1

Description : LOGO

N° 1471

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juillet 2023.

PROPOSITION DE LOI

exonérant d’impôt sur le revenu les indemnités perçues par les maires et adjoints de nos communes de moins de 3 500 habitants,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Michel GUINIOT, Marine LE PEN, Sébastien CHENU, Jean-Philippe TANGUY, Nicolas DUPONTAIGNAN, Hubert OTT, Franck ALLISIO, Bénédicte AUZANOT, Philippe BALLARD, Christophe BARTHÈS, Romain BAUBRY, José BEAURAIN, Christophe BENTZ, Pierrick BERTELOOT, Bruno BILDE, Emmanuel BLAIRY, Sophie BLANC, Frédéric BOCCALETTI, Pascale BORDES, Jorys BOVET, Jérôme BUISSON, Victor CATTEAU, Roger CHUDEAU, Caroline COLOMBIER, Annick COUSIN, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Grégoire de FOURNAS, Hervé de LÉPINAU, Jocelyn DESSIGNY, Edwige DIAZ, Sandrine DOGORSUCH, Nicolas DRAGON, Christine ENGRAND, Frédéric FALCON, Thibaut FRANÇOIS, Thierry FRAPPÉ, Stéphanie GALZY, Yoann GILLET, Frank GILETTI, Christian GIRARD, José GONZALEZ, Florence GOULET, Géraldine GRANGIER, Daniel GRENON, Jordan GUITTON, Marine HAMELET, Timothée HOUSSIN, Laurent JACOBELLI, Catherine JAOUEN, Alexis JOLLY, Hélène LAPORTE, Laure LAVALETTE, Julie LECHANTEUX, Gisèle LELOUIS, Katiana LEVAVASSEUR, Christine LOIR, Aurélien LOPEZLIGUORI, MarieFrance LORHO, Philippe LOTTIAUX, Alexandre LOUBET, Matthieu MARCHIO, Michèle MARTINEZ, Alexandra MASSON, Bryan MASSON, Kévin MAUVIEUX, Nicolas MEIZONNET, Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, Thomas MÉNAGÉ, Pierre MEURIN, Serge MULLER, Julien ODOUL, Mathilde PARIS, Caroline PARMENTIER, Kévin PFEFFER, Lisette POLLET, Stéphane RAMBAUD, Angélique RANC, Julien RANCOULE, Laurence ROBERTDEHAULT, Béatrice ROULLAUD, Anaïs SABATINI, Alexandre SABATOU, Emeric SALMON, Philippe SCHRECK, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Michaël TAVERNE, Lionel TIVOLI, Antoine VILLEDIEU,

députés.

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Si les édiles français et leurs adjoints disposent d’une légitimité qui leur est conférée par le suffrage de leurs concitoyens, la reconnaissance par la nation de leur engagement n’est pas toujours à la hauteur de ce dernier.

Article L. 111111 du code général des collectivités territoriales ([1])

« Les élus locaux sont les membres des conseils élus au suffrage universel pour administrer librement les collectivités territoriales dans les conditions prévues par la loi. »

Dans chaque commune, parmi ces élus locaux, certains sont désignés par leurs pairs afin de constituer l’organe exécutif de la commune. La charge de travail, mais aussi morale, induite est alors compensée avec l’attribution d’une indemnité de fonction, laquelle est régie par le code général des collectivités territoriales. En ce sens, la loi a connu bien des adaptations afin d’encadrer la mandature mais aussi la rémunération de l’élu, cherchant à la rendre attractive et accessible par le plus grand nombre, afin de renforcer l’engagement citoyen dans la vie démocratique locale.

Cette proposition de loi s’inscrit dans cette démarche de reconnaissance de la fonction de membre du conseil exécutif local en proposant de libérer de l’impôt l’indemnité de fonction.             

Avant d’examiner l’aspect juridique de la proposition de loi, il convient de dresser un état des lieux, sommaire et actuel, des difficultés auxquelles sont confrontés les élus locaux. Celles‑ci constituent le fondement de la proposition de loi : si les complications liées à l’exercice du mandat sont croissantes, la reconnaissance et l’indemnisation doivent aller de pair.

I)                  L’attraction complexe du mandat communal

Les membres des conseils municipaux sont confrontés à de plus en plus de préoccupations dans le cadre de leur mandat. Le manque d’action de la part de l’État, développant un sentiment d’abandon, et l’absence de reconnaissance accrue font que les maires sont de plus en plus nombreux à démissionner de leurs fonctions.

