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N° 1412

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à transférer la charge d’entretien et de restauration des édifices religieux construits avant 1905 à l’État,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanPhilippe TANGUY, Stéphanie GALZY, Thomas MÉNAGÉ, Frédéric CABROLIER, Julien ODOUL, Stéphane RAMBAUD, Anaïs SABATINI, Philippe BALLARD, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Michèle MARTINEZ, Lionel TIVOLI, Alexis JOLLY, Aurélien LOPEZLIGUORI, Edwige DIAZ, Géraldine GRANGIER, Frédéric FALCON, Kévin PFEFFER, Emmanuel BLAIRY, Christine ENGRAND, Katiana LEVAVASSEUR, Caroline PARMENTIER, José BEAURAIN, Julien RANCOULE, Laure LAVALETTE, Alexandra MASSON, Bryan MASSON, Thibaut FRANÇOIS, Hélène LAPORTE, Gisèle LELOUIS, Bruno BILDE, Alexandre LOUBET, Matthieu MARCHIO, Pierrick BERTELOOT, Philippe SCHRECK, Jordan GUITTON, Serge MULLER, Laurence ROBERTDEHAULT, Christine LOIR, José GONZALEZ, Jérôme BUISSON, Frank GILETTI, Joëlle MÉLIN, MarieFrance LORHO, Bénédicte AUZANOT, Hervé de LÉPINAU, Marine HAMELET, Romain BAUBRY, Florence GOULET, Roger CHUDEAU, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Alexandre SABATOU, Thierry FRAPPÉ, Emeric SALMON, Antoine VILLEDIEU, Frédéric BOCCALETTI, Annick COUSIN, Daniel GRENON, Christophe BARTHÈS, Michaël TAVERNE, Jorys BOVET, Victor CATTEAU, Julie LECHANTEUX, Christian GIRARD, Pierre MEURIN, Kévin MAUVIEUX, Michel GUINIOT, Caroline COLOMBIER, Béatrice ROULLAUD, Mathilde PARIS, Grégoire de FOURNAS, Nicolas MEIZONNET, Jocelyn DESSIGNY, Philippe LOTTIAUX,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les édifices religieux font partie intégrante du patrimoine français, structurant nos paysages depuis la naissance de notre nation. Parmi les 100 000 édifices recensés dans l’hexagone, plus de 40 000 sont les propriétés des communes, une spécificité française ; tandis qu’environ 15 000 sont protégés au titre des monuments historiques. Ces édifices religieux construits avant la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, incarnent l’identité des communes des Français, son Histoire, mais aussi la diversité architecturale de notre pays.

La valeur de ces édifices ne repose pas seulement aux croyants qui les fréquentent, elle va au‑delà du caractère religieux, en étant également spirituelle, historique, culturelle, artistique et architecturale. Témoins des liens entre mémoire locale, familiale et nationale, les Églises sont des vecteurs de transmission de l’identité des territoires. Afin de garantir la transmission de l’héritage local et national de la France, l’État se doit d’assurer un avenir à ses églises, empreintes du passé.

Plus de 90 % des églises sont détenues par les communes. Or, conformément à l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, « L’État, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte ». Par un arrêt en date du 10 juin 1921, le Conseil d’État vient préciser que, de facto, les communes se trouvent tenues d’assurer le bon état des édifices culturels et religieux dont elles sont propriétaires dans la mesure où, en cas de dommage, à une personne ou à un bien, dû par exemple à un défaut d’entretien, la victime peut engager la responsabilité de la commune. La nation, a donc attribué à la commune une responsabilité patrimoniale dont elles n’ont objectivement plus les moyens financiers, les obligeant en permanence à arbitrer entre leur passé, leur présent et leur futur.

Hélas depuis de nombreuses années, les maires ainsi que les habitants des communes sont trop souvent condamnés à être spectateurs de la détérioration de leurs édifices religieux, dans l’indifférence du gouvernement. En effet, conformément à la loi concernant la séparation des Églises et de l’État de 1905, les communes sont chargées d’entretenir les édifices religieux antérieurs à cette date. Compte tenu de l’exode rural que subissent de nombreuses communes, ayant entraîné une diminution considérable des activités économiques et donc des capacités financières des villages et petites villes, cette attribution est hypocrite. Au regard du montant parfois colossal des travaux de rénovation des édifices religieux, les communes se voient dans l’incapacité de financer leur rénovation, pourtant indispensable à la sécurité des visiteurs et des fidèles.

