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N° 1215

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à établir une taxe sur l’utilisation des navires de grande plaisance,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Mickaël BOULOUX, Boris VALLAUD, Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, MarieNoëlle BATTISTEL, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Iñaki ECHANIZ, Olivier FAURE, Guillaume GAROT, Jérôme GUEDJ, Johnny HAJJAR, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, Gérard LESEUL, Philippe NAILLET, Bertrand PETIT, Anna PIC, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Valérie RABAULT, Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, Hervé SAULIGNAC, Mélanie THOMIN, Cécile UNTERMAIER, Roger VICOT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que la population est incitée à réduire son empreinte carbone pour contribuer à l’effort en faveur de la préservation de l’environnement et de la planète, il importe que la navigation sur yacht, désastreuse d’un point de vue écologique, soit maîtrisée.

Les trajets des embarcations luxueuses de plusieurs personnalités ont en effet été scrutés par divers organismes, dont le compte Twitter « Mega yacht CO2 tracker », qui a relevé, selon un article du magazine « Géo » que, le 15 août 2022, « le yacht de Thomas Leclercq [fils de Michel Leclercq, fondateur de Décathlon] aurait produit [en une seule journée] environ 3,7 tonnes de CO2 en consommant 1 439,7 litres de carburant ». Cela équivaudrait quasiment à l’empreinte carbone annuelle moyenne d’un Français qui est de 4,4 tonnes de CO2 selon le ministère de l’Écologie. En quelques heures seulement, un yacht peut consommer autant qu’un Français en une année. Cette situation est d’autant plus aberrante que, pour respecter les trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre de la France, cette empreinte devrait être ramenée à deux tonnes de CO2 par an et par personne.

Toujours selon le magazine, le record serait détenu par le « Symphony », propriété de Bernard Arnault, qui émettrait 16 000 tonnes de CO2 par an avec ses quatre moteurs consommant chacun 657 litres par heure, selon les données du constructeur. Le milliardaire Français se classait quatrième dans un classement des milliardaires les plus pollueurs établis par le média en ligne indépendant « The Conversation » en 2021.

En conséquence, il importe de désinciter à l’usage des yachts via l’instauration d’une taxation sur l’utilisation des yachts en fonction des émissions de gaz à effet de serre de ces embarcations, à partir du moment où elles traversent l’espace maritime français, qu’elles s’amarrent ou non dans un de ses ports ou qu’elles soient immatriculées en France ou non.

Le tarif de la taxe est calqué sur le tarif de la taxe carbone, et les navires concernés sont ceux dits « de grande plaisance » tels que définis par l’article L. 423‑25 du code des impositions sur les biens et services. Sont exclus du dispositif les navires concourant aux services publics et les bâtiments militaires. Sont également exemptés les navires de transport de marchandises. Enfin, les engins flottants réalisant des missions temporaires de sauvetage en mer ou de lutte contre les incendies notamment, sont exemptés pour le déplacement s’effectuant dans ce cadre.

Si la taxation des yachts est avant tout à visée écologique, il s’agit également d’une question de justice fiscale et sociale. Comment faire accepter en effet aux Françaises et aux Français la sobriété nécessaire dans le cadre de la transition énergétique, pendant qu’en parallèle, une vie d’efforts d’un Français moyen peut être effacée par un trajet en yacht de moins d’une heure ? Cette préoccupation de justice sociale a été en particulier soulevée par l’OCDE dans deux recommandations (les n° 2 et 3) qu’elle a soumises aux États pour réussir à rendre acceptables les politiques écologiques : https ://www.oecd.org/climate‑change/international‑attitudes‑toward‑climate‑policies/

L’objectif visé par la présente proposition de loi est de renforcer la prise de conscience quant à l’importance pour chacune et chacun de réduire son empreinte carbone, à la nécessaire sortie des énergies fossiles et au recours indispensable à des moyens de transport alternatifs moins polluants. Alors que l’ensemble des Françaises et des Français doit respecter les Zones à Faibles Émissions (ZFE) afin de lutter contre la pollution émise par le trafic routier, il importe que les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre soient également mis à contribution.

L’effort collectif à mettre en place pour respecter nos objectifs de neutralité carbone ne peut plus épargner le monde de la navigation privée qui utilise des embarcations de luxe à forte puissance propulsive. Celuici doit donc se soumettre aux mêmes exigences que le reste de la population ou a minima contribuer à décarboner le reste du réseau de transports, ce que cette taxe vise à instaurer. En ce sens, cette proposition de loi permet de lever, pour les yachts, le moratoire sur la taxe carbone décidé à la fin de l’année 2018.

L’article 1er instaure ainsi une taxe sur l’utilisation des yachts d’une longueur de coque supérieure ou égale à 20 mètres et d’une puissance propulsive nette maximale supérieure ou égale à 750 kilowatts en fonction des émissions de dioxyde de carbone.

L’article 2 quant à lui prévoit l’affectation du produit de cette taxe vers le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL). Établissement public d’État placé sous la tutelle du ministère chargé de l’Environnement, le CELRL porte des stratégies foncières pour préserver les espaces naturels littoraux.


proposition de loi

Article 1er

Le paragraphe 2 de la sous‑section 3 de la section 2 du chapitre III du titre II du livre IV du code des impositions pour les biens et services est ainsi modifié :

1° L’article L. 423‑22 est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Un terme déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 423‑25‑1. » ;

2° Il est ajouté un article L. 423‑25‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 423‑25‑1  La présence dans les espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française d’un engin flottant privé armé pour la navigation maritime à usage professionnel ou personnel hors transport de marchandises est soumise à une taxe supplémentaire en fonction des émissions de dioxyde de carbone lorsque l’engin flottant armé est d’une longueur de coque supérieure ou égale à vingt mètres et d’une puissance propulsive nette maximale supérieure ou égale à 750 kilowatts. Le tarif de la taxe est initialement fixé à 100 euros par tonne émise. Il est révisé annuellement par décret en fonction de la variation de l’indice moyen annuel des prix à la consommation hors tabac et des objectifs de lutte contre le dérèglement climatique.

« Sont exonérés les trajets effectués par les engins flottants d’État ou militaires, affectés à un service public, ainsi que ceux effectués dans le cadre d’une mission de service public, de recherche, de sauvetage, de sécurité civile, de lutte contre les incendies, sanitaire, médicale, d’instruction ou d’essai. »

Article 2

Après la première ligne du tableau du second alinéa du I de l’article 46 de la loi n° 2011‑1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, est insérée une ligne ainsi rédigée :

  

« 

Article L. 422‑24‑1

Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL)

15 000

 »