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N° 1385

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à une meilleure répartition des richesses créées
dans les entreprises et à la hausse des salaires,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Matthias TAVEL, Hadrien CLOUET, Aurélie TROUVÉ, Marianne MAXIMI, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Mickaël BOULOUX, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Andrée TAURINYA, Paul VANNIER, Léo WALTER,

député·e·s.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Qu’est‑ce qui peut justifier qu’un PDG gagne plus de 1 000 fois le salaire moyen de son entreprise ? Rien. C’est pourtant la situation au sein de la société Stellantis, où le directeur exécutif Carlos Tavares gagne près de 1 200 fois le salaire moyen. Cet écart culmine chez la société Téléperformance, où le PDG Daniel Julien gagne presque 1 500 fois le salaire moyen. Les écarts de rémunération dans ces entreprises n’ont cessé de s’accélérer. Au sein du CAC 40, l’écart de rémunération entre celle du dirigeant et le salaire moyen de la même entreprise a augmenté de 75 % en 10 ans.

Selon les chiffres de l’ONG Oxfam, en 10 ans, la part dédiée à la rémunération du travail dans la richesse produite par les entreprises du CAC 40 s’est effondrée de 10 points, passant de 58 % à 48 %. Ce déplacement se traduit par plus de 48 milliards d’euros qui ont été alloués au capital plutôt qu’au travail, et qui correspondent à un manque à gagner de 10 472 euros en moyenne par salarié·e. Durant la même période, la rémunération des PDG du CAC 40, fortement indexée sur celle du capital, a augmenté de 90 %. Elle représente désormais 423 fois le Smic en moyenne.

En bas de l’échelle, les salarié·es voient leur pouvoir d’achat reculer sous le coup de l’inflation. 42 % des Français·es au Smic disaient avoir renoncé à un repas selon une étude IFOP de mars 2023 ; 79 % avaient réduit leurs achats alimentaires. Selon les données publiées par la Direction de l’animation de la recherche et des études statistiques (Dares), les salaires ont progressé deux fois moins vite que les prix en 2022 et l’Insee anticipe que les salaires réels continueront à baisser, avec une diminution de 2,8 % du salaire moyen réel par tête entre l’été 2022 et l’été 2023. 82 % des Français·es se déclarent incapables d’épargner à la fin du mois, tandis que 79 % déclarent devoir « se serrer la ceinture ». Si le Smic a augmenté automatiquement pour rattraper avec retard l’inflation, aucun coup de pouce gouvernemental n’a eu lieu. Les autres salaires augmentent, eux, moins vite que l’inflation et sont rattrapés par le Smic faute d’indexation automatique. Le travail ne protège plus de la pauvreté puisque le pays compte 1,2 million de travailleur·ses pauvres.

Pourtant ce n’est pas la crise pour tout le monde. Chez Total, la rémunération du PDG a augmenté de 23 % en 2022 alors que la direction et le gouvernement refusaient une hausse de 10 % pour les salarié·es en grève. Les dividendes continuent de couler à flots, la France étant championne d’Europe en la matière. L’argent existerait pour les actionnaires mais pas pour les salaires ? Cette situation doit cesser. L’heure est à un autre partage des richesses produites au profit des seuls producteurs de ces richesses que sont les salarié·es, et ainsi attaquer les inégalités à la source.

Car l’échelle des revenus dans la société est un choix politique d’équité et de justice. La démesure dans les écarts de rémunérations brise le contrat social, selon lequel chacun·e doit bénéficier des possibilités égales et d’une reconnaissance équitable de sa contribution à la société. Elle dégrade la cohésion sociale et exacerbe les tensions, à rebours des principes d’unité et de solidarité qui devraient orienter l’ensemble de l’action publique. Les inégalités de rémunération fragilisent l’adhésion au pacte démocratique, miné par la fragmentation sociale, la confiscation du pouvoir économique et politique par une minorité, la perte de confiance et le désengagement civique.

