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N° 1251

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mai 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à conférer une reconnaissance du vote blanc lors de l’élection
des députés, des sénateurs, des conseillers régionaux, des conseillers départementaux, des conseillers métropolitains de Lyon, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et lors d’un référendum,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Stéphane VIRY, Justine GRUET, Christelle D’INTORNI, Josiane CORNELOUP, Véronique LOUWAGIE, Nicolas RAY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le suffrage universel est un fondement essentiel de notre démocratie, comme le dispose notre Constitution. « Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » (article 2). « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum […] Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. » (article 3).

Notre Constitution, depuis sa création, dans la partie concernée par l’élection du président de la République, a été modifiée et ces quelques modifications ont suivi les évolutions sociétales dans une démocratie qui se veut et qui doit être saine. Les avancées les plus significatives sous la Ve République sont les modifications de la Constitution qui rejoignent les nécessités démocratiques exprimées par les citoyens. Ainsi, depuis la révision constitutionnelle du 6 novembre 1962, le chef de l’État est élu au suffrage universel direct et non plus, comme initialement en 1958, par un collège de grands électeurs. En l’an 2000, le mandat présidentiel est passé de sept à cinq ans.

Selon l’article 7 de la Constitution, « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Si cette majorité n’est obtenue par aucun candidat à l’issue du premier tour, il est procédé à un second tour.

Aussi, lors des dernières élections nationales principalement, mais également locales, les électeurs ont indiqué reconnaître les limites considérables de ce suffrage et des outils électoraux pour exprimer pleinement leur opinion.

Un socle électoral solide, issu de scrutins marqués par une forte participation des électeurs inscrits, a longtemps assuré un fonctionnement stable de nos institutions. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, car la faible participation aux différents scrutins porte atteinte à la légitimité des élus. En effet, depuis plusieurs décennies nous assistons à une augmentation massive de l’abstention, toutes élections confondues. Lors de la présidentielle de 2022, l’abstention était de 28,01 % au 2nd tour, alors qu’elle était de 25,44 % en 2017, de 19,65 % en 2012 ou bien encore de 16,03 % en 2007. Un triste record depuis 1969…

Ainsi, force est de constater que notre modèle démocratique est en danger. Le peuple signifie qu’il n’a plus ni la voix pour se révolter démocratiquement, ni le pouvoir suffisant pour changer fondamentalement le cours de notre histoire. Pour lutter contre l’abstention, plusieurs solutions ont été proposées. Parmi elles, le changement du mode de scrutin, avec une meilleure représentativité des diverses opinions et la reconnaissance effective du vote blanc.

Le contexte électoral a changé ces dernières années, rendant urgente et impérative la reconnaissance du vote blanc, et sa prise en compte au titre de suffrage exprimé.

En effet, le vote blanc répond, en partie, à une réelle attente démocratique. Il se différencie de l’abstention dans la mesure où l’électeur énonce expressément son opposition aux programmes et/ou aux candidats à cette élection.

Déjà en 1998, le Sénateur Bernard Joly avait déposé une proposition de loi visant à conférer une plus forte reconnaissance au vote blanc. Il estimait que « Les recherches effectuées sur le vote blanc prouvent que si la tentation de l’utiliser n’est pas un fait récent, en revanche, l’idée de mieux reconnaître sa place dans les mécanismes électoraux connaît un regain d’actualité. » Tel est encore le cas en 2023.

La loi du 21 février 2014 a toutefois apporté des modifications à l’article L. 65 du code électoral en disposant que : « les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procèsverbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins ». Ainsi le vote blanc est seulement comptabilisé à part mais il n’est pas pris en compte dans les suffrages exprimés. Pourtant, au 2nd tour de la présidentielle en 2022, 2 233 904 votes blancs (soit 6,37 % des votants) ont été comptabilisés. En 2017, 3 021 499 votes blancs (soit 8,52 % des votants) ont été comptabilisés.

Par la prise en compte du vote blanc dans les suffrages exprimés dans le cadre de l’élection des députés, des sénateurs, des conseillers régionaux, des conseillers départementaux, des conseillers métropolitains de Lyon, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et lors d’un référendum, cette proposition de loi permettra de donner toute sa dimension au droit de vote.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

proposition de loi

Article 1er

Les troisièmes et quatrième phrases du troisième alinéa de l’article L. 65 du code électoral sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« Les bulletins blancs sont décomptés séparément, entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés et il en fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. »

Article 2

Après le premier alinéa de l’article L. 58 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce dernier dépose également des bulletins blancs en proportion des électeurs régulièrement inscrits sur les listes. »

Article 3

L’article L. 56 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigés :

« Si le nombre de bulletins blancs décompté représente plus de 50 % des suffrages exprimés, le représentant de l’État dans le département prononce l’invalidation de l’élection. Un nouveau scrutin est organisé vingt jours au moins et trente‑cinq jours au plus après l’invalidation. À l’issue de ce nouveau scrutin, il ne peut être organisé un nouveau scrutin pour le même motif que celui présenté à cet alinéa. »

Article 4

Le premier alinéa de l’article L. 558‑44 du code électoral est complété par les mots :

« , le référendum n’étant adopté que si le nombre de bulletins « oui » est supérieur à celui des bulletins « non » et « blancs ». »

Article 5

À la fin du premier alinéa de l’article L. 294 du code électoral, sont insérées quatre phrases ainsi rédigées :

« Les bulletins blancs sont décomptés séparément, entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés et il en fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Si le nombre de bulletins blancs décompté représente plus de 50 % des suffrages exprimés, le représentant de l’État dans le département prononce l’invalidation de l’élection. Un nouveau scrutin est organisé vingt jours au moins et trente‑cinq jours au plus après l’invalidation. À l’issue de ce nouveau scrutin, il ne peut être organisé un nouveau scrutin pour le même motif que celui présenté à cet alinéa. »

Article 6

À la fin du premier alinéa de l’article L. 338 du code électoral, sont insérées quatre phrases ainsi rédigées :

« Les bulletins blancs sont décomptés séparément, entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés et il en fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Si le nombre de bulletins blancs décompté représente plus de 50 % des suffrages exprimés, le représentant de l’État dans le département prononce l’invalidation de l’élection. Un nouveau scrutin est organisé vingt jours au moins et trente‑cinq jours au plus après l’invalidation. À l’issue de ce nouveau scrutin, il ne peut être organisé un nouveau scrutin pour le même motif que celui présenté à cet alinéa. »

Article 7

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.