1

Description : LOGO

N° 1434

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

relative au partage de la valeur
et à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marianne MAXIMI, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

Député-e-s.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’égalité entre les femmes et les hommes est un principe fondamental de notre droit. La Constitution de 1946 consacre le fait que les femmes sont égales en droits aux hommes, et cela, « dans tous les domaines ». La loi de 1972 est venue confirmer que ce droit s’applique au champ du travail, en instaurant l’égalité de rémunération et le principe « à travail de valeur égale, salaire égal ».

Pourtant, 50 ans après, le partage de la valeur se fait toujours de manière extrêmement discriminante pour les femmes. En moyenne dans le secteur privé, les femmes gagnent 28,5 % de moins que les hommes. Même à poste équivalent et compétences égales, elles sont payées 9 % de moins que leurs collègues masculins. Ces inégalités se retrouvent à tous les étages de l’échelle des revenus. En bas, les femmes sont surreprésentées dans les métiers précaires. Deux salarié•es au SMIC sur trois et 78 % des salarié•es à temps partiel sont des femmes. Au niveau du salaire médian, les femmes gagnent 13 % de moins que les hommes. Et même les 1 % de femmes les mieux payées gagnent toujours 34 % de moins que les hommes.

Bien entendu, de multiples facteurs sociaux, culturels et économiques conduisent à cette situation. En finir avec ces discriminations nécessite une transformation profonde de la société, avec l’abolition du patriarcat et la construction d’une société féministe. Néanmoins, parmi tous les lieux où se produisent les inégalités, l’entreprise occupe une place importante : c’est là que s’opère le partage de la valeur ajoutée, et donc, sa captation par les hommes.

La puissance publique a tout intérêt à combattre ces inégalités, ne serait‑ce car elles représentent pour elle un immense manque à gagner ! Les salaires amputés des femmes sont autant d’impôts et de cotisations qui ne sont pas payés. Y compris pour notre système de retraite : rien que pour la branche vieillesse, les écarts de salaire entre les femmes et les hommes représentent une perte de 5,5 milliards d’euros !

Pourtant, le gouvernement ne fait pas preuve d’une véritable ambition face à ces inégalités. Focalisé sur sa volonté de ne surtout pas contraindre les entreprises, même quand elles ne respectent pas la loi, en matière d’égalité, le gouvernement ne propose que des dispositifs non contraignants. L’égalité devient une affaire de bonne volonté des employeurs, sans véritables contrôles ou sanctions. Cette politique menée depuis des années n’a évidemment rien changé aux écarts de salaires, pour une raison simple : les entreprises n’ont pas véritablement de motivation à les réduire. Il reste largement plus profitable d’exploiter la main d’œuvre féminine que de la rémunérer à sa juste valeur.

Cette proposition de loi vise à rompre avec cette logique. Les travailleuses n’ont pas à attendre que leurs employeurs daignent se mobiliser pour assurer l’égalité salariale. C’est pourquoi nous proposons des mesures véritablement contraignantes pour que les entreprises fassent enfin de la réduction des inégalités salariales une priorité.

L’article 1er prévoit la création d’une commission de contrôle salarié sur l’égalité entre les femmes et les hommes, dans les entreprises d’au moins onze salariés. Cette commission veille au respect de l’égalité salariale, en contrôlant les politiques mises en place par les employeurs, et saisit l’inspection du travail quand elle constate des écarts. Cette commission permet aux salariés de disposer d’une instance de représentation du personnel dédiée aux enjeux d’égalité de rémunération.

L’article 2 rend obligatoire la publication des données sur les inégalités salariales. Ces données sont ventilées entre autres par âge, temps de travail, catégorie de poste. Cette transparence vise à permettre tant aux salariés qu’au grand public d’avoir une vision précise des écarts de salaire pratiqués d’une entreprise à l’autre, et des points d’appui pour imposer qu’elles les réduisent.

L’article 3 crée une prime d’égalité salariale. Cette prime est obligatoire quand l’entreprise ne réussit pas à prouver qu’elle respecte l’égalité salariale. Elle est versée mensuellement à toutes les salariées femmes dont le salaire est inférieur à celui des salariés hommes alors qu’ils et elles sont à travail de valeur équivalente.

L’article 4 et l’article 5 augmentent les sanctions financières et pénales à l’encontre des employeurs qui ne respectent pas l’égalité de rémunération.

L’article 6 impose qu’aucune aide publique ne soit versée sans contrepartie en matière d’égalité professionnelle.

L’article 7 aligne la rémunération des heures complémentaires pour les salariés à temps partiel sur la rémunération des heures supplémentaires pour les salariés à temps plein. Cette mesure vise à dissuader des employeurs d’avoir recours au temps partiel par effet d’aubaine pour pouvoir rémunérer moins le travail, sachant que les femmes sont les premières touchées par le temps partiel.

L’article 8 prévoit les gages de recettes et de charge afin d’assurer la recevabilité financière de la proposition de loi.

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le livre III de la deuxième partie du code du travail est complété par un titre XII ainsi rédigé :

 » Titre XII

« Commission de contrôle salarié sur l’égalité entre les femmes et les hommes

« Chapitre Ier

« Champ d’application

« Art. L. 231161.  Une commission de contrôle salarié sur l’égalité entre les femmes et les hommes est mise en place dans les entreprises d’au moins onze salariés.

« La mise en place d’une commission n’est obligatoire que si l’effectif d’au moins onze salariés est atteint pendant douze mois consécutifs.