La répartition inégale des richesses nuit enfin au développement économique : elle contracte la demande de biens et de services et freine la productivité. Quand nombreux sont celles et ceux qui manquent de tout, une poignée de favorisés se constitue une épargne inemployée, des situations d’accaparement et de rente, et contribue au gaspillage des ressources.

Polarisation sociale, affaissement démocratique, non‑sens économique : les raisons qui devraient pousser à encadrer les inégalités de rémunérations sont nombreuses. L’inaction reste pourtant la règle, au‑delà des constats éplorés. « Ce sont les actionnaires qui décident (…) ce n’est pas l’État qui peut le faire » tentait de justifier Emmanuel Macron auprès d’un citoyen qui l’interpellait sur ce sujet, après lui avoir pourtant assuré que « ça choque tout le monde, moi aussi ça me choque ». Pourtant, aucune disposition légale n’empêche explicitement l’introduction de règles encadrant la fixation des rémunérations ; le droit établit même un certain nombre de principes qui pourraient le justifier.

C’est pourquoi cette proposition de loi vise à rendre possible et effective une meilleure répartition de la richesse produite chaque année. Car il est possible à la fois d’agir sur les bas salaires, tout en encadrant et limitant les facteurs de formation des hautes rémunérations.

Les très hautes rémunérations méritent une attention particulière, car trois composantes les constituent : le salaire, les actions gratuites dites « de performance », et les dividendes touchés du fait de la possession de ces dernières.

Le salaire déjà démesuré des dirigeants du CAC 40 – entre 3 et 4 millions d’euros en moyenne – ne représente bien souvent plus qu’une partie minoritaire de leur rémunération. En 2021, la valeur des actions gratuites touchées par le PDG de Dassault Systèmes, Bernard Charles, dépassait 40 millions d’euros ; celles du directeur exécutif de Stellantis, Carlos Tavares, dépassaient 57 millions d’euros. En ce qui concerne les dividendes, ceux touchés par Bernard Arnault au titre de ses actions détenues dans LVMH avoisinaient les 10 millions d’euros.

Au total, Carlos Tavares touchait ainsi une rémunération annuelle de plus de 67 millions d’euros. 2 795 fois le salaire médian, 4 570 fois le Smic. Un smic gagné en deux heures.

La réduction des inégalités de rémunération n’a jamais été plus urgente.

Plutôt qu’en tirer des leçons, en guise de solution pour les salarié·es, le gouvernement veut au contraire généraliser les dispositifs d’intéressement et de participation, qui permettent de distribuer du bénéfice aux salarié·es sous forme de primes, à l’image de la « prime Macron ». Ces primes sont par définition aléatoires : les chiffres démontrent que la « prime Macron » a profité à moins de 20 % des salarié·es pour un montant moyen de 806 euros. Pire encore, l’Insee estime que 30 % de ces primes ont été versées à la place d’augmentations de salaire pérennes. Les employeurs seront donc incités à rémunérer leurs salarié·es en primes plutôt qu’en salaire : entre juillet et décembre 2022, le gouvernement a donc empêché une augmentation durable des salaires de 1,2 milliard d’euros. Ces primes sont par ailleurs exonérées de cotisations sociales, n’ouvrant aucun droit au chômage ou à la retraite. Ces primes sont donc dangereuses pour les travailleur·euses mais également pour notre sécurité sociale, qui est financée par les cotisations. Alors que d’une main, le gouvernement tente de nous imposer une réforme des retraites injuste au prétexte d’un problème de financement, de l’autre, il s’apprête à couper durablement les vivres à la Sécurité sociale.

L’impôt, quant à lui, permet certes d’atténuer les effets de concentration de richesse, mais, même lorsqu’il est juste et progressif, il agit après que celle‑ci ait été répartie. Pour augmenter les salaires et non pas le nombre d’actionnaires, tout invite donc à agir de façon préventive, en amont de la distribution des revenus.