D’après l’Observatoire du patrimoine religieux, 5 000 édifices sont menacés d’être abandonnés, vendus ou détruits d’ici 2030. Il y a urgence. Ce constat effroyable est renforcé par le faible engagement de l’État envers le patrimoine religieux non protégé que l’on constate depuis de nombreuses années.

Afin de pouvoir mettre en œuvre les travaux de rénovation nécessaires, il est indispensable de mettre en place une opération nationale recensant l’ensemble des édifices religieux dégradés. En effet, l’inventaire réalisé dans les années 1980 sous l’égide du ministère de la Culture ne peut constituer une base suffisante et satisfaisante, dans la mesure où cela ne recense pas l’ensemble des églises dont la propriété appartient aux communes. Une actualisation régulière semble indispensable pour pouvoir évaluer les dégradations subies et ainsi connaître les risques encourus afin d’en tirer les conclusions pertinentes.

Au regard de la situation à laquelle les communes sont confrontées, nous ne pouvons laisser ces dernières financer les travaux de restauration au risque de voir sacrifiés leurs services publics présents et leurs investissements futurs, indispensables au maintien de la population. Faire peser cette charge financière sur nos communes rurales est devenu intenable. Il est temps que l’État prenne ses responsabilités pour sauver notre patrimoine culturel et spirituel mais aussi un atout touristique inestimable.

Cette proposition de loi propose donc de transférer la charge financière relative à la restauration et l’entretien de ces édifices religieux à l’État, devenu indispensable au regard de la préservation de notre patrimoine culturel et religieux.

Cette proposition de loi d’appel vise à ouvrir le débat sur cette situation alarmante qui affecte les communes depuis de nombreuses années, entraînant la disparition d’une partie de notre patrimoine français.

Ainsi, l’article 1er modifie la loi de 1905 consacrant la séparation des Églises et de l’État afin d’affirmer le principe selon lequel il revient à l’État seul d’engager les dépenses afin d’assurer l’entretien et la restauration des édifices religieux antérieurs à la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État.

Dans son article 2, cette proposition de loi ajoute ce principe dans le code général des collectivités territoriales.

En parallèle, l’article 3 vise à mettre en place une opération nationale d’inventaire répertoriant l’ensemble des édifices religieux, et notamment ceux bâtis avant 1905, permettant ainsi l’identification du patrimoine religieux français en amont de tout travail de protection.

Enfin, l’article 4 prévoit une compensation des éventuelles charges pouvant résulter de l’application des mesures du texte.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’un département, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale propriétaire d’un édifice du culte ne dispose pas des ressources financières nécessaires, cette collectivité transfère à l’État la charge financière des travaux jugés indispensables à la conservation de l’édifice ou à la sécurité des personnes. »

Article 2

La section 4 du chapitre unique du titre Ier du livre III de la première partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 1311‑20 ainsi rédigé :

« Art. L. 131120.  Lorsqu’un département, une commune, un établissement public de coopération intercommunale propriétaire d’un édifice du culte demande à l’État d’engager les dépenses nécessaires à l’entretien et à la conservation de cet édifice, une convention, conclue entre la personne propriétaire de celui‑ci et l’État, précise le programme des travaux et le concours éventuel du propriétaire. »

Article 3

La sous‑section 2 de la section 6 du chapitre Ier du titre II du livre VI du code du patrimoine est complétée par un article L. 621‑38‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 621381. – Un inventaire national du patrimoine religieux sur le territoire français est tenu par les autorités compétentes et mis à jour tous les dix ans. Il présente l’ensemble des monuments appartement au patrimoine religieux ainsi qu’une cartographie précise et les évènements de nature physique, économique ou sociale qui ont marqué le patrimoine religieux et leur politique de gestion. Enfin, un chapitre sera dédié aux préconisations pour améliorer les politiques de préservation, de protection ou de gestion du patrimoine religieux. »

Article 4

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.