« Les modalités de calcul des effectifs sont celles prévues aux articles L. 1111‑2 et L. 1251‑54. »

« Chapitre II

« Attributions

« Art. L. 231171.  La commission de contrôle salarié sur l’égalité entre les femmes et les hommes a pour mission de contrôler et d’évaluer les politiques mises en place par l’employeur en matière d’égalité salariale.

« Art. L. 231172.  Au moins une fois par an ou sur demande de la commission, l’employeur reçoit la commission de contrôle salarié sur l’égalité entre les femmes et les hommes et lui présente les mesures mises en place pour respecter l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

« Art. L. 231173.  Quand la commission de contrôle salarié sur l’égalité entre les femmes et les hommes constate que des écarts de rémunération existent, la commission saisit l’inspection du travail afin que la prime prévue à l’article L. 1142‑12 du code du travail soit versée.

« La commission est ensuite reçue tous les mois par l’employeur pour évaluer les mesures mises en place, et cela jusqu’à ce que les écarts de rémunération soient supprimés. »

« Chapitre III : Composition

« Art. L. 231181.  La commission de contrôle salarié est composée de salariés dont les membres sont désignés par un collègue constitué par les délégués du personnel.

« Art. L. 231182.  Chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise peut désigner un représentant syndical à la commission. »

Article 2

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 1142‑8 est ainsi rédigé :

« Art. L. 11428.  Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, l’employeur publie chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer, selon les modalités suivantes :

« 1° L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, en distinguant les écarts annuels et mensuels toute durée du travail confondu, des écarts salariaux horaires ou en équivalent temps plein, exprimée par tranche d’âge et par catégorie de travail à valeur égale ;

« 2° L’écart de taux d’augmentations individuelles de salaire ne correspondant pas à des promotions entre les femmes et les hommes en nombre et en montant ;

« 3° L’écart de taux de promotions entre les femmes et les hommes en nombre et en montant ;

« 4° Le pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année de leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris ;

« 5° Le nombre de salariés du sexe sous‑représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations ainsi que le montant de l’écart moyen des rémunérations. »

2° Après l’article L. 1142‑13, il est inséré un article L. 1142‑14 ainsi rédigé :

« Art. L. 114214.  L’inspection du travail ainsi que les organisations syndicales sont informées par l’employeur de la publication des écarts éventuels de rémunération entre les femmes et les hommes. »

Article 3

Après l’article L. 1142‑14 du code du travail, tel qu’il résulte de l’article 3 de la présente loi, il est inséré un article L. 1142‑15 ainsi rédigé :

« Art. L. 114215.  Les entreprises incapables de prouver le respect de l’égalité de traitement salarial à la délégation du personnel de la commission de contrôle salarié sur l’égalité entre les femmes et les hommes versent une prime obligatoire à toutes les salariées femmes dont la rémunération est inférieure à celle des salariés hommes, alors qu’elles effectuent un travail de valeur équivalente.

« Cette prime est versée tous les mois jusqu’à ce que les écarts de rémunération soient supprimés.

« Le montant de cette prime équivaut à 10 % de la rémunération brute des salariées concernées.

« Cette prime ne peut se substituer à aucun élément de rémunération tel que défini par l’article L. 242‑1 du code de la sécurité sociale, ni se substituer à des augmentations de rémunération ou d’autres primes.

« L’inspection du travail contrôle le versement de cette prime.

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par le Conseil d’État. »

Article 4

I. – Le VIII de l’article L. 241‑13 du code de la sécurité sociale est rétabli dans la rédaction suivante : 

« VIII. – Le bénéfice des dispositions du présent article est retiré aux employeurs obtenant un score égal ou inférieur à 85 à l’index d’égalité professionnelle, ou n’ayant pas conclu d’accord ou de plan relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242‑1 et L. 2242‑3 du code du travail. Cette diminution de 100 % du montant de la réduction est cumulable avec la pénalité prévue à l’article L. 2242‑5‑1 du même code.”

II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2242‑8 du code du travail, après le mot : « employeur », sont insérés les mots : « lorsqu’elles obtiennent un score égal ou inférieur à 85, ».

Article 5

Au premier alinéa de l’article L. 1146‑1 du code du travail, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » et, à la fin, le montant : « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 7 000 euros ».

Article 6

Après l’article L. 2251‑2 du code des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2251‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 225121.  I. – Est subordonné à la souscription d’engagements annuels en matière de réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, le bénéfice, à compter de la publication de la présente loi, pour les entreprises soumises à l’obligation de déclaration de performance extra‑financière prévue à l’article L. 225‐102‐1 du code de commerce :

« 1° De subventions publiques ;

« 2° De garanties de prêts ;

« 3° De garanties publiques pour le commerce extérieur prévues au chapitre II du titre III du livre IV du code des assurances ;

« 4° Du crédit d’impôt mentionné à l’article 244 quater B du code général des impôts ;

« 5° De participations financières de l’État par l’intermédiaire de l’Agence des participations extérieures de l’État et de BPI France.

II. – Les entreprises publient un rapport annuel sur le respect des engagements pris.

III. – Le non‑respect, par les entreprises mentionnées au 1 du I, de l’obligation de publication du rapport annuel sur le respect de leurs obligations en matière d’égalité salariale prévue au II est passible d’une sanction pécuniaire d’un montant égal à 375 000 euros. Le non‑respect, par les mêmes entreprises, de leurs engagements annuels en matière de réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, mentionnés au 2 du I, est passible d’une sanction pécuniaire d’un montant égal à celui des avantages mentionnés au 1 du même I, majoré de 10 %.

Article 7

À l’article L. 3123‑29 du code du travail, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 25 % » et le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 50 % ».