Cette proposition de loi vise un meilleur partage des richesses et une hausse globale des salaires, en agissant donc directement sur la formation et le versement des rémunérations. Couplé avec la mise à contribution des revenus du capital au financement de notre système social, cette proposition de loi permet également à préserver et même augmenter les ressources de l’État et de la Sécurité sociale.

Les réformes du premier quinquennat Macron ont mis à mal les droits et l’unité du monde du travail ; les cadres collectifs et la relation salariale y ont été systématiquement attaqués. Si cette proposition de loi se concentre sur la répartition des richesses entre capital et travail, elle n’épuisera donc pas le sujet du travail. Il s’agit d’une première contribution. Elle devra être enrichie d’autres travaux, notamment sur les moyens de faire reconnaître la présomption de salariat des travailleurs « ubérisés » par les plateformes, d’encadrer le recours à l’auto‑entreprenariat auxquels les travailleurs sont souvent contraints, de garantir l’égalité salariale femmes / hommes, et plus généralement de lutter contre les divisions et discriminations au sein du salariat.

Cette proposition de loi inscrit en son titre Ier les mesures portant sur l’augmentation du salaire minimum pour dynamiser la consommation populaire.

Elle propose par son article 1er l’augmentation immédiate du Smic à 1 600 euros net mensuels dès le 1er janvier 2024. Cet article prévoit également le recours à un mécanisme de péréquation inter‑entreprises pour aider les petites et moyennes entreprises à financer cette hausse des salaires.

De nombreuses branches professionnelles présentent aujourd’hui une grille salariale comportant au moins un coefficient inférieur au Smic en vigueur. Le dernier pointage du ministère du Travail, du Plein Emploi et de l’Insertion, le 26 septembre 2022, a établi que cela concernait 120 branches professionnelles sur les 171 suivies par le gouvernement. Si de nombreuses branches se sont engagées à négocier, le gouvernement ne fait rien pour accélérer le mouvement. C’est pourquoi l’article 2 prévoit l’ouverture systématique des négociations de branche à chaque revalorisation du Smic. Il rétablit, pour les conventions collectives, l’autorisation d’indexer les coefficients de rémunération sur l’évolution du SMIC, évitant ainsi le glissement des salaires conventionnels à des montants inférieurs.
Enfin, pour inciter les négociateurs sociaux réfractaires à la diffusion des hausses du Smic à l’ensemble de la branche, il prévoit la suppression de l’exonération de cotisations sociales pour les contrats de travail soumis à des accords de branches professionnelles dont la grille salariale présenterait des montants inférieurs au Smic. De plus, il instaure un moratoire sur les subventions publiques dont bénéficient les entreprises concernées.

Le salaire minimum des titulaires d’un contrat d’apprentissage ou d’un contrat professionnalisant n’a jamais été revalorisé autrement que par automaticité, parallèlement à l’augmentation du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Ces salariés précaires qui souffrent considérablement de la hausse des prix, sont parfois contraints d’abandonner leur formation. La rémunération des apprentis et alternants doit être revalorisée, c’est l’objet de l’article 3. Cet article prévoit également le recours au mécanisme de péréquation inter‑entreprises pour aider les petites et moyennes entreprises à financer cette hausse des salaires.

De manière similaire pour la fonction publique, l’article 4 prévoit la revalorisation immédiate de la valeur du point d’indice des fonctionnaires de 10 % dès le 1er janvier 2024.

En parallèle des mesures de soutien immédiates aux plus bas salaires, il est nécessaire pour garantir le maintien du pouvoir d’achat, d’augmenter les salaires à mesure de la hausse des prix. C’est pourquoi le titre II prévoit d’indexer les salaires sur l’inflation.

