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N° 1630

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à encadrer l’intelligence artificielle par le droit d’auteur,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume VUILLETET, Claire PITOLLAT, Olga GIVERNET, Dominique DA SILVA, Stella DUPONT, Émilie CHANDLER, Estelle FOLEST, Cécile RILHAC,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il existe un défi économique, culturel et juridique majeur lié au développement effréné de l’intelligence artificielle (IA) qu’il convient de régler urgemment.

L’article L. 112‑1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. ».

L’article L. 121‑1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre ».

Face à l’IA, écosystème qui avance à pas de géant, le législateur doit protéger impérativement les auteurs et artistes de la création et de l’interprétation selon un principe humaniste, en accord juridique avec le Code de la propriété Intellectuelle. Et ceci même si les possibilités que nous offrent les intelligences artificielles bouleversent nos catégories traditionnelles et que de nombreuses questions demeurent pour le moment sans réponse.

À titre d’exemple, en 2016, un tableau de Rembrandt, « the Next Rembrandt » (« le prochain Rembrandt ») a été conçu par un ordinateur et réalisé par une imprimante 3D, 351 ans après la mort du peintre. L’évolution exponentielle de l’IA à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui oblige à chercher et trouver une parade pour endiguer ce qui, dès à présent, nous semble être une menace et probablement un désastre à venir pour la création, qu’il s’agisse des arts plastiques, de l’image photographique, des livres, de la musique, des articles scientifiques ou de presse, etc. Autant de secteurs déjà précaires, d’autant plus fragiles économiquement car soumis, en termes de rémunération, aux droits d’auteur à la française.

À cet effet, contrôler strictement l’exploitation des œuvres générées par l’IA permettrait de collecter plus facilement les rémunérations perçues sur ces œuvres et de garantir une rémunération juste et équitable pour leur exploitation, contribuant ainsi à l’encouragement de l’innovation et à la promotion de la diversité artistique. Le tout permis par la traçabilité en rendant identifiables les auteurs et artistes qui auraient dû bénéficier d’une demande d’autorisation avant que leurs créations et interprétations ne soient avalées par un algorithme qui s’en sert ou s’en inspire aux côtés de milliers d’autres.

La crédibilité de l’image photographique, celle des textes proposés comme des informations d’actualité, l’encadrement de vidéos fruits de montages numériques méritent notre vigilance la plus appuyée. Ils soulèvent des questions d’éthique et de nécessaire principe de précaution. Ils induisent la possible remise en cause de notre libre arbitre. Ils agitent des enjeux majeurs qui détermineront la survie de notre créativité et le chemin tracé par notre champ culturel dans les années à venir.

Il convient de délimiter les frontières éthiques de l’IA, afin de prévenir toute échappée incontrôlée de créations protégées. Par le biais de l’article 4, nous suggérons donc l’établissement d’une taxation visant à valoriser la création au profit de l’entité chargée de la gestion collective, lorsque des œuvres de l’esprit sont engendrées par un dispositif d’intelligence artificielle à partir d’œuvres dont l’origine demeure incertaine. Cette mesure a pour dessein d’inciter les systèmes d’IA à respecter le droit d’auteur et à favoriser la création, renforçant ainsi l’exception culturelle française.


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 131‑3 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’intégration par un logiciel d’intelligence artificielle d’œuvres de l’esprit protégées par le droit d’auteur dans son système et a fortiori leur exploitation est soumise aux dispositions générales du présent code et donc à autorisation des auteurs ou ayants droit ».

Article 2

L’article L. 321‑2 du code de la propriété intellectuelle est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l’œuvre est créée par une intelligence artificielle sans intervention humaine directe, les seuls titulaires des droits sont les auteurs ou ayants droit des œuvres qui ont permis de concevoir ladite œuvre artificielle.

« La gestion collective des droits sur les œuvres générées par l’intelligence artificielle peut être effectuée par des sociétés d’auteurs ou d’autres organismes de gestion collective. Ces entités sont habilitées à représenter les titulaires des droits et à percevoir les rémunérations afférentes à l’exploitation de la copie des œuvres, conformément aux règles établies par les statuts de ces sociétés.

« La rémunération prévue par l’article L. 133‑1 est perçue par un ou plusieurs organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III et agréés à cet effet par le ministre chargé de la culture.

« L’agrément prévu au premier alinéa est délivré en considération :

« 1° de la diversité des membres ;

« 2° de la qualification professionnelle des dirigeants ;

« 3° des moyens que l’organisme propose de mettre en œuvre pour assurer la perception et la répartition de la rémunération au titre l’exploitation de la copie des œuvres ;

« 4° de la représentation équitable des auteurs et des exploitants parmi ses membres et au sein de ses organes dirigeants.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de délivrance et de retrait de cet agrément ».

Article 3

L’article L. 121‑2 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas où une œuvre a été générée par un système d’intelligence artificielle, il est impératif d’apposer la mention : « œuvre générée par IA » ainsi que d’insérer le nom des auteurs des œuvres ayant permis d’aboutir à une telle œuvre ».

Article 4

L’article L. 121‑2 du code de la propriété intellectuelle, tel qu’il résulte de l’article 3 de la présente loi, est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Par ailleurs, dans l’éventualité où une œuvre de l’esprit est engendrée par un dispositif d’intelligence artificielle à partir d’œuvres dont l’origine ne peut être déterminée, une taxation destinée à la valorisation de la création est instaurée au bénéfice de l’organisme chargé de la gestion collective désigné par l’article L. 131‑3 modifié du présent code.

« Cette taxation est imposée à la société qui exploite le système d’intelligence artificielle ayant permis de générer ladite "œuvre artificielle". »

« Un décret en Conseil d’État fixe le taux et l’assiette de cette taxation ».