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N° 1210

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à supprimer la contravention lorsque la vitesse retenue
est comprise entre 1 et 5 km/h au delà de la vitesse autorisée,
hors agglomération,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre VATIN, Frédérique MEUNIER, Christelle D’INTORNI, Nicolas RAY, Jean-Luc BOURGEAUX, Isabelle PÉRIGAULT, Fabrice BRUN, Julien DIVE, Hubert BRIGAND, Jean-Jacques GAULTIER, Francis DUBOIS, Antoine VERMORELMARQUES, Virginie DUBYMULLER, Nicolas FORISSIER, Vincent DESCOEUR, Philippe JUVIN, Annie GENEVARD, Alexandre PORTIER, Valérie BAZIN-MALGRAS, Ian BOUCARD, Victor HABERTDASSAULT, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Une fracture automobile divise la France. Elle est de plus en plus profonde. L’automobile n’est pas un moyen de transport interchangeable, un produit de consommation comme un autre appartenant au passé. Elle assure une fonction économique et sociale essentielle et irremplaçable pour une grande partie de la population qui lui est profondément attachée. » ([1])

La voiture (avec les motos et les scooters) assure 75,2 % ([2]) des déplacements vers le travail, 66,5 % des déplacements des jours de semaine et 74,7 % des déplacements à plus de 100 kilomètres. De plus, il faut avoir présent à l’esprit que plus de la moitié de la population française vit en dehors des grandes villes et que la population augmente plus rapidement dans les territoires que dans les grandes agglomérations.

Illustration de cette France coupée en deux : la limitation de 80 km/h au lieu de 90 km/h sur les routes secondaires à deux voies a ciblé de fait uniquement la France périphérique.

Depuis le 1er juillet 1992 et l’instauration du permis de conduire à 12 points, les automobilistes sont chaque année plus nombreux à perdre tout ou partie de leur capital. Le nombre de points retirés a dépassé au total 14 millions, à plus de 70 % à cause des radars et dans une écrasante majorité pour les infractions légères. Environ 100 000 permis sont ainsi retirés chaque année. Le corollaire est l’augmentation sensible du nombre d’automobilistes roulant désormais sans permis de conduire valide et donc aussi sans assurance. Certains évoquent le chiffre d’un million de conducteurs ou plus circulant sans permis, la sécurité routière avance celui de 770 000 conducteurs.

En réponse à la question écrite n° 22088 (JO Sénat du 21 :04 :2022, p. 2143), le ministère de l’intérieur révèle que sur les 12,5 millions d’infractions constatées par des radars automatiques en 2020, 58 % concernent des "excès" de 1 à 5 km/h (sachant que dans 95 % des cas, ceux‑ci sont inférieurs à 20 km/h ; les grands excès de vitesse, supérieurs ou égaux à 50 km/h et qui font les grands titres dans les médias, comptent quant à eux pour… 0,3 %).

Or, la totalité de ces excès de vitesse inférieurs à 20 km/h font l’objet d’une même contravention : amende forfaitaire (68 € hors agglomération ou 135 € en agglomération) et perte de 1 point sur le permis de conduire. Cependant c’est au détour d’un énième changement de limitation de vitesse, ou lorsqu’il détourne les yeux du compteur pour se concentrer sur les véritables dangers potentiels de la route, que le conducteur se retrouve très légèrement au‑dessus du 80 ou du 110 km/h fatidique…

Cette inflexibilité se révèle intéressante pour les finances publiques puisque le paiement des 7,3 millions de contraventions dressées pour ces dépassements de moins de 5 km/h (1,44 million en agglomération et 5,85 millions hors agglomération) a rapporté, en 2020, pas loin de 400 millions d’euros, selon les calculs de la Ligue de Défense des Conducteurs qui se basent sur le règlement de 100 % d’amendes minorées (soit 45 € hors agglomération ou 90 € en agglomération).

Ajoutons que parmi les pays du monde ayant adopté le permis à points, seule la France retire un point pour ces micro‑dépassements.

Aujourd’hui, alors que s’ajoutent aux radars de bords de route des centaines de voitures‑radars privatisées qui se faufilent, anonymes, dans le flux de la circulation pour mieux traquer ces tout petits dépassements, il est grand temps de reconnaître les limites du tout répressif en matière de politique de Sécurité routière – comme l’a déjà fait, à plusieurs occasions, la Cour des comptes.

Dans ces conditions, il est justifié de supprimer, pour les automobilistes et les motards, la contravention (amende forfaitaire et perte d’un point sur le permis de conduire) pour les dépassements de vitesse retenue inférieurs à 5 Km/h au‑delà de la vitesse autorisée, hors agglomération.

Une telle mesure serait de nature à montrer la volonté des pouvoirs publics de dissocier, enfin, la sécurité routière de la rentabilité routière.

Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

proposition de loi

Article unique

Le II de l’article L. 223‑2 du code de la route, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la vitesse retenue est comprise entre 1 et 5 km/h au‑delà de la vitesse autorisée, hors agglomération, aucune contravention n’est établie ».


([1])  Eric LESER, Automobile, France d’en haut contre France d’en bas, p. 12, Eyrolles 2018

([2])  Tous les chiffres cités ici sont issus de l’ouvrage précité.