L’article 5 instaure un mécanisme dit « échelle mobile des salaires » dans le secteur privé. Ce mécanisme assure l’augmentation des salaires, à minima, en fonction de l’augmentation des prix. Cette mesure est indispensable pour endiguer la fragilisation de millions de familles en garantissant le maintien du pouvoir d’achat face à l’inflation, pour stimuler la demande de biens et de services, ainsi que pour préserver les TPE, PME et commerces de proximité. Ce mécanisme, actuellement appliqué en Belgique, a déjà été en vigueur en France entre 1952 et 1983. Cet article prévoit également le recours au mécanisme de péréquation inter‑entreprises pour aider les petites et moyennes entreprises à financer cette hausse des salaires.

L’article 6 instaure, de manière identique, une échelle mobile des rémunérations dans la fonction publique pour les fonctionnaires et les agents contractuels.

Dans son titre III, la proposition de loi prévoit les mécanismes permettant de réduire et d’encadrer les inégalités de salaires.

Pour ce faire, l’article 7 encadre les très hautes rémunérations dans les entreprises privées. Il permet que l’écart maximal entre le salaire le plus bas et le salaire le plus haut dans une même entreprise ne puisse dépasser un facteur 20. Il s’inspire ainsi des normes proposées par la Confédération européenne des syndicats. Grâce à ce mécanisme, une entreprise qui souhaiterait augmenter ses plus hautes rémunérations devra également augmenter ses plus basses rémunérations en proportion, pour que cet écart maximum soit respecté – contribuant ainsi à la hausse de l’ensemble des rémunérations. L’ensemble des rémunérations fixes, variables ou exceptionnelles sera pris en compte pour le calcul de ces rémunérations.

En complément, l’article 8 propose un mécanisme désincitatif afin que les entreprises réduisent les écarts excessifs de revenus en leur sein. Au sein d’une entreprise, les rémunérations supérieures à 12 fois la plus basse rémunération, et les cotisations qui y sont associées, ne sont plus déductibles du calcul de l’impôt sur les sociétés. L’entreprise aura ainsi un intérêt financier à augmenter ses rémunérations les plus faibles, ou à maîtriser ses rémunérations les plus élevées pour accroître le plafond de déductibilité. En effet, le coût de ces rémunérations excessives n’a pas à peser indirectement sur la collectivité. Enfin, une évaluation dans les trois années suivant l’adoption de cette loi permettra, le cas échéant, de moduler l’écart de rémunération établi comme seuil, afin que cette mesure contribue efficacement à la réduction des inégalités.

Pour prendre en compte toutes les composantes qui constituent désormais les hautes rémunérations (comme le versement d’actions gratuites et des dividendes qui leur sont liés), le titre IV propose des mesures permettant de privilégier le travail à la rente financière.

Pour ce faire, l’article 9 prévoit l’encadrement des versements de dividendes, pour assurer une répartition équitable entre salarié·es et actionnaires en cas de redistribution des bénéfices de l’entreprise. Ainsi la part des bénéfices versée en dividendes ne pourra pas être supérieure à celle versée aux salarié·es en primes d’intéressement et participation. Cet article prévoit également la suppression des dispositions permettant à une entreprise de solliciter des ressources financières en dehors des bénéfices redistribuables, de sorte qu’il ne soit plus possible qu’une entreprise s’endette pour le versement de dividendes aux actionnaires. Enfin, pour que les salaires ne soient pas la variable d’ajustement des bénéfices permettant le versement de dividendes, l’article prévoit que l’augmentation des dividendes ne peut être supérieure aux augmentations de salaires consenties sur la même période de temps. De la sorte, une entreprise qui souhaiterait augmenter les dividendes pour les actionnaires devra aussi augmenter les salaires pour ses salarié·es.

En complément, l’article 10 vise à inciter les entreprises à augmenter les salaires plutôt que d’autres formes de rémunération. Il prévoit ainsi de soumettre à cotisations sociales les dividendes, l’intéressement et la participation, et les plus‑values de levée‑vente d’actions, afin que ces dispositifs ne soient pas plus avantageux que le versement d’un salaire.

