1

Description : LOGO

N° 1425

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à abroger la sélection à l’entrée des formations du premier cycle dispensées par les établissements publics d’enseignement supérieur,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Jérôme LEGAVRE, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

député‑e‑s.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Devançant la loi n° 2018‑166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants dite Loi ORE, la plateforme nationale d’admission en première année des formations du premier cycle de l’enseignement supérieur Parcoursup a été lancée le 15 janvier 2018. Aujourd’hui, quel est le bilan ? De 2018 à 2022, si l’on agrège les données des notes flash de la sous‑direction des systèmes d’information et des études statistiques (SIES) du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, 356 416 candidats ayant décroché leur baccalauréat sur cette période n’ont reçu aucune proposition d’admission dans l’enseignement supérieur via Parcoursup ou ont quitté la plateforme sans en accepter une. Par ailleurs, en 2022, la candidature d’un lycéen sur cinq (22,4 %) inscrit sur la plateforme n’a pas abouti. La même année, 125 424 candidats sur 936 000 n’ont reçu aucune proposition ([1]).

Des centaines de milliers de lycéens et leurs familles sont victimes de ce système. D’où vient cette situation ? Parcoursup est intrinsèquement lié à la loi ORE et à la réforme du lycée, des réformes qui remettent en cause le diplôme national du baccalauréat et sa nature de premier grade universitaire. Parcoursup, loin d’être un simple algorithme, est, de fait, conçu comme un outil de tri des candidats en fonction des spécialités choisies au bac et de leur lycée d’origine. Ainsi, la Cour des Comptes révèle dans un premier bilan de l’accès à l’enseignement supérieur dans le cadre de la loi ORE publié en 2020 ([2]) que « Jusqu’à 20 % des CEV [commissions d’examen des vœux] des filières non sélectives les plus en tension utilisent le critère du lycée d’origine en 2019. » Dès l’âge de 15 ans, pour répondre aux attendus de Parcoursup et mettre toutes les chances de leur côté, les élèves sont invités à faire valoir sur leur CV les activités extra‑scolaires qu’ils ont pu exercer. Il s’agit donc d’un dispositif fondamentalement inégalitaire, instaurant une sélection de fait.

Une sélection que rien ne justifie si ce n’est la situation dans laquelle les politiques successives de réduction du nombre d’enseignants chercheurs à l’université ont délibérément et méthodiquement placé l’enseignement supérieur. L’avis ([3]) présenté au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2023 sur la mission recherche et enseignement supérieur, enseignement supérieur et vie étudiante d’Hendrik Davi révèle que « Les budgets des universités et les recrutements n’ont en effet pas suivi l’augmentation du nombre d’étudiants. Le nombre de postes de maîtres de conférence ouverts au concours a par exemple été divisé par 3 entre 1998 et 2020. Par conséquent, la dépense par étudiant a baissé de près de 10 % et le taux d’encadrement est passé d’un enseignant pour 38 étudiants en 2012 à 1 pour 47 en 2019. » Ainsi, « La sélection à l’entrée dans l’enseignement supérieur est la conséquence du manque de places dans les formations délivrées par les établissements publics, au détriment du droit à la poursuite d’études et de l’élévation du niveau général des qualifications. »

Instauré en 2018, Parcoursup tire un trait sur une conquête démocratique majeure : le droit pour chaque bachelier, parce qu’il est bachelier, donc détenteur du premier grade universitaire, de s’inscrire dans la filière de son choix dans l’enseignement supérieur. L’objet de cette proposition de loi est de rétablir pleinement ce droit.

Il s’agit également de mettre un terme à une logique destructrice. Pour ne prendre que ces exemples, les professionnels des secteurs de la santé et du médico‑social sont très nombreux à pointer la responsabilité de Parcoursup dans l’effondrement du nombre d’étudiants se préparant aux métiers de ces deux filières. Enfin, Parcoursup a constitué une opportunité formidable pour le marché privé de l’orientation et de la formation. Cette année, parmi les 22 171 formations proposées sur le site de la plateforme ([4]), environ 41 % sont privées, soit 9 089, et 40 % concernent l’apprentissage. 8 % intègrent tout ou partie des cours à distance.

Des dizaines de milliers de jeunes sont ainsi contraints de contracter des prêts bancaires pour financer leurs études dans des établissements privés, faute de place dans le service public. D’autres se tournent vers l’apprentissage et ne perçoivent que 43 % d’un SMIC la première année. Les chiffres alarmants concernant la précarité dans la jeunesse rappellent que des mesures d’urgence s’imposent. Rétablir pleinement le droit pour chaque jeune bachelier d’accéder à la formation de son choix dans l’enseignement supérieur, et à une qualification, s’inscrit dans cet objectif.

L’article 1er prévoit que tout candidat titulaire d’un baccalauréat ou d’un niveau équivalent est libre de s’inscrire dans l’établissement de l’enseignement supérieur de son choix. La sélection à l’entrée d’une formation du premier cycle dispensée par un établissement public est donc abrogée. En cas de dépassement des capacités d’accueil d’un établissement, les inscriptions sont prononcées par le recteur chancelier, en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et de ses préférences. Afin de garantir l’inscription de chaque candidat dans la formation de son choix, il est tenu compte chaque année de l’évolution du nombre de candidats lors de la procédure nationale de préinscription des années précédentes afin de déterminer les capacités d’accueil des formations du premier cycle de l’enseignement supérieur des établissements. Les postes nécessaires sont donc créés dans les établissements pour assurer le droit de chacun à s’inscrire dans la filière choisie.

L’article 2 gage la proposition de loi.

 

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 612‑3 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– au début de la première phrase, les mots : « L’inscription dans une formation du premier cycle dispensée par un établissement public est précédée d’une » sont remplacés par les mots : « Tout candidat est libre de s’inscrire dans l’établissement de son choix sous réserve d’avoir, au préalable, sollicité une inscription dans une formation du premier cycle dispensée par un établissement public lors de la » ;

– après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il doit pouvoir, s’il le désire, être inscrit en fonction des formations existantes lors de cette inscription dans un établissement ayant son siège dans le ressort de l’académie où il a obtenu le baccalauréat ou son équivalent ou dans l’académie où est située sa résidence. Les dispositions relatives à la répartition entre les établissements et les formations excluent toute sélection sauf dans les cas prévus au VI. »

b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’effectif des candidatures excède les capacités d’accueil d’un établissement, constatées par l’autorité administrative, les inscriptions sont prononcées, après avis du président de cet établissement, par le recteur chancelier, selon la réglementation établie par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui‑ci. »

2° À la seconde phrase du III., après le mot « compte », sont insérés les mots : « de l’évolution du nombre de candidats les années précédentes lors de la procédure nationale de préinscription afin de garantir une inscription à chaque candidat, »

Article 2

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1])  Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, 2022, Parcoursup :  Bilan de la procédure d’admission 2022, dossier de présentation du 29 septembre 2022, https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2022-09/bilan-de-la-proc-dure-d-admission-2022-24379_0.pdf

([2])  Cour des Comptes, 2020, Un premier bilan de l’accès à l’enseignement supérieur dans le cadre de la loi Orientation et réussite des étudiants, https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-03/20200227-rapport-premier-bilan-loi-ORE-3.pdf

([3])  Davi  H. (2022), Avis présenté au nom de la commission affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2023, tome VI, Recherche et enseignement supérieur, enseignement supérieur et vie étudiante, n°374, Assemblée nationale, session ordinaire 2022-2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b0374-tvi_rapport-avis

([4])  https://dossierappel.parcoursup.fr/Candidat/carte