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N° 1373

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

instaurant l’infraction d’homicide routier
et modifiant les peines pour diverses infractions routières,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Anne BRUGNERA, Bruno STUDER, Christophe MARION, Charles SITZENSTUHL, Laurence CRISTOL, Philippe FAIT, Damien ABAD, Sandrine LE FEUR, Stéphane TRAVERT, Béatrice PIRON, Lysiane MÉTAYER, Didier LE GAC, Christine DECODTS, Danielle BRULEBOIS, Fanta BERETE, Sandrine JOSSO, Bertrand SORRE, Mathieu LEFÈVRE, Servane HUGUES, Robin REDA, Perrine GOULET, Maud PETIT, Lionel ROYERPERREAUT, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, Cécile RILHAC, Paul CHRISTOPHE, Frédéric ZGAINSKI, Nicolas METZDORF, Mathilde DESJONQUÈRES, Laurence HEYDEL GRILLERE, Pascale BOYER, JeanMarc ZULESI, Philippe DUNOYER, Violette SPILLEBOUT, Barbara POMPILI, Philippe PRADAL, Graziella MELCHIOR, Hadrien GHOMI, Rémy REBEYROTTE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2022, 3 541 personnes ont trouvé la mort dans un accident de la route dans notre pays. Dans le même temps, environ 16 000 ont été blessées gravement. Dans 92 % des accidents mortels, le facteur déclenchant est un facteur humain et les conduites dangereuses sont à l’origine de très nombreux accidents. Ainsi, selon l’ONISR, en 2021, 30 % des accidents mortels ont eu pour cause une vitesse excessive, 22 % l’alcool et 13 % la consommation de stupéfiants.

Nous ne pouvons nous résoudre à ce triste bilan, qui place la France, avec un taux de 49 décès pour un million d’habitants, parmi les mauvais élèves au niveau européen. L’accidentologie routière peut baisser à condition de s’attaquer aux comportements de violence routière à l’origine de nombreux accidents.

Cette proposition de loi vise ainsi à instaurer une infraction spécifique, distincte de l’homicide involontaire, pour caractériser l’homicide causée par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur dans certaines circonstances (vitesse excessive, conduite sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants, conduite sans permis, délit de fuite, autre violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité) telles que la mise en danger de la vie d’autrui apparaît comme délibérée.

Dans de telles circonstances, la qualification d’homicide involontaire semble inadaptée. Elle est de plus mal vécue par les victimes et familles de victime, qui demande de longue date la création d’une infraction spécifique.

Cette création est en premier lieu symbolique. Elle vise à responsabiliser les auteurs et à affirmer la gravité du comportement à l’origine de l’accident. Au‑delà de cette dimension symbolique, la proposition de loi vise également à alourdir les peines encourues, notamment en criminalisant les cas les plus graves.

L’article 1er de la proposition de loi instaure l’infraction spécifique d’homicide routier. Pour ce faire, il crée un article additionnel dans le code pénal, l’article 221‑6‑1‑1. Les circonstances qui déterminent la qualification d’homicide routier sont les circonstances aggravantes figurant dans l’actuel article 221‑6‑1, auxquelles s’ajoute le port du téléphone portable tenu en main ou l’usage d’écouteurs.

L’article alourdit également l’échelle des peines. L’homicide routier est ainsi puni de dix d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende (contre sept ans et 100 000 euros d’amende pour un homicide involontaire avec une circonstance aggravante). Lorsque deux circonstances aggravantes sont retenues, l’homicide routier est reconnu comme crime, et la peine encourue est désormais de quinze ans de réclusion criminelle et 200 000 euros d’amende, contre dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende précédemment.

En l’absence de circonstance aggravante, la qualification reste celle d’homicide involontaire et les peines encourues ne varient pas.

Par soucis de cohérence, l’article 1er inscrit également dans les articles relatifs aux atteintes involontaires à l’intégrité de la personne l’ajout de la circonstance aggravante relative au téléphone portable.

L’article 2 est la conséquence de la création d’un nouvel article dans le code pénal. Il s’agit d’une mise en cohérence des articles qui mentionnent l’actuel article 221‑6‑1 en ajoutant, ou en lui substituant la mention au nouvel article 221‑6‑1‑1.