Enfin, l’article 11 interdit le versement de stock‑options et d’actions gratuites.

Le titre V propose les mesures de financement, compensation et gage

L’article 12 prévoit un mécanisme de péréquation inter‑entreprises pour aider les petites et moyennes entreprises à financer les hausses des salaires consécutives à la hausse du Smic, du salaire minimum pour les apprenti·es et les salarié·es en alternance, et de l’indexation des salaires sur l’inflation, prévus par la présente loi.

Les articles 13 et 14 rétablissent l’impôt sur la fortune et prévoient les gages de recettes et de charge afin d’assurer la recevabilité financière de la proposition de loi

 

 


proposition de loi

TITRE IER

AUGMENTER LE SALAIRE MINIMUM POUR DYNAMISER TOUS LES SALAIRES

Article 1er

I. – À compter du 1er janvier 2024, le montant du salaire minimum de croissance servant de référence pour le calcul de l’indexation prévue au présent article ne peut être inferieur à 2 050 euros brut mensuel.

II. – La caisse de péréquation inter‑entreprises instituée à l’article 12 de la présente loi garantit, pour chaque entreprise, la soutenabilité financière pour les associations employeuses, les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises de la hausse du salaire minimum de croissance prévue au I du présent article.

Article 2

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après le III de l’article L. 2261‑32, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis. – Un moratoire est prononcé, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, sur toutes les aides publiques pour les branches dont les minima conventionnels sont inférieurs au salaire minimum de croissance, après une période de six mois pour permettre aux branches professionnelles de se conformer. »

2° L’article L. 3231‑3 est abrogé ;

3° L’article L. 3231‑4 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« À chaque hausse du salaire minimum de croissance, les branches concernées ouvrent des négociations en vue de revaloriser les salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1° de l’article L. 2253‑1 du code du travail.

« Ces négociations s’assurent qu’aucun minimum de branche ne soit fixé en‑dessous du salaire minimum de croissance, hors primes versées par l’employeur. »

II. – L’article L. 241‑13 du code de la sécurité sociale est complété par un VIII ainsi rédigé :

« VIII. – Cette réduction n’est pas applicable pour les contrats de travail soumis à des accords de branches professionnelles dont la grille salariale présente, au terme d’une durée de six mois après la dernière revalorisation du salaire minimum de croissance, des montants inférieurs au salaire minimum de croissance. »

Article 3

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 6222‑29 est ainsi rédigé :

« Art. L. 622229.  Le salaire minimum perçu par l’apprenti prévu à l’article L. 6222‑27 pendant le contrat ou la période d’apprentissage est fixé :

« 1° Pour les jeunes âgés de seize à vingt‑cinq ans :

« a) À 60 % du salaire minimum de croissance ou, s’il est supérieur, du salaire minimum conventionnel correspondant à l’emploi occupé pendant la première année d’exécution du contrat ;

« b) À 80 % du salaire minimum de croissance ou, s’il est supérieur, du salaire minimum conventionnel correspondant à l’emploi occupé pendant la deuxième année d’exécution du contrat ;

« c) À 100 % du salaire minimum de croissance ou, s’il est supérieur, du salaire minimum conventionnel correspondant à l’emploi occupé pendant la troisième année d’exécution du contrat ;

« 2° Pour les jeunes âgés de 26 ans et plus, à 100 % du salaire minimum de croissance ou, s’il est supérieur, du salaire minimum conventionnel correspondant à l’emploi occupé pendant la durée d’exécution du contrat d’apprentissage. »

2° Le dernier alinéa de l’article L. 6325‑8 est ainsi rédigé :

« Le salaire ne peut être inférieur à 90 % du salaire minimum de croissance pour les bénéficiaires âgés de moins de vingt‑six ans. Ces rémunérations ne peuvent être inférieures à 100 % du salaire minimum de croissance, lorsque le bénéficiaire est titulaire d’une qualification au moins égale à celle d’un baccalauréat professionnel ou d’un titre ou diplôme à finalité professionnelle de même niveau. »

III. – La caisse de péréquation inter‑entreprises instituée à l’article 12 de la présente loi garantit, pour chaque entreprise, la soutenabilité financière pour les associations employeuses, les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises de la hausse des salaires prévue au I et au II du présent article.

Article 4

Il est procédé à une revalorisation de 10 % de la valeur du traitement indiciaire du point d’indice majoré 100, régissant la rémunération des fonctionnaires, au 1er janvier 2024.

TITRE II

GARANTIR LE POUVOIR D’ACHAT FACE À L’INFLATION PAR L’ÉCHELLE MOBILE DES SALAIRES

Article 5

I. – Le titre III du livre II de la troisième partie du code du travail est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Échelle mobile des salaires

« Art. L. 323910. – Les salaires du secteur privé augmentent deux fois par an, au minimum de l’augmentation d’un indice de l’inflation. Cet indice est déterminé par une commission composée de représentants du monde académique, des représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations représentatives des employeurs. Il est institué comme référence par voie réglementaire.

« L’augmentation automatique a lieu au 1er mars et au 1er septembre de chaque année, sur la base de la moyenne des six derniers indices mensuels connus.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article après négociation entre les représentants des organisations syndicales de salariés et les représentants des organisations représentatives des employeurs. »

II. – La caisse de péréquation inter‑entreprises instituée à l’article 12 de la présente loi garantit pour chaque entreprise, la soutenabilité financière pour les associations employeuses, les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises de la hausse des salaires prévue au I du présent article.

Article 6

Le code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 712‑1, il est inséré un article L. 712‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 71211. – La rémunération des fonctionnaires augmente deux fois par an au minimum de l’augmentation d’un indice de l’inflation. Cet indice est déterminé par une commission composée de représentants du monde académique, des représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations représentatives des employeurs. Il est institué comme référence par voie réglementaire.

« L’augmentation automatique a lieu au 1er mars et au 1er septembre de chaque année, sur la base de la moyenne des six derniers indices mensuels connus.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article après négociation entre les représentants des organisations syndicales de salariés et les représentants des organisations représentatives des employeurs. »

2° Après l’article L. 713‑1, il est inséré un article L. 713‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 71311. – La rémunération des agents contractuels augmente deux fois par an, au minimum de l’augmentation d’un indice de l’inflation. Cet indice est déterminé par une commission composée de représentants du monde académique, des représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations représentatives des employeurs. Il est institué comme référence par voie réglementaire.

« L’augmentation automatique a lieu au 1er mars et au 1er septembre de chaque année, sur la base de la moyenne des six derniers indices mensuels connus.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article après négociation entre les représentants des organisations syndicales de salariés et les représentants des organisations représentatives des employeurs. »

TITRE III

LIMITER LES ÉCARTS DE SALAIRES

Article 7

I. – Au début du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :

« Chapitre préliminaire

« Encadrement des écarts de rémunération au sein d’une même entreprise

« Art. L. 32301. – Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux salariés ou mandataires sociaux, qu’ils soient ou non régis par le présent code, des sociétés, groupements ou personnes morales, quel que soit leur statut juridique, et des établissements publics à caractère industriel et commercial.

« Art. L. 32302. – Le montant annuel du salaire maximal ou de la rémunération maximale appliqué dans une entreprise mentionnée à l’article L. 3230‑1, calculé en intégrant tous les éléments fixes, variables ou exceptionnels de toute nature qui la composent, ne peut être supérieur à vingt fois le montant annuel du salaire le plus faible versé dans la même entreprise.

« Art. L. 32303. – Toute convention ou décision ayant pour effet de porter le salaire au sein d’une entreprise à un montant ne respectant pas les dispositions de l’article L. 3230‑2 est nulle de plein droit.

« Art. L. 32304. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’information et de consultation du personnel sur les écarts de rémunération pratiqués dans les entreprises mentionnées à l’article L. 3230‑1, dans le cadre de la consultation sur la politique sociale prévue à l’article L. 2323‑15. »

II. – Le I du présent article s’applique, à compter de l’entrée en application de la présente loi, à tout contrat conclu ou renouvelé et toute décision prise ou renouvelée, déterminant les modalités du salaire ou de la rémunération d’un salarié ou d’un mandataire social.

III. – Le présent article entre en vigueur à compter du 1er janvier 2024.

Article 8

I. – Après le 1 de l’article 39 du code général des impôts, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. – Au sein de chaque entreprise, il est déterminé un plafond de rémunération correspondant à douze fois le montant annuel du salaire le plus faible versé dans la même entreprise. Pour chaque salarié et associé, la fraction de rémunération supérieure à ce plafond n’est pas prise en compte pour le calcul des dépenses de personnel déductibles en application du 1° du 1. Il en va de même des charges sociales afférentes à cette fraction de rémunération supérieure au plafond précité. La rémunération s’entend comme l’ensemble des rémunérations directes et indirectes du salarié ou associé.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent 1 bis. »

II. – Au plus tard trois ans après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’impact de l’application du présent I sur le produit de l’impôt sur les sociétés et sur les entreprises.

II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2024.

TITRE IV

PRIVILÉGIER LE TRAVAIL À LA RENTE FINANCIÈRE

Article 9

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 232‑11 est ainsi modifié :

a) À la dernière phrase du deuxième alinéa, les mots : « par priorité » sont supprimés.

b) Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant des sommes distribuées en dividendes aux actionnaires ne peut excéder le montant des sommes versées aux salariés au titre de l’article L. 3322‑2 du code du travail. »

2° Après le même article, il est inséré un article L. 232‑11‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 232111.  Si l’entreprise a versé des dividendes aux actionnaires lors d’un précédent exercice, le pourcentage d’augmentation des sommes versées en dividendes depuis ce précédent exercice ne peut excéder le pourcentage d’augmentation du salaire moyen au sein de cette même entreprise sur la même période de temps. »

Article 10

L’article L. 242‑1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° La première phrase du I est complétée par les mots : « , ainsi que sur les revenus mentionnés aux articles 108 à 117 bis et 120 à 123 bis du code général des impôts ».

2° Les 1°, 2° et 6° du II sont abrogés.

Article 11

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Les articles L. 225‑177 à L. 225‑197‑5 sont abrogés ;

2° À la première phrase de l’article L. 225‑208, les mots : « , celles qui attribuent leurs actions dans les conditions prévues aux articles L. 225‑197‑1 à L. 225‑197‑3 du présent code » sont supprimés.

TITRE V

FINANCEMENT, COMPENSATION ET GAGE

Article 12

Il est institué une caisse de péréquation inter‑entreprises, financée par une contribution progressive sur le résultat net réalisé par les entreprises dont le chiffre d’affaires constaté au dernier exercice comptable est supérieur à 750 millions d’euros. Cette caisse garantit pour chaque entreprise, la soutenabilité financière pour les associations employeuses, les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises de la hausse du salaire minimum de croissance prévue à l’article 1er de la présente loi et de la hausse des salaires prévue par la présente loi.

Un décret en Conseil d’État fixe le barème et les modalités de contrôle et de recouvrement de la contribution destinée à son financement.

Article 13

I. – Les articles du code général des impôts modifiés et abrogés par les dispositions de l’article 31 de la loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la même loi.

II. – Les dispositions des différents codes nécessitant des mesures de coordination sont rétablies dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

Article 14

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par :

1° La création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services ;

2° La majoration du taux forfaitaire mentionné à l’article 200 A du code général des impôts ;

3° La majoration de l’impôt sur les sociétés ;

4° La majoration de l’impôt sur la fortune immobilière.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.