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N° 1466

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juillet 2023.

PROPOSITION DE LOI

relative au renforcement de la législation
visant à protéger les élus municipaux,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanFrançois LOVISOLO, Karl OLIVE, Sabrina AGRESTIROUBACHE, Anthony BROSSE, JeanMarc ZULESI, Joël GIRAUD, Stéphane TRAVERT, JeanLuc FUGIT, Laurence HEYDEL GRILLERE, Stéphane VOJETTA, Jérémie PATRIERLEITUS, Lysiane MÉTAYER, Charles RODWELL, Éric GIRARDIN, Nicolas PACQUOT, Xavier BATUT, Romain DAUBIÉ, Philippe SOREZ, Hubert OTT, Philippe PRADAL, Lionel VUIBERT, Benoît BORDAT, Yannick CHENEVARD,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La démission du maire de la commune de Saint‑Brévin en Loire‑Atlantique illustre les violences insupportables exercées contre nos élus locaux. Le maire et sa majorité de la ville de Lauris dans le Vaucluse ont proposé leur démission suite à l’agression d’un adjoint. Des exemples parmi tant d’autres…

Notre pacte républicain se fonde sur la démocratie. Par nos suffrages, nous nous fixons des règles communes de fonctionnement social. Fruits d’une expression majoritaire, ces règles deviennent celles de tous. Partagées et acceptées, elles nous permettent de faire société et de nous protéger des affrontements d’intérêts communautaires et contradictoires, dont l’issue est soit l’anarchie, soit la dictature, c’est‑à‑dire la confiscation de la société au bénéfice de quelques‑uns.

Jamais nos lois et règlements n’ont laissé une aussi large place à l’expression des opinions avant que ne soit prise une décision d’intérêt général : concertations publiques, consultations publiques, enquêtes publiques, etc. Pourtant, jamais nous n’avons vu autant de phénomènes de violence, qui ne sont rien d’autre que le refus du processus démocratique arrivé à son terme. Crise du collectif ou individualisme, confusion entre droits et devoirs, le service public s’apparente de plus en plus à un simple bien de consommation courante.

Les maires, adjoints, conseillers municipaux, ces fantassins de la République, ces chevilles ouvrières du pays, sont quotidiennement vilipendés, agressés au point de renoncer à une mission qui leur a été confiée en toute légitimité par leurs concitoyens. Entre le 1er janvier et le 31 octobre 2022, 1 835 procédures judiciaires pour atteintes aux élus ont été enregistrées soit 649 cas supplémentaires par rapport à la même période en 2021. Un chiffre qui était déjà en hausse par rapport aux statistiques de 2020.

Dans les communes, ce phénomène est bien connu des maires et des personnels municipaux. Les plus petites d’entre elles ne peuvent pas bénéficier d’agents assermentés, ni de services structurés. Ce sont donc souvent les élus qui se retrouvent seuls, face, d’une part, à un nombre grandissant d’infractions (dégradation de biens publics et de mobilier urbain, dépôts sauvages d’ordures…) et, d’autre part, à des agressions, menaces, intimidations, insultes ou injures qui touchent maires, adjoints et conseillers municipaux dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions.

Ces situations sont fréquentes et toujours source d’incompréhension et de découragement pour les élus, notamment en zone rurale où la réponse en matière de constatation des infractions, d’enquêtes, de durée des procédures et de décisions (ou d’absence de décisions) judiciaires, peut être incomprise des élus qui sont en attente légitime de réponses.

Malgré la gravité de ces actes, ils sont pourtant peu nombreux à porter plainte ; parfois par souci d’apaisement ou par peur des représailles, et souvent par impression d’inutilité de la démarche.

Si l’indignation doit être notre réaction individuelle et collective, la réaffirmation et le respect de nos institutions et de celles et de ceux qui les incarnent nécessitent une réponse forte et sans concession. La violence veut mettre à terre la démocratie. Réagissons avec des réponses législatives fortes. Un choc pénal s’impose, fondé sur des sanctions renforcées, exemplaires et effectives, car ce sont les fondations mêmes de notre République et de notre société qui en dépendent.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, cette proposition de loi vise à renforcer la législation relative à la protection des élus municipaux à travers le dispositif suivant :

L’article 1er propose ainsi d’établir une peine proportionnelle visant à protéger les détenteurs de mandats électifs, alignée sur celle réservée aux titulaires de l’autorité publique. Cette proposition s’inscrit dans la lignée de ce qui avait été avancé lors des débats sur la Loi d’Orientation et de Programmation du Ministère de l’Intérieur (LOPMI), tant en ce qui concerne les violences que les actes d’outrages et de menaces.