Les chiffres, accablants, appellent à une prise de conscience rapide.

Depuis les dernières élections municipales, soit le 28 juin 2020, 1 293 maires ont démissionné.

Ce bilan, indiqué par Monsieur le Ministre chargé des collectivités territoriales au 5 avril 2023 ([2]) est saisissant. Il représente une moyenne de 40 édiles démissionnaires, par mois.

30 % des maires de communes de moins de 3 500 habitants, lors de la précédente mandature, ne souhaitaient pas se représenter en 2020, et 24 % étaient hésitants, en particulier du fait du difficile exercice de leur mandat ([3]). Celles‑ci sont particulièrement nombreuses ([4]) ([5]) ([6]) :

– gestions de crise, lesquelles étaient de moindre importance ;

– violences physiques, morales, et autres menaces ;

– budgets de fonctionnement en diminution ;

– mandat chronophage difficile à concilier avec une vie professionnelle et une vie personnelle ;

– explosion des contentieux liés à l’accroissement de la responsabilité des élus ;

– poids des intercommunalités qui réduisent les capacités, les libertés et l’indépendance des communes ;

– associations d’habitants qui vont à l’encontre des politiques communales ;

– découragements liés à un accroissement de la bureaucratie et des normes ;

– installation de migrants à l’encontre de la volonté de la population locale ;

– exode urbain ;

– urbanisme punitif ;

– dévouement mal reconnu.

Il est donc indispensable d’améliorer le statut de l’élu.

Dans l’Oise, par exemple, depuis les élections municipales de 2020, 21 maires ont démissionné, 130 adjoints, et 351 conseillers municipaux ([7]).

Cette proposition de loi insiste sur les incitations économiques, en écartant de l’imposition les indemnités de fonction perçues par les maires et adjoints des communes de moins de 3 500 habitants, à condition qu’ils ne disposent que d’un seul mandat électif, synonyme d’un dévouement particulièrement important à leur commune et leurs administrés.

II)              Les incitations financières au profit des élus locaux

L’indemnisation du mandat d’élu local, en particulier dans les petites communes, a fait l’objet d’un grand nombre de modifications avant d’accéder au statut que nous lui connaissons aujourd’hui.

Il est à préciser que l’emploi du mot « indemnité », qui n’est pas discuté depuis 1831, est symbole d’une volonté forte de la part de l’État français de ne pas induire une professionnalisation de la fonction d’édile. L’esprit de cette loi est de continuer à encourager l’engagement citoyen, en particulier dans les petites communes, en exonérant l’indemnité de fonction perçue de toute imposition.

a)     Un mandat gratuit indemnisé

Sur l’aspect financier, la loi de 1831 ([8]) posait le principe de la gratuité du mandat.

Selon les termes de son article 1er, « les fonctions des maires, des adjoints et des autres membres du Conseil municipal ne peuvent donner lieu à aucune indemnité ni frais de représentation. ».

Si le principe continue d’être repris par l’article L. 2123‑17 du code général des collectivités territoriales, il faut préciser que certaines nuances y ont été apportées.

L’exposé des motifs de la loi municipale de 1855 ([9]) reconnaissait l’imperfection de l’article 1er sans toutefois y apporter une correction.

Il faudra attendre l’article 74 de la loi sur l’organisation communale de 1884 ([10]), complétée par la loi budgétaire de 1912 ([11]), pour permettre aux élus de bénéficier de premiers remboursements sur les frais qu’ils avancent dans le cadre de leurs fonctions, sous conditions, restrictions et contrôle.

Les ordonnances sur les indemnités de fonctions aux maires et adjoints de 1944 ([12]) et 1945 ([13]) posent les bases du régime indemnitaire, en créant les indemnités de fonction et en attribuant leur charge aux budgets communaux.

Toutefois, il faudra attendre 1972 ([14]) pour que les maires et leurs adjoints puissent être affiliés au régime de retraite de l’IRCANTEC, leur offrant enfin la possibilité d’accéder à une retraite.               

Ce régime de retraite était indispensable en raison de l’engagement fort et constant des élus pour leurs communes, qui ne leur permettait plus de continuer à travailler et donc à cotiser.

b)    Le barème d’indemnités de fonctions

Initialement, le code des communes disposait d’un article L. 123‑4, créé en 1977 ([15]), lequel prévoyait une indemnité maximale déterminée par décret pris en Conseil d’État pour indemniser la fonction d’élu local.

