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N° 1254

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mai 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à rétablir la justice fiscale des territoires
et à garantir l’autonomie des communes,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

PierreHenri DUMONT, Stéphane VIRY, Philippe JUVIN, Francis DUBOIS, Isabelle VALENTIN, Jean-Luc BOURGEAUX,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’article 16 de la loi de finances pour 2020 (LF 2020) a instauré la suppression de la taxe d’habitation pour 2020 sur les résidences principales. Cette suppression, amorcée par la loi de finances pour 2018, s’étale, progressivement, jusqu’à 2023.

Si cette mesure représente une baisse de prélèvements obligatoires de l’ordre de 18,5 milliards d’euros pour les ménages, elle s’est concomitamment accompagnée d’une baisse significative des recettes pour les collectivités locales (Rapport économique, social et financier, annexe au projet de loi de finances pour 2022, octobre 2021).

En guise de compensation en faveur des communes, la loi de finances de 2020 a initié, depuis 2021, le transfert de la part de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) perçue par les départements vers les municipalités. Autrement dit, chaque commune perçoit désormais les recettes de TFPB que son département prélevait sur les locaux du territoire communal. Quant aux EPCI qui perdent aussi leur taxe d’habitation, mais aussi aux départements qui perdent leurs recettes de TFPB, une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) leur est allouée. Pour chaque EPCI et chaque département, cette fraction est déterminée de sorte qu’elle corresponde aux recettes fiscales perdues. Les EPCI et départements reçoivent désormais chaque année cette fraction appliquée aux recettes nationales de TVA.

Concernant la compensation des communes, un simple transfert de la TFPB des départements vers les municipalités engendre des effets redistributifs importants : dans certaines communes, la TFPB perçue par le département sur le territoire communal était supérieure à la perte municipale de recettes correspondant à la taxe d’habitation, alors qu’elle était inférieure pour d’autres. Ainsi, la LF 2020 a créé un mécanisme dit de « coefficient correcteur » visant à corriger ces déséquilibres : les communes « excédentaires » versent ces excédents à un fonds, afin de combler les déficits des autres communes. En cas d’excédents inférieurs aux déficits, l’État compense la différence.

Si ce mécanisme de coefficient correcteur a pour objectif de pallier les déséquilibres financiers des collectivités, il n’en est pas de même pour les propriétaires qui, eux, subissent de plein fouet l’explosion du montant de la taxe foncière (TF) quand les locataires, eux, ne sont même plus assujettis à aucune taxe locale.

Dès lors, on assiste à une véritable injustice devant l’impôt entre propriétaires et locataires.

En effet, depuis la réforme, une minorité de citoyens propriétaires se trouve sur‑sollicitée tandis que les locataires deviennent malgré eux des passagers clandestins dans le financement des services publics locaux

Cette inégalité fiscale peut s’accentuer de façon significative, surtout si les communes sont amenées à voter, en parallèle de l’augmentation des bases imposables, des hausses de taux.

La disparition progressive de la taxe d’habitation engendre ainsi d’importantes implications sur la structure des finances publiques locales françaises. Elle implique qu’un ménage résidant dans une commune en tant que locataire ne paie plus de taxe locale pour le financement des biens et des services publics locaux, alors qu’il bénéficie de ces derniers. Or, ce sont les propriétaires, qui, via la TF, supportent seuls la contribution au financement des services publics locaux.

Si d’une part le principe d’égalité devant la loi fiscale (article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme de1789), et d’autre part le principe d’égalité devant les charges publiques (article 13 de la même déclaration) ne font pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l’objet de solutions différentes, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives (c’est à dire les règles d’assiette), en fondant son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose.

Cependant, cette appréciation ne doit pas entraîner une rupture d’égalité devant les charges publiques, notamment entre propriétaires et locataires, ces derniers se retrouvant dans une situation bien plus favorable depuis la disparition de la taxe d’habitation.

Dans le cadre son observatoire annuel des taxes foncières, l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) chiffre à 4,7 % en moyenne la progression en 2022 la taxe foncière dans les 200 plus grandes villes de France. Dans certaines communes, la progression annuelle dépasse les 15 %, comme à Poissy (+23,9 %), Mantes‑la‑Jolie (+22,2 %), Martigues (+19 %), Bagnolet (18,6 %) ou encore Marseille (+16,3 %) et les taux appliqués par les collectivités ont progressé en moyenne de 1,3 % en 2022 et de 11,3 % sur les 10 dernières années.

Or, par un mécanisme de sur‑taxation, l’effet de ces revalorisations est décuplé. Sur le montant brut de la taxe foncière, l’État applique un prélèvement de 3 % au titre des frais de gestion pour sa mission de calcul et de recouvrement des taxes foncières.

En effet, la taxe foncière ne représente pas la même part dans les recettes globales de chaque commune. Cette dernière ne dépasse pas 30 % des recettes totales dans plus de la moitié des villes. Par exemple, dans la commune d’Argenteuil (110 766 habitants, Île-de-France), cet impôt représente 23,57 % des recettes de la ville, contre 51 % pour Marignac (496 habitants, Occitanie).

Le problème est particulièrement marqué dans les villes de plus de 100 000 habitants. 24 villes comptent 30 à 40 % de propriétaires dans leurs résidences principales et 8 entre 20 à 30 %. Par exemple, Nantes (319 284 habitants, Loire Atlantique) est composée de 37 % de propriétaires dans ses résidences principales et 61 % locataires tandis que Strasbourg (287 532 habitants, Bas‑Rhin) atteint 27 % de propriétaires contre 70 % locataires.

