mesure de l’efficacité. Son homologation est devenue définitive en décembre 2021.

Plus récemment encore, le rapport parlementaire « Remettre de l’humain dans les territoires » remis le 28 mars 2022 au Premier ministre Jean Castex par Patrick Vignal, député de la 9ème circonscription de l’Hérault, dont l’objet était de réaliser un état des lieux de la médiation sociale et de formuler des propositions d’amélioration de l’existant, a réaffirmé, à travers 18 propositions, ce besoin de consolider un secteur encore trop fragile, notamment par la voie législative.

L’adoption de ces dispositions législatives permettra de donner un cadre au métier de médiateur social, à l’instar de celui d’éducateur spécialisé, déjà reconnu par ailleurs ; les médiateurs sociaux présents sur le terrain et cette profession, qui se développe et diversifie ses champs d’intervention, doivent disposer de la pleine reconnaissance des pouvoirs publics. Cette reconnaissance constitue un préalable au renforcement de la présence humaine dans les territoires : elle permettra aux médiateurs d’œuvrer en toute confiance et en complémentarité avec les autres métiers du travail social.

L’enjeu aujourd’hui est donc de donner un cadre légal à ce secteur. Tel est l’objet de la présente proposition de loi. Ses articles visent à reconnaître les métiers de la médiation sociale.

L’article 1er insère dans le livre IV du code de l’action sociale et des familles, livre consacré aux professions et activités sociales, un nouveau titre VIII spécifique à la médiation sociale. Ce titre VIII est composé de cinq articles réunis en un chapitre unique.

Le premier (L. 481‑1) définit la médiation sociale, ses objectifs, ses modalités d’action et son cadre d’intervention.

Le second (L. 481‑2) précise que le processus de médiation sociale garantit le libre consentement des parties prenantes, la confidentialité de leurs échanges, la protection des personnes et le respect de leurs droits fondamentaux.

Le troisième (L. 481‑3) prévoit que la médiation sociale pourrait être mise en place à l’initiative de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, et de toute personne morale, publique ou privée. Il prévoit que des contrats pluriannuels de développement territorial de la médiation sociale puissent être signés pour coordonner les initiatives prises par ces parties intéressées au déploiement de la médiation sociale.

Le quatrième (L. 481‑4) prévoit que des référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques définissent et encadrent les modalités d’intervention des personnes morales qui exercent des activités de médiation sociale. Ces référentiels s’articulent avec ceux du travail social.

Le cinquième (L. 481‑5) précise que les modalités d’application de ce chapitre seront déterminées par décret.

L’article 2 modifie l’article 121.2 du code de l’action sociale, en prévoyant que le département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles, qui peuvent prendre la forme des actions de médiations sociale définies au titre VIII nouvellement créé de ce code.

L’article 3 tire les conséquences de cette reconnaissance de la médiation sociale sur la définition des missions des adultes‑relais prévues à l’article L. 5134‑100 du code du travail.

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le livre IV du code de l’action sociale et des familles est complété par un titre VIII ainsi rédigé :

« TITRE VIII

« MEDIATEURS SOCIAUX

« CHAPITRE UNIQUE

« Art. L. 481-1. – La médiation sociale est un processus de création et de réparation du lien social, ainsi que de règlement des situations conflictuelles de la vie quotidienne.

« Elle participe à la régulation des tensions et à la prévention des comportements incivils, notamment dans les espaces publics ou collectifs.

« Elle vise à améliorer une relation, à prévenir ou régler un conflit qui oppose des personnes physiques entre elles, ou avec des personnes morales, publiques ou privées, grâce à l’intervention d’un tiers impartial et indépendant. Elle facilite la mise en relation entre les personnes et leurs interlocuteurs nécessaires à la résolution des différends.

« Elle crée les conditions favorables à l’autonomie, la responsabilité et la participation des parties prenantes.

« Elle contribue à l’égalité réelle en facilitant l’accès aux droits et aux services publics.

« Elle agit localement et mobilise les acteurs de proximité.

« Art. L. 481-2. – Le processus de médiation sociale garantit le libre consentement des parties prenantes, la confidentialité des échanges entre celles-ci, la protection des personnes et le respect de leurs droits fondamentaux.

« Art. L. 481-3. – La médiation sociale peut être mise en place à l’initiative de l’État, des collectivités territoriales et leurs groupements ou de toute personne morale, publique ou privée.

« Des contrats pluriannuels de développement territorial de la médiation sociale peuvent être signés pour coordonner les initiatives prises par les parties mentionnées au précédent alinéa.

« Ils visent une couverture pertinente par la médiation sociale du territoire défini par ces parties au regard des besoins identifiés, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville définis à l’article 5 de la loi n°2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

« Ces contrats précisent le cadre de la gouvernance et du pilotage du développement territorial de la médiation sociale, ainsi que les contributions financières respectives des signataires.

« Art. L. 481-4. – Des référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques définissent et encadrent les modalités d’intervention des personnes morales qui exercent des activités de médiation sociale. Ces référentiels s’articulent avec ceux du travail social.

« Art. L. 481-5. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret. »

Article 2

L’article L.121-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

a) À la fin du 4°, le signe « . » est remplacé par le signe « ; » ;

b) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° Actions de médiation sociale définies au titre VIII du présent code. ».

Article 3

Le premier alinéa de l’article L. 5134-100 du code du travail est ainsi modifié :

1° À la fin, les mots : « d'améliorer, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les autres territoires prioritaires des contrats de ville, les relations entre les habitants de ces quartiers et les services publics, ainsi que les rapports sociaux dans les espaces publics ou collectifs » sont remplacés par les mots : « l’exercice de la médiation sociale définie au titre VIII du code de l’action sociale et des familles » ;

2° À la fin, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les adultes-relais exercent cette activité dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. »

Article 4

I. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.