Cet article, modifié en 1992 ([16]) pour faire référence à un barème, a établi les prémices de l’article L. 2123‑20 du code général des collectivités territoriales tel qu’actuellement appliqué.

Article L. 212320 du code général des collectivités territoriales[17]

« I.- Les indemnités allouées au titre de l’exercice des fonctions de maire et de président de délégation spéciale et les indemnités maximales pour l’exercice effectif des fonctions d’adjoint au maire des communes, de conseiller municipal des communes de 100 000 habitants et plus ou de membre de délégations spéciales qui fait fonction d’adjoint sont fixées par référence au montant du traitement correspondant à l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique. »

Ledit traitement précisé par un barème figurant à l’article L. 2123‑23 du code général des collectivités territoriales.

Ce barème, depuis son intégration dans le code général des collectivités territoriales en 1996 ([18]), a été revu à plusieurs reprises :

– En 2000, par une majoration du barème de l’article L. 2123‑23 du code général des collectivités territoriales, a raison de 41,6 % supplémentaires pour les maires de communes de moins de 500 habitants, 82,3 % pour les maires de communes de moins de 1 000 habitants, et 38,7 % pour les maires de communes de moins de 3 500 habitants ([19]) ;

– En 2015, en ouvrant aux conseils municipaux la possibilité d’aller au‑delà du barème ([20]) ;

– En 2019, par une nouvelle majoration du barème, a raison de 50 % supplémentaires pour les maires de communes de moins de 500 habitants, 30 % pour les maires de communes de moins de 1 000 habitants, et 20 % pour les maires de communes de moins de 3 500 habitants ([21]).

En effet, si l’article L. 2123‑23 du code général des collectivités territoriales fixe le montant de l’indemnité de fonction, lesquelles ont été souvent augmentées ces dernières décennies, signe de la reconnaissance de la nation aux élus, il convient de se pencher également sur la façon dont ces dernières sont imposées.

c)     L’imposition de ces indemnités

Le régime général de l’imposition des indemnités de fonction est régi par l’article 80 undecies B du code général des impôts.

Article 80 undecies B du code général des impôts ([22])

« I.  Les indemnités de fonction perçues par les élus locaux en application du code général des collectivités territoriales sont imposables à l’impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. »

Par la suite, cet article est complété par un affranchissement de l’impôt.

En effet, la loi de finance pour 2017 ([23]), dans son article 10, vient inclure un affranchissement de l’imposition de cette indemnité pour les maires des communes de moins de 500 habitants, dans l’article 81 du code général des impôts.

L’article 4 de la loi de finance pour 2019 ([24]) inclut ensuite l’affranchissement des indemnités de fonctions pour les élus locaux des communes de moins de 3 500 habitants, selon des conditions et des seuils qui ont disparus.

La loi de finance pour 2020 ([25]), en son article 3, élargit l’assiette de l’affranchissement de l’impôt en liant ce dernier a un prorata de l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique ( % IB 1027).

La proposition de loi vise donc à permettre aux élus locaux, de petites communes, disposant d’une seule indemnité de fonction, de bénéficier de la totalité de leur indemnité, en appliquant le seuil d’exonération à leur rémunération.

III)          Le texte de loi

La proposition de loi se détaille de la façon suivante :

En son article premier, la proposition de loi vise à établir un affranchissement de l’impôt pour les élus locaux dans les communes de moins de 3 500 habitants pour leurs indemnités de fonction, à la condition qu’ils ne soient titulaires que d’un seul mandat.

En son article 2, la proposition de loi prévoit que la perte de recette pour l’État est compensée par la majoration de la taxe sur les tabacs.

 

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

La troisième phrase du 1° de l’article 81 du code général des impôts est ainsi modifiée :

1° Après le mot : « habitants », sont insérés les mots : « soit à concurrence d’un montant égal à 51,6 % du montant du traitement correspondant à l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique, s’il n’y a qu’un seul mandat, soit » ;

2° Les mots : « quel que soit le nombre » sont remplacés par les mots : « s’il y a pluralité »

Article 2

La perte de recette pour l’État, est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1])  Version en vigueur au 5 juin 2023.