L’article 2 crée quant à lui un délit d’atteinte à la vie privée par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale d’une personne titulaire d’un mandat électif communal permettant de l’identifier ou de la localiser afin de protéger les élus par l’interdiction de la diffusion malveillante de données personnelles, notamment sur un service de communication au public en ligne.

L’article 3 propose d’étendre le délai de prescription à un an lorsque la victime est un élu communal. Cette mesure vise à établir une période spécifique qui diffère de celle du droit commun (3 mois), qui est considérée comme extrêmement courte et permet aux diffamations et injures sur Internet de prospérer sans que les auteurs en soient tenus responsables devant les tribunaux. Il est également important de souligner que, dans le cas de diffamations à caractère raciste, sexiste, homophobe ou handiphobe, le délai de prescription est déjà étendu à 1 an.

L’article 4 a pour objectif d’étendre la compensation financière par l’État, couvrant les coûts de couverture assurantielle, à toutes les communes de moins de 10 000 habitants. Cette mesure s’appliquerait à la protection fonctionnelle accordée aux conseillers municipaux, afin de soulager ces derniers de cette charge financière.

L’article 5 fait référence à l’article 85 du code de procédure pénale, qui définit les conditions dans lesquelles une personne peut se constituer partie civile. Il est proposé d’y ajouter une dérogation, en précisant que les conditions de recevabilité d’une constitution de partie civile, notamment le délai de trois mois, ne s’appliquent pas aux personnes dépositaires de l’autorité publique. Cette nouvelle disposition permettra aux victimes d’ouvrir une instruction sans tarder.

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le chapitre II du titre II du livre II est ainsi modifié :

a) Le paragraphe 2 de la section 1 est ainsi modifié :

– Au 4° bis des articles 222‑12 et 222‑13 : les mots : « toute personne chargée d’une mission de service public » sont remplacés par les mots : « une personne chargée d’une mission de service public autre que celles mentionnées à l’article 222‑14‑5 du présent code » ;

 Au premier alinéa du I de l’article 222‑14‑5, les mots : « ou un agent de l’administration pénitentiaire » sont remplacés par les mots : « , un agent de l’administration pénitentiaire ou le titulaire d’un mandat électif communal » ;

b) Le paragraphe 3 de la section 1 est complété par un article 222183 bis ainsi rédigé :

« Art. 222183 bis. – Lorsqu’elles sont commises contre une personne investie d’un mandat électif communal, les menaces prévues au premier alinéa de l’article 222‑17 sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, celles prévues au second alinéa du même article et au premier alinéa de l’article 222‑18 sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende et celles prévues au second alinéa de l’article 222‑18 sont punies de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende. »

c) La section 5 est ainsi modifiée :

 Au deuxième alinéa de l’article 222‑47, les mots : « et 222‑14‑2 » sont remplacés par les mots : « , 222‑14‑2 et 222‑14‑5 » ;

 À l’article 222‑48, après la référence : « 222‑14‑4 », est insérée la référence : « , 222‑14‑5 » ;

2° Le chapitre III du titre III du livre IV est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa de l’article 433‑5 les mots : « personne chargée d’une mission de service public » sont remplacés par les mots : « personne chargée d’une mission de service public autre que celles mentionnées au deuxième alinéa » ;

b) Au deuxième alinéa de l’article 433‑5, après le mot : « publique » sont insérés les mots : « , à un titulaire d’un mandat électif communal ».

Article 2

Après l’article 226‑2‑1 du code pénal, il est inséré un article 226‑2‑2 ainsi rédigé :

« Art. 22622. – Le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale d’un titulaire d’un mandat électif communal, permettant de l’identifier ou de la localiser est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

Article 3

Le paragraphe 3 du chapitre V de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 65‑5 ainsi rédigé :

« Art. 655. – Pour les délits prévus aux articles 31 et 33, le délai de prescription prévu par l’article 65 est porté à un an. »

Article 4

Au dernier alinéa de l’article L. 2123‑35 du code général des collectivités territoriales, le nombre : « 3 500 » est remplacé par le nombre : « 10 000 ».

Article 5

À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 85 du code de procédure pénale, après le mot : « délit », sont insérés les mots : « sur une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif communal dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, ».

Article 6

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.