L’article 3 vise à corriger une incohérence du code pénal. En cas d’atteinte contre un autre usager de la route, le juge pénal peut prononcer une peine complémentaire de suspension ou d’annulation du permis de conduire. Or en l’état actuel du droit, la durée de suspension du permis de conduire est la même qu’il s’agisse de faits volontaires ou involontaires, voire plus importante en cas d’atteinte involontaire avec circonstances aggravantes. Pour mettre fin à cette situation, l’article 3 de la présente proposition de loi modifie donc les peines complémentaires prévues par l’article 222‑44 du code pénal en introduisant dans les alinéas relatifs à la suspension et à l’annulation du permis de conduire une modulation des peines selon que les atteintes possèdent un caractère volontaire ou involontaire.

Tel est l’objet de cette proposition de loi.

 


proposition de loi

Article 1er

Le titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° Les huit derniers alinéas de l’article 221‑6‑1 sont supprimés ;

2° Après le même article 221‑6‑1, il est inséré un article 221‑6‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. 221611 – Le fait, pour le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121‑3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide routier puni de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, lorsque :

« 1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci‑après ; 

« 2° Le conducteur se trouvait en état d’ivresse manifeste ou était sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de la route, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ce code et destinées à établir l’existence d’un état alcoolique ; 

« 3° Il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le code de la route destinées à établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ; 

« 4° Le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ; 

« 5° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h ; 

« 6° Le conducteur, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, ne s’est pas arrêté et a tenté ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut encourir ;

« 7° Le conducteur a contrevenu aux dispositions du code de la route réglementant l’usage du téléphone portable tenu en main ou du port à l’oreille de tout dispositif susceptible d’émettre du son par le conducteur d’un véhicule en circulation, à l’exception des appareils électroniques correcteurs de surdité.

« Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et 200 000 euros d’amende lorsque l’homicide routier a été commis avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° à 7° du présent article. » ;

3° Après le 6° de l’article 222‑19‑1, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Le conducteur a contrevenu aux dispositions du code de la route réglementant l’usage du téléphone portable tenu en main ou du port à l’oreille de tout dispositif susceptible d’émettre du son par le conducteur d’un véhicule en circulation, à l’exception des appareils électroniques correcteurs de surdité. » ;

4° Après le 6° de l’article 222‑20‑1, est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Le conducteur a contrevenu aux dispositions du code de la route réglementant l’usage du téléphone portable tenu en main ou du port à l’oreille de tout dispositif susceptible d’émettre du son par le conducteur d’un véhicule en circulation, à l’exception des appareils électroniques correcteurs de surdité. »

Article 2

I. – Le neuvième alinéa de l’article 1018 A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le mot : « route », sont insérés les mots : « , de l’article 221‑6‑1‑1 du code pénal » ;

2° La référence : « 221‑6‑1 » est supprimée.

II. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° À l’avant‑dernier alinéa de l’article 131‑22, après la référence : « 221‑6‑1, », est insérée la référence : « 221‑6‑1‑1, » ;

2° Au premier alinéa de l’article 132‑16‑2, après la référence : « 221‑6‑1, », est insérée la référence : « 221‑6‑1‑1, » ;

3° Au 3° du I de l’article 221‑8, les mots : « les cas prévus par les 1° à 6° et le dernier alinéa de l’article 221‑6‑1 » sont remplacés par les mots : « à l’article 221‑6‑1‑1 » ;

4° Au second alinéa de l’article 434‑10, après la référence : « 221‑6‑1, », est insérée la référence : « 221‑6‑1‑1, ».

III. – À l’article 706‑176 du code de procédure pénale, après la référence : « 221‑6‑1, » est ajoutée la référence : « 221‑6‑1‑1, ».

IV. – Le code de la route est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 123‑2, après la référence : « 221‑6‑1, », est insérée la référence : « 221‑6‑1‑1, » ;

2° À l’article L. 224‑14, après la référence : « 221‑6‑1, », est insérée la référence : « 221‑6‑1‑1, » ;

3° Au troisième alinéa de l’article L. 231‑1, après la référence : « 221‑6‑1 », est insérée la référence : « 221‑6‑1‑1 » ;

4° À l’article L. 232‑3, après la référence : « 221‑6‑1, », est insérée la référence : « 221‑6‑1‑1, ».

V. – Au 3° de l’article L. 4271‑4 du code des transports, après la référence : « 221‑6‑1, » est ajoutée la référence : « 221‑6‑1‑1 ».

Article 3

Le I de l’article 222‑44 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au 3°, les mots : « pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire » sont remplacés par les mots : « du permis de conduire, pour une durée de cinq ans au plus en cas d’atteinte involontaire, pour une durée de dix ans au plus en cas d’atteinte volontaire » ;

2° Le 4° est complété par les mots : « en cas d’atteinte involontaire, pendant dix ans au plus en cas d’atteinte volontaire. »