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N° 1574

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à harmoniser les prérogatives des officiers de police judiciaire avec celles des agents des douanes,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Christophe BLANCHET, Romain DAUBIÉ, Josy POUEYTO, Mathilde DESJONQUÈRES, Bruno MILLIENNE, Laurent CROIZIER, Bruno FUCHS, Marina FERRARI, Hubert OTT, Anne-Laure BABAULT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces a récemment été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. Ce texte confère de nouvelles prérogatives aux agents de l’administration des douanes, qui leur permettront de mieux lutter contre des fraudes douanières de plus en plus diverses et de mieux en mieux organisées. Parmi ces dispositions figure la possibilité pour les douaniers de procéder à des coups d’achats de marchandises contrefaisantes et de médicaments falsifiés. Le trafic de produits contrefaisants connaît en effet un essor important depuis plusieurs années et représente un réel danger pour l’activité économique française.

L’adoption de ce projet de loi vient renforcer une situation législative déjà présente sur le plan de la lutte contre les trafics illégaux. Cependant, cette situation se caractérise par une profonde asymétrie entre les prérogatives dont disposent les services de la douane et ceux de la police judiciaire dans ce domaine. Qu’il s’agisse de prérogatives ordinaires ou de techniques spéciales d’enquête (TSE), l’administration des douanes est désormais dotée d’un arsenal juridique plus important que ceux des unités et services de la police judiciaire de la gendarmerie et de la police nationale. Pour reprendre l’exemple évoqué ci‑dessus, alors que les officiers et agents de police judiciaire ne sont autorisés à effectuer des coups d’achat que pour les produits stupéfiants (article 706‑32 du code de procédure pénale) et pour les armes (article 706‑106 du code de procédure pénale), les douaniers peuvent dorénavant, dans le cadre d’une enquête, acquérir des produits stupéfiants, des armes, des marchandises contrefaisantes, des médicaments falsifiés ainsi que des produits du tabac manufacturé.

À ce titre, il convient de rappeler quelques chiffres. Le trafic de stupéfiants représente en France trois milliards d’euros par an. Les trafics de produits du tabac manufacturé et de contrefaçons représentent quant à eux trois et dix milliards d’euros par an de pertes pour les entreprises et pour les finances publiques respectivement. De plus, les marchandises contrefaisantes et les médicaments falsifiés importés sur le territoire national contiennent bien souvent de nombreux composants toxiques et dangereux pour l’organisme et leur trafic fait donc peser de graves risques sur l’environnement, ainsi que sur la santé des Français. Or, les unités spécialisées de la gendarmerie, plus particulièrement L’oclaesp (Office centrale de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique), pourtant compétente et chef de file dans ce domaine, dispose ici de moins d’attributions que les agents de l’administration des douanes.

Dès lors, l’impossibilité pour les officiers et agents de police judiciaire de faire usage des mêmes techniques d’enquête que les douaniers en ce qui concerne la lutte contre ce type de trafic apparaît comme un frein et doit faire l’objet d’un rattrapage sur le plan législatif. C’est ici l’objet de la présente proposition de loi qui a pour ambition de procéder à une harmonisation des prérogatives des unités et services de la police judiciaire avec celles de l’administration des douanes. Pour cela, son article 1 permettra d’homogénéiser les dispositions relatives aux coups d’achats réalisables par les officiers de police judiciaire avec ceux prévus par les dispositions du code des douanes. Son article 2 étend quant à lui les dispositions de l’article 706‑73 du code de procédure pénale dans le cadre des délits de contrefaçon commis en bande organisée pour bénéficier de l’ensemble des techniques spéciales d’enquête, selon qu’il s’agisse de contrefaçon de marque, de médicament, de tabac manufacturé ou de contrebande de toute autre marchandise prohibée au sens du code des douanes.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article 706‑106 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 706106.  Sans préjudice des articles 706‑81 et 706‑87 et aux seules fins de constater les infractions mentionnées au 1° de l’article 706‑2‑2, au 12° de l’article 706‑73, aux articles 311‑4‑2 et 322‑3‑2 du code pénal et aux articles L. 335‑2, L. 335‑3, L. 335‑4, L. 343‑4, L. 521‑10, L. 615‑14, L. 716‑9 et L. 716‑10 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que les délits mentionnés aux articles 414, 414‑2 et 459 du code des douanes, d’en identifier les auteurs et les complices et d’effectuer les saisies prévues au présent code, les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire placés sous leur autorité peuvent, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, sans être pénalement responsables de ces actes :

« 1° Acquérir des biens objets de ces infractions ainsi que les marchandises en infraction au titre des délits mentionnés au premier alinéa du présent article, y compris les espèces de la faune et de la flore sauvages inscrites aux annexes du règlement CE n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996, relatif à la protection des espèces de la faune et de la flore sauvages par le contrôle de leur commerce, ainsi que les produits et les parties de ces spécimens ;

« 2° En vue de l’acquisition des biens mentionnés au 1°, mettre à la disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique et financier ainsi que les moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication.

« À peine de nullité, l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction. »

Article 2

Après le 20° de l’article 706‑73 du code de procédure pénale, sont insérés des 21° à 23° ainsi rédigés :

« 21° Délits réprimés au dernier alinéa de l’article 414 du code des douanes, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ;

« 22° Délits d’atteinte à la propriété intellectuelle, prévus par les articles L. 335‑2, L. 335‑3, L. 343‑4, L. 521‑10, L. 716‑9 et L. 716‑10 du code de la propriété intellectuelle lorsqu’ils sont commis en bande organisée ;

« 23° Délits relatifs aux médicaments falsifiés, ou autres produits ou substances pharmaceutiques réglementées, ou dispositifs médicaux, qu’ils soient destinés à l’homme ou l’animal, tels qu’ils sont prévus aux articles L. 5421‑2, L. 5421‑13, L. 5426‑1, L. 5432‑1, L. 5432‑2, L. 5432‑3, L. 5438‑4, L. 5438‑6, L. 5439‑1, L. 5439‑2, L. 5442‑10, L. 5442‑14, L. 5461‑3 et L. 5462‑3 du code de la santé publique, lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans. »