1

Description : LOGO

N° 1492

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juillet 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer une procédure de prérecrutement des professeurs
de l’Éducation nationale,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éduction, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Paul VANNIER, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Léo WALTER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les rentrées scolaires sous la présidence d’Emmanuel Macron se succèdent et se ressemblent : recrutements expéditifs d’enseignants contractuels formés quelques jours pendant l’été, postes d’enseignants vacants dès le mois de septembre, impossibilité de remplacer les absences de courte durée… La « crise du recrutement des enseignants » est devenue un marronnier dans les médias. Sans surprise, le nombre de candidats présents cette année lors des concours de recrutement annonce une rentrée scolaire aussi catastrophique que les précédentes.

Le manque d’enseignants à la rentrée pourrait être amplifié par le fait que le nombre de postes ouverts aux concours de professeurs des écoles est le plus faible depuis 2013. Chaque année des milliers de postes sont perdus faute de candidats : si 2022 comptabilise 2 442 postes perdus (dont les 286 au concours supplémentaire de Créteil) pour le premier degré, le cumul des pertes de postes atteint 7 959 depuis 2013 hors concours supplémentaires ! En 2023, 1 534 postes ont déjà été perdus tous concours confondus selon le SNUIPP‑FSU. Ainsi, 6 837 postes, hors académie de Mayotte dont les résultats ne sont pas encore publiés, ont été pourvus sur les 8 174 postes offerts aux concours externes de professeurs des écoles. Comme chaque année, les académies de Créteil, Versailles et la Guyane sont particulièrement déficitaires. Près de 70 % des postes ouverts au concours de l’académie de Guyane ne sont pas pourvus (115 postes sur 165), de même pour près de la moitié des postes de l’académie de Créteil (561 postes sur 1 166), et 45 % des postes de l’académie de Versailles 578 sur 1 285). L’académie de Créteil prévoit déjà le recrutement de 500 contractuels supplémentaires pour la rentrée de septembre, l’académie en dénombrant 3 700 actuellement. De même pour l’académie de Versailles : 500 contractuels devront être recrutés en primaire et 250 pour les collèges et lycées.

Dans le second degré, les enseignants de collège et lycée manqueront également à la rentrée. En lettres classiques, seulement 47 admissibles pour 134 postes offerts (65 % de postes d’ores et déjà vacants, avant même les résultats d’admission). En allemand, 101 admissibles pour 205 postes offerts (plus de 50 % de postes vacants). En physique‑chimie, il manquera également des enseignants après les épreuves d’admissibilité avec 429 admissibles pour 440 postes ouverts.

Les conséquences pour les élèves sont désastreuses. Dans son rapport ([1]) remis au ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse le 25 juillet 2022, la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur révèle une augmentation de 50 % des saisines en raison de l’absence de professeurs. Elles ont doublé en cinq ans car le nombre d’enseignants non remplacés explose. Les atteintes au droit à l’éducation, garanti par la Constitution, se généralise. Le Préambule de Constitution du 27 octobre 1946 dispose pourtant « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ».

Cette crise structurelle est bien sûr liée à la faible rémunération des enseignants et la dégradation des conditions de travail au sein de l’Éducation Nationale. Le 6 janvier 2020, Jean‑Michel Blanquer annonce une “revalorisation historique” des professeurs. Le 7 juillet 2022, son successeur Pap Ndiaye explique vouloir “créer un choc d’attractivité”. Des promesses répétées ad nauseam mais jamais respectées. Cumulées, les augmentations depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2022 ne permettent même pas de compenser l’inflation ces deux dernières années pour tous les enseignants. Le pacte enseignant, qui n’est qu’une déclinaison du principe sarkozyste “travailler plus pour gagner plus” est une insulte aux enseignants qui travaillent 43h en moyenne par semaine. Nous proposons de revaloriser le traitement des personnels de 15 % pour rattraper le gel du point d’indice et de revaloriser les grilles indiciaires dans le cadre d’une négociation avec les organisations syndicales afin d’atteindre une augmentation moyenne de 30 % au total.

Il est par ailleurs nécessaire d’élargir le vivier de candidats aux postes d’enseignants afin de diversifier leur profil. Plusieurs travaux parlementaires ont abouti à la même conclusion et proposent de mettre en place une procédure de pré‑recrutement des professeurs.

Ainsi, la communication de Rodrigo Arenas et Cécile Rilhac ([2]), rapporteurs de la mission « flash » sur le recrutement, l’affectation et la mobilité des enseignants du premier degré du 23 novembre 2022 met en lumière “une réduction du vivier des candidats, dont témoigne la part croissante de postes non pourvus au concours de recrutement de professeurs des écoles (16,9 % en 2022)”. Les rapporteurs expliquent qu’ “Un premier levier d’action réside dans l’élargissement et la diversification du vivier de recrutement. Nos auditions ont d’abord souligné l’importance d’accompagner les étudiants tout au long de leur cursus de formation, et ce dès la fin du lycée, pour identifier ceux qui pourraient être intéressés par ces carrières et leur donner toutes les chances de réussir. L’idée est également de diversifier les profils des futurs enseignants.” “Pour M. Arenas, il s’agirait plutôt d’une école de formation dès la fin du lycée, en cinq ans, dispensant une formation rémunérée, corrélée à une contrepartie sous forme d’années d’engagement au service de l’État. Cette nouvelle filière, qui constituerait une voie de formation parmi d’autres, non exclusive d’autres cursus, permettrait de diversifier les parcours et contribuerait à une plus grande mixité des profils, dès lors que la durée des études et leur coût ne seraient plus un frein pour les étudiants issus de catégories sociales moins favorisées. Une plus grande mixité sociale permettrait d’avancer vers une plus grande mixité scolaire, et conduirait l’école à être davantage le reflet de la société dans laquelle nous vivons.

