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N° 1469

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juillet 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à sécuriser la situation juridique des exploitations agricoles en matière de repos hebdomadaire de la main d’œuvre agricole,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Angélique RANC, Bénédicte AUZANOT, Christophe BARTHÈS, José BEAURAIN, Pierrick BERTELOOT, Bruno BILDE, Emmanuel BLAIRY, Frédéric BOCCALETTI, Pascale BORDES, Jorys BOVET, Jérôme BUISSON, Victor CATTEAU, Sébastien CHENU, Caroline COLOMBIER, Annick COUSIN, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Grégoire de FOURNAS, Hervé de LÉPINAU, Jocelyn DESSIGNY, Edwige DIAZ, Nicolas DRAGON, Frédéric FALCON, Thibaut FRANÇOIS, Thierry FRAPPÉ, Stéphanie GALZY, Frank GILETTI, Yoann GILLET, Christian GIRARD, José GONZALEZ, Géraldine GRANGIER, Michel GUINIOT, Jordan GUITTON, Marine HAMELET, Laurent JACOBELLI, Catherine JAOUEN, Alexis JOLLY, Laure LAVALETTE, Julie LECHANTEUX, Gisèle LELOUIS, Katiana LEVAVASSEUR, Christine LOIR, Philippe LOTTIAUX, Alexandre LOUBET, Matthieu MARCHIO, Alexandra MASSON, Kévin MAUVIEUX, Nicolas MEIZONNET, Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, Thomas MÉNAGÉ, Serge MULLER, Caroline PARMENTIER, Kévin PFEFFER, Lisette POLLET, Stéphane RAMBAUD, Laurence ROBERT DEHAULT, Anaïs SABATINI, Alexandre SABATOU, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Jean‑Philippe TANGUY, Michaël TAVERNE, Antoine VILLEDIEU,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’article L. 7141 V du Code rural et de la pêche maritime dispose que : « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de travaux dont l’exécution ne peut être différée, le repos hebdomadaire peut être suspendu pour une durée limitée […] ». C’est sur ce fondement que les Vignerons et Maisons de champagne font application de cette suspension pendant les vendanges, en accord avec les organisations syndicales. Plus largement, cette problématique touche tous les agriculteurs qui travaillent manuellement des récoltes fragiles.

Or depuis quelques années, la DREETS Grand Est entend désormais considérer que les vendanges ne constituent plus, « à elles seules », des circonstances exceptionnelles au sens de la loi. Ainsi, dans une interprétation restrictive, celle‑ci considère en effet que seuls des évènements ponctuels et imprévisibles tels qu’un aléa météorologique par exemple, justifient légalement le recours à cette suspension. Cette analyse semble fondée sur l’article réglementaire R. 714‑10 qui vient préciser les modalités pratiques de cette suspension. Si l’interprétation de la DREETS était retenue, elle viendrait ajouter à la loi des conditions qu’elle ne fixe pas.

 Il est pourtant absolument impératif que les exploitants puissent suspendre le repos hebdomadaire pendant les vendanges qui revêtent, à bien des égards, un caractère exceptionnel. À défaut, ils seraient dans l’incapacité de rentrer des raisins de qualité conformes aux exigences du cahier des charges de l’appellation.

En effet, malgré le fait que l’activité de la filière a lieu chaque année, chaque vendange se déroule de façon différente aux vues de la météo, de la maturité des raisins selon les cépages, des contraintes sanitaires, etc. De surcroit, quelles que soient les circonstances, la période de vendanges en Champagne répond à des contraintes techniques exceptionnelles. Les raisins d’AOC champagne sont, par exemple, récoltés selon des règles impératives issues du cahier des charges de l’appellation (décret n° 2010‑1441 du 22 novembre 2010) et doivent être transportés entiers sur les installations de pressurage, imposant ainsi une récolte manuelle. De plus, ils doivent être cueillis selon les dates fixées par arrêté préfectoral.

De nombreuses autres exigences qualitatives sont fixées par le Comité interprofessionnel du vin de champagne. Les travaux de cueillette et de pressurage doivent être réalisés dans des délais extrêmement brefs ; leur exécution ne peut être reportée, car :

– la maturité des raisins exige une cueillette immédiate ;

– le pressurage doit avoir lieu dans les 5 heures (12 heures maximum) pour garantir le goût et éviter tout risque sanitaire et le risque d’engorgement de ces sites est réel ;

– les moûts doivent faire l’objet de traitements immédiats et la première fermentation exige une vigilance élevée.

Pour toutes ces raisons, les vendanges constituent bien des « travaux dont l’exécution ne peut être différée » au sens de l’article L. 7141 V. À ces raisons techniques, s’ajoutent des contraintes pratiques qui ne permettent pas aux Vignerons et Maisons de recourir à d’autres modalités d’organisation du travail.

 La vendange mobilise tous les salariés de l’entreprise auxquels s’ajoutent plusieurs dizaines de milliers de saisonniers ayant eux‑mêmes une contrainte de temps (2 semaines maximum). En réalité, les qualifications nécessaires et le manque de candidats CDD ne permettent pas d’obtenir un personnel d’encadrement (notamment sur les pressoirs) à durée déterminée. Dans ces circonstances exceptionnelles, l’organisation du temps de travail du personnel permanent affecté à la vendange suppose également des aménagements ponctuels indispensables auxquels les salariés souscrivent volontiers, car cette période constitue, pour les entreprises comme pour eux‑mêmes, un moment clé de l’activité. En témoigne un accord étendu signé à l’unanimité des partenaires sociaux le 27 avril 2011 et créant un nouvel article de la convention collective du champagne, entérinant la pratique de recours éventuel à la suspension du repos hebdomadaire.

Enfin, lever cette ambiguïté et sécuriser la situation juridique des exploitations viticoles reviendrait à préserver :

– la renommée et l’excellence du champagne français, condition ultime de son succès commercial ;

– les incidences en termes de recettes fiscales, d’exportations et d’emplois ;

– la main‑d’œuvre locale de sa raréfaction connue. Imposer une journée de repos à cette main‑d’œuvre, pour laquelle l’attrait financier des vendanges constitue la motivation principale, aggraverait considérablement les difficultés de recrutement ;

– l’ordre public de complications liées au repos simultané de centaines de milliers de personnes dans un espace géographique restreint, sans activité locale.

Si les Vignerons et Maisons ne pouvaient plus recourir à la suspension du repos hebdomadaire, la vendange en Champagne deviendrait une activité particulièrement compliquée à réaliser, ce qui impose de sécuriser juridiquement les pratiques. L’ajout au V de l’article L. 714‑1 proposé ci‑dessous permettrait de faire reconnaître explicitement et incontestablement les vendanges comme étant des « travaux dont l’exécution ne peut être différée » et constituer une circonstance exceptionnelle.

 


proposition de loi

Article unique

Le V de l’article L. 714‑1 du code rural et de la pêche maritime est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Sont notamment considérés comme ne pouvant être différés, les travaux nécessaires à la récolte et au traitement de matières susceptibles d’altération rapide faisant l’objet d’obligations réglementaires.

« Un accord collectif peut fixer les modalités de l’information à l’inspecteur du travail. »