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N° 1650

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à conditionner la fermeture d’une classe maternelle,
élémentaire publique ou de collège à l’avis du conseil municipal,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme MarieFrance LORHO,

députée.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À l’occasion de son plan pour les écoles rurales, le gouvernement a souhaité garantir à « chaque commune rurale […] une visibilité sur les évolutions démographiques du territoire où elle se situe et [qu’elle soit] tenue informée des prévisions d’effectifs [afin de mieux] anticiper la carte scolaire et d’envisager sur trois ans des ouvertures ou fermetures de classe ([1]). » À cet effet, « la gestion des postes [devait être] envisagée de manière pluriannuelle, en concertation avec les élus, afin d’anticiper et de prendre en compte les projets territoriaux. »

Or à l’heure actuelle, pour les écoles maternelles et élémentaires publiques, « l’ouverture et la fermeture d’une classe, dès lors qu’elles n’entraînent pas la création ni la suppression d’une école, ne nécessitent pas de décision du conseil municipal. La décision d’ouvrir ou de fermer une classe, donc d’ajouter ou de retirer un poste d’enseignant, relève du directeur académique des services de l’éducation nationale ([2]). » En ce qui concerne les collèges et les lycées publics, « l’ouverture et la fermeture de classes dans les collèges et lycées, dès lors qu’elles n’entraînent pas la création ni la suppression d’un établissement, relèvent du Recteur de l’académie ».

Fermetures de classes sans avis local : la mort du « village » ?

Selon le syndicat FSU‑SNUipp, au 4 avril 2023 « 5 482 fermetures de classes [sont] actées dans l’ensemble des départements pour seulement 3 217 ouvertures. Soit un solde négatif de 2 265 classes ([3]) ! » Or, pour les élus locaux, la fermeture de l’école constitue ni plus ni moins la mort du village ([4]). Laisser au conseil municipal la prérogative de la décision fermeture d’une classe, au moins dans les communes de moins de 20 000 habitants (soit 34 531 communes ([5])), permettrait à ces édiles, qui sont aussi les meilleurs connaisseurs de la situation scolaire de la cité dont ils ont la charge, de s’opposer à la fermeture de classes absolument essentielles à la population locale. À l’heure où l’agence de la cohésion du territoire semble vouloir réaffirmer son plan action cœur de ville pour les villes moyennes, cette proposition permettrait de redonner aux villes de taille inférieure les moyens de redynamiser le centre de la ville ou du