Selon l’étude annuelle du cabinet Finances et Stratégies Locales (FSL), les grandes villes et leurs groupements à fiscalité propre ont fait progresser, en moyenne, le taux des taxes foncières, bâti et non bâti, de +1,9 % en 2022. Il s’agit de la plus forte augmentation observée depuis 2010, note le cabinet FSL. L’étude souligne que plus d’un quart des grandes villes et de leurs groupements ont augmenté leur taux de fiscalité en 2022.

Parmi les grandes villes, Marseille remporte la palme de la hausse la plus importante, avec +13,1 %. Tours, Strasbourg, Nantes et Montreuil connaissent également de fortes progressions, respectivement de 11,6 %, 8,9 %, 7,8 % et 7,4 %. D’autres communes affichent des bonds importants des taux de cet impôt calculé à partir de la valeur locative du bien, à laquelle est appliqué ensuite un abattement de 50 % pour tenir compte des frais supportés par les propriétaires.

D’ailleurs, les élus locaux s’inquiètent de la rupture du lien fiscal entre toute une catégorie de population et leur commune depuis le transfert du foncier bâti des départements aux communes après la disparition de la taxe d’habitation. L’effort inédit depuis au moins 30 ans – +7,1 % en 2023 après +3,4 % en 2022 – repose quasi exclusivement sur les propriétaires. Or, dans certaines collectivités, ils ne représentent qu’une part minoritaire de contribuables.

L’inflation a aussi un effet direct sur la taxe foncière au travers des valeurs locatives. Ces dernières, sortes de loyers théoriques que les propriétaires pourraient appliquer s’ils louaient leurs biens, composent la somme de base sur laquelle sont assis les différents prélèvements évoqués. Or, ces valeurs locatives sont revalorisées chaque année en fonction de l’indice des prix à la consommation harmonisée. Les propriétaires subissent, de fait, non seulement une hausse drastique des valeurs locatives du fait de de la hausse de l’indice mais aussi une explosion de la taxe foncière, dont la base a augmenté de 7 % partout en France en 2023.

Là où le bât blesse est que les propriétaires sont ainsi appelés à financer l’intégralité des services des communes et des agglomérations que les locataires réclament avec d’autant plus de vigueur qu’ils n’en assument plus les charges. Il existe donc une rupture d’égalité devant les charges publiques entre les locataires et les propriétaires et le dispositif actuel va ainsi à l’encontre du consentement à l’impôt, rompant ainsi avec le Pacte de la nation.

C’est aussi un signal catastrophique envoyé à ceux qui s’endettent sur des dizaines d’années pour pouvoir s’acheter un bien immobilier, sur‑taxant la propriété bâtie et donc la constitution d’un patrimoine pour ses enfants, allant à l’encontre d’une « France des propriétaires » que nombre de citoyens appellent de leurs vœux.

Ainsi, la CFSPL (Contribution Financière aux Services Publics Locaux) ou « impôt locataire » vise à rétablir la justice fiscale entre propriétaires et locataires et à garantir, de fait, l’autonomie des communes dans le financement des services publics (article 1 à 2).

Il redonne aux mairies une ressource propre permettant de financer les infrastructures et les services publics accompagnant la hausse de la population.

La création de cet « impôt locataire » constitue ainsi un levier supplémentaire de financement pour les communes.

En effet, il est indispensable de créer une taxe visant à financer les services publics locaux, à destination des locataires de biens à usage d’habitation.

Au niveau du calcul de la CFSPL dite « impôt locataire », elle est payée chaque année par les redevables qui sont locataires au 1er janvier de l’année d’imposition. Elle est calculée par l’administration fiscale à partir de trois éléments (article 3) :

 La valeur locative cadastrale de la propriété

 Le coefficient de revalorisation des valeurs locatives : il est voté chaque année par le Gouvernement lors du vote de la loi de finances.

 Le taux d’imposition voté par les collectivités locales : chaque année, les communes votent leur taux applicable pour le paiement de la CFSPL.

Par ailleurs, la taxe GEMAPI est supportée par les personnes physiques et morales assujetties à TFPB, à la TFPNB, à la CFE mais également par les contribuables qui restent assujettis à la TH et à la taxe sur les résidences secondaires.

Aussi, afin de renforcer le budget des communes, il apparaît essentiel d’ouvrir la taxe Gemapi aux locataires des biens à usage d’habitation (article 4).

Enfin, les dispositions de la présente proposition de loi visent seulement les locataires de propriétés bâties à usage d’habitation et non les propriétaires qui pourraient, par ailleurs, être à la fois locataires et propriétaires.

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Après le 4° du I de l’article 1379 du code général des impôts, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis La contribution financière aux services publics locaux visée à l’article 1414 E ».

Article 2

Le IV de la section III du chapitre premier de la deuxième partie du code général des impôts est complétée par un article 1414 E ainsi rédigé :

« Art. 1414 E. – La contribution financière aux services publics locaux est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à usage d’habitation à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code et à l’exception des propriétaires de surfaces bâties à usage d’habitation.

« Cette contribution est calculée d’après la valeur locative cadastrale des locaux à usage d’habitation conformément à l’article 1494 du code général des impôts ».

Article 3

Le taux de la contribution financière aux services publics est voté par les communes dans les mêmes conditions que celles posées par l’article 1636 B sexies du code général des impôts.

Article 4

Les locataires de propriétés bâties à usage d’habitation sont soumis à la taxe définie par l’article 1530 bis du code général des impôts, au même titre que les personnes physiques et morales assujetties à la taxe foncière sur les propriétés bâties, à la taxe foncière sur les propriétés non bâties et à la cotisation foncière des entreprises mais également les contribuables qui restent assujettis à la taxe d’habitation et à la taxe sur les résidences secondaires.

Sont exclus de la contribution financière aux services publics locaux les propriétaires de surfaces bâties à usage d’habitation.