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N° 1462

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juillet 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à permettre une gestion optimisée de la production,
du transport et du stockage d’eau destinée à la consommation humaine,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Danielle BRULEBOIS,

députée.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi vise à permettre une gestion optimisée de la compétence eau.

Face aux tensions liées aux épisodes successifs de sécheresse, une gestion de l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine à une échelle dépassant les frontières de l’intercommunalité peut se révéler pertinente dans certains territoires.

La Cour des comptes et plusieurs chambres régionales des comptes ont étudié la gestion de l’eau potable en 2022, dans la perspective du transfert obligatoire en 2026 de cette compétence des communes aux établissements publics de coopération intercommunale. Elles font le constat que l’état du droit, y compris en incluant ce transfert, n’est pas adapté à une gestion équilibrée de l’eau dans les territoires, dans un contexte de raréfaction des ressources liée au réchauffement climatique et à l’évolution des besoins.

Si les périmètres et les programmes d’intervention des agences de l’eau sont pertinents pour la gestion du grand cycle de l’eau, les agences ne peuvent coordonner à l’échelle de leurs territoires, les investissements et la gestion rapprochée des besoins en matière d’eau potable.

L’expertise historique des départements et l’ingénierie sont précieuses pour les communes et intercommunalités pour assumer leurs propres missions de gestion de la ressource. Communes, intercommunalités et syndicats des eaux font appel au soutien financier des départements pour réaliser des investissements qui excèdent généralement leurs capacités budgétaires, notamment en secteur rural où les dépenses à réaliser sont d’autant plus élevées que la densité des usagers est faible. Les départements sont les premiers financeurs aux côtés des agences de l’eau.

En outre, de nombreux départements sont propriétaires de sites naturels abritant des ressources d’importance ou d’infrastructures telles que des retenues d’eau permettant de stocker des réserves d’eau en période d’excès et d’en relâcher en période d’étiage.

Sans remettre en cause la compétence « eau potable » du bloc communal, la présente proposition de loi vise à introduire de plus grandes facultés d’intervention des départements en la matière.

En effet, la production, le transport et le stockage d’eau destinée à la consommation humaine, à la différence de la distribution d’eau potable exercée à titre obligatoire et exclusif par le bloc communal, sont des compétences facultatives des communes.

Alors qu’ils pourraient avoir un rôle majeur de mise en réseau et de prospection, l’intervention des départements en matière d’eau potable est aujourd’hui limitée :

– au financement : en vertu du I de l’article L. 1111‑10 du code général des collectivités territoriales (CGCT), ils peuvent contribuer au financement de projets dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements, à leur demande ;

– à l’ingénierie territoriale : l’article L. 3232‑1‑1 du CGCT leur donne la possibilité de mettre à la disposition des communes rurales ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l’exercice de leurs compétences, une assistance technique dans les domaines notamment de l’assainissement, de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l’entretien des milieux aquatiques.

Afin de donner de nouvelle souplesse de gestion en matière d’eau, et sans revenir sur la répartition des compétences, la présente proposition de loi prévoit que les départements pourront, comme ils le demandent, exercer la maîtrise d’ouvrage déléguée des travaux nécessaires à la mise en œuvre d’un schéma départemental de l’eau dans les domaines de la production d’eau potable, de la création ou de l’aménagement de réserves d’eau ou d’interconnexion de réseaux dès lors que ces travaux excèdent le périmètre d’un syndicat ou d’une intercommunalité à fiscalité propre compétents en matière d’eau. Le Département doit pouvoir jouer son rôle de garant de solidarités territoriales car il offre la structuration nécessaire pour affronter les enjeux fondamentaux de la sécurisation d’accès à l’eau potable pour tous.

L’article 1er prévoit la possibilité qu’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou un syndicat mixte compétent en matière de production, transport et stockage d’eau destinée à la consommation humaine délègue la maîtrise d’ouvrage à un département. Cette délégation se fait dans les conditions du mandat de maîtrise d’ouvrage prévues par le code de la commande publique, à titre gratuit.

L’article 2 prévoit la possibilité de créer des syndicats mixtes ouverts, comprenant un ou plusieurs départements limitrophes, une ou plusieurs communautés de communes, et, le cas échéant, un ou plusieurs syndicats de communes, syndicats mixtes fermés exerçant les compétences en matière de production, de transport et de stockage d’eau destinée à la consommation humaine. Ces syndicats mixtes ouverts pourraient exercer ces mêmes compétences à l’exclusion de la distribution d’eau potable.

L’article 3 vise à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement pour accélérer la mise en œuvre des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) en ramenant l’objectif 100 PTGE signés en 2027 à 2025. La gestion de l’eau doit être le plus possible décentralisée. Sans remettre en cause l’architecture par bassins, qui a sa pertinence, notamment pour fixer les grandes orientations, la gouvernance de l’eau devrait reposer davantage sur l’échelon local, départemental voire infra‑départemental. Il convient d’accélérer l’adoption des PTGE et de laisser aux acteurs locaux le soin de définir ce que sont les aménagements acceptables pour eux.

L’article 4 vise à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement relatif à une délégation d’une partie des crédits des agences de l’eau aux départements. Ce sont les élus locaux qui sont les plus légitimes pour décider de la manière dont ils souhaitent que l’eau soit gérée. Ils sont les mieux placés pour arbitrer les conflits d’usage et assumer les choix d’aménagement auprès de leurs concitoyens. Dès lors que leur action s’inscrit dans le cadre général défini par les agences de l’eau et ne bouleverse pas les grands équilibres du bassin, ils devraient ainsi disposer de davantage de liberté pour piloter les politiques territoriales de l’eau. Une des manières de redonner des libertés à l’échelon local serait de déléguer une part des enveloppes des Agences de l’eau aux départements.

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le paragraphe 2 de la sous‑section 1 de la section 2 du chapitre IV du titre II du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 2224‑7‑8 ainsi rédigé :

« Art. L. 222478. – Les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes compétents, lorsqu’ils y sont expressément autorisés par leurs statuts, peuvent déléguer à un département la maîtrise d’ouvrage en matière de production, transport et stockage d’eau destinée à la consommation humaine, dans les conditions prévues aux articles L. 2422‑5 à L. 2422‑11 du code de la commande publique. Ce mandat est exercé à titre gratuit. »

Article 2

Le paragraphe 2 de la sous‑section 1 de la section 2 du chapitre IV du titre II du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales tel qu’il résulte de l’article premier de la présente loi est complété par un article L. 2224‑7‑9 ainsi rédigé :

« Art. L. 222479. – Un syndicat mixte, défini à l’article L. 5721‑8, regroupant exclusivement un ou plusieurs groupements de collectivités mentionnés aux articles L. 5212‑1, L. 5214‑1 et L. 5711‑1, formant un espace d’un seul tenant et sans enclave, compétents en matière de production, de transport et de stockage d’eau destinée à la consommation humaine, et un ou plusieurs départements limitrophes, peut assurer tout ou partie de la production, du transport et du stockage d’eau destinée à la consommation humaine. »

Article 3

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur l’accélération de la mise en œuvre des projets de territoire pour la gestion de l’eau en ramenant l’objectif 100 projets de territoire pour la gestion de l’eau signés entre 2025 et 2027.

Article 4

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur une délégation d’une partie des crédits des agences de l’eau aux départements.