([2])  Réponse de Monsieur Christophe Bechu, Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la question de Monsieur Franck Menonville, Sénateur de la Meuse, apportée en séance publique le 5 avril 2023 et publiée au Journal officiel de la République française n° 82 le 6 avril 2023.

([3])  Foucault, Martial. Troisième enquête de l’Observatoire de la démocratie de proximité AMF‑CEVIPOF/Science Po. Parue le 14 novembre 2019.

([4])  Lascombe, Ludovic, Courrier Picard. En Haute Somme, le fléau des démissions dans les conseils municipaux. Paru le 18 avril 2023. Disponible sur https ://www.courrierpicard.fr/id407052/article/20230418/enhautesommelefleaudesdemissionsdanslesconseilsmunicipaux

([5])  Merieau, Benjamin, Courrier Picard. Dix maires et 283 adjoints ont claqué la porte de la mairie en 2022 : Pourquoi les élus démissionnentils autant dans l’Oise. Paru le 11 mars 2023. Disponible sur https ://www.courrierpicard.fr/id395359/article/20230311/dixmaireset283adjointsontclaquelaportedelamarieen2022pourquoiles#

([6]) Dauce, Jeanne, France Bleu. « On est complètement seuls » : les maires ruraux de plus en plus nombreux à rendre leur écharpe. Paru le 3 avril 2023. Disponible sur https ://www.francebleu.fr/infos/societe/onestcompletementseulslesmairesrurauxdeplusenplusnombreuxarendreleurecharpe5564761

([7])  Pasquier, Valentin, France 3 HautsdeFrance. Temoignange. « C’est un échec » : dans les HautsdeFrance, de nombreuses démissions de maires et de conseillers municipaux depuis 2020. Paru le 22 mars 2023. Disponible sur https ://france3regions.francetvinfo.fr/hautsdefrance/nord0/lille/temoignagecestunechecdansleshautsdefrancedenombreusesdemissionsdemairesetdeconseillersmunicipauxdepuis20202737790.html

([8])  Loi n° 91 du 21 mars 1831 sur l’organisation municipale, publiée au Bulletin des lois du Royaume de France n° 25 le 23 mars 1831.

([9]) Loi n° 2635 du 5 mai 1855 sur l’organisation communale, publiée au Bulletin des lois de l’Empire français n° 291 le 9 mai 1855.

([10])  Loi du 5 avril 1884, publiée au Journal officiel de la République française n° 96 le 6 avril 1884.

([11])  Loi du 27 février 1912, publiée au Journal officiel de la République française n° 58 le 28 février 1912.

([12])  Ordonnance du 26 juillet 1944, publiée au Journal officiel de l’État Français n° 195 le 15 août 1944.

([13])  Ordonnance n° 45‑269 du 21 février 1945, publiée au Journal officiel de la République française n° 45 le 22 février 1945.

([14])  Loi n° 72‑1201 du 23 décembre 1972, publiée au Journal officiel de la République française n° 0303 du 29 décembre 1972.

([15])  Décret n° 77‑90 du 27 janvier 1977, publié au Journal officiel de la République française n° 28 du 3 février 1977.

([16])  Loi n° 92‑108 du 3 février 1992, publiée au Journal officiel de la République française n° 30 du 5 février 1992.

([17])  Version en vigueur au 5 juin 2023.

([18])  Loi n° 96‑142 du 21 février 1996, publiée au Journal officiel de la République française n° 47 le 24 février 1996.

([19])  II. de l’article 13 de la loi organique n° 2000‑294 du 5 avril 2000, publiée au Journal officiel de la République française n° 82 du 6 avril 2000.

([20])  III. de l’article 3 de la loi n° 2015‑366 du 31 mars 2015, publiée au Journal officiel de la République française n° 0077 du 1er avril 2015.

([21])  2° de l’article 92 de la loi n° 2019‑1461 du 27 décembre 2019, publiée au Journal officiel de la République française n° 0301 du 28 décembre 2019.

([22])  Version en vigueur au 5 juin 2023.

([23])  Loi n° 2016‑1917 du 29 décembre 2016, publiée au Journal officiel de la République française n° 0303 le 30 décembre 2016.

([24])  Loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018, publiée au Journal officiel de la République française n° 0302 le 30 décembre 2019.

([25])  Loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019, publiée au Journal officiel de la République française n° 0302 le 29 décembre 2019.