De même le rapport d’information sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2019791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance dont Géraldine Bannier et Jérôme Legavre ont été rapporteurs. Dans sa seizième recommandation, Jérôme Legavre préconise “la création d’une nouvelle voie de recrutement des personnels enseignants et de vie scolaire afin de favoriser l’accès des jeunes de tous les milieux sociaux aux métiers de l’Éducation nationale. Ce prérecrutement serait ouvert aux titulaires d’un baccalauréat qui effectueraient une formation pendant cinq ans. Ce prérecrutement serait également ouvert aux titulaires d’une licence qui effectueraient une formation pendant deux ans. Ces élèves auraient le statut de fonctionnaires stagiaires et seraient rémunères en conséquence. Les formations seraient organisées au sein d’écoles professionnelles de l’enseignement, créées en lien avec le monde universitaire.

Nous proposons dans cette proposition de loi d’appliquer ces préconisations.

L’article 1er prévoit la création d’une nouvelle voie de recrutement des personnels de l’éducation afin de favoriser l’accès des jeunes de tous les milieux sociaux aux métiers de l’Éducation nationale. Ce pré‑recrutement est ouvert aux titulaires d’un baccalauréat qui effectueront une formation pendant 5 ans. Ce pré‑recrutement est également ouvert aux titulaires d’une licence qui effectueront une formation pendant 2 ans. Ces élèves ont le statut de fonctionnaire stagiaire et sont rémunérés en conséquence. Les assistants d’éducation (AED) pourront notamment en bénéficier. Les formations sont organisées au sein des écoles professionnelles de l’enseignement, qui seront créées en lien avec le monde universitaire.

L’article 2 prévoit l’ouverture systématique d’une liste complémentaire aux concours de recrutement des personnels de l’éducation nationale. En cas de vacances de postes, les candidats inscrits sur la liste complémentaire y pourvoient. Aucun nouveau personnel contractuel ne peut être recruté avant l’épuisement de la liste complémentaire du concours correspondant à la fonction exercée.

L’article 3 gage la proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 625‑1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 625‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 62511. – Les écoles professionnelles de l’enseignement organisent la formation initiale des futurs enseignants et des personnels d’éducation recrutés par des concours ouverts aux titulaires d’un baccalauréat ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation. Elles organisent la formation initiale des futurs enseignants et des personnels d’éducation recrutés par des concours ouverts aux titulaires d’une licence ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur. Les élèves ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen acquièrent, s’ils ne sont pas déjà fonctionnaires, la qualité de fonctionnaire stagiaire. Les élèves admis à titre étranger qui acquièrent en cours de scolarité la nationalité française ou celle d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ont la qualité de fonctionnaire stagiaire à compter de la date de cette acquisition.

« La durée de la scolarité des élèves est de cinq ans pour les élèves issus du concours mentionné à la première phrase et de deux ans pour les élèves issus du concours mentionné à la deuxième phrase de cet article. Les modalités de congés sans traitement et de redoublement sont fixées par un arrêté conjoint du ministère en charge de l’enseignement supérieur et du ministère en charge de l’éducation.

« Les élèves fonctionnaires stagiaires sont tenus d’exercer une activité professionnelle durant dix ans comptés à partir de leur entrée à l’école, dans des conditions fixées par un arrêté conjoint du ministère en charge de l’enseignement supérieur et du ministère en charge de l’éducation. »

Article 2

Après l’article L. 912‑1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 912‑1‑1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 91211 A. – Une liste complémentaire est ouverte pour chacun des concours externes de recrutement des enseignants et des personnels d’éducation. Elle permet le remplacement des candidats inscrits sur la liste principale qui ne peuvent pas être nommés et de pourvoir des vacances d’emplois survenant dans l’intervalle de deux concours. Les candidats reçus sont nommés stagiaires au fur et à mesure des vacances d’emploi. Aucun nouvel agent non titulaire exerçant, dans des établissements d’enseignement du premier ou du second degré publics ou privés sous contrat d’association, des fonctions d’enseignement, d’éducation ou d’information et d’orientation ne peut être recruté avant l’épuisement de la liste complémentaire du concours correspondant à cette fonction. »

Article 3

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1])https://www.education.gouv.fr/rapport-2021-de-la-mediatrice-de-l-education-nationale-et-de-l-enseignement-superieur-342235

([2]) https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/503121/4889307/version/1/file
/Mission+flash+recrutement+mobilit%C3%A9+enseignants+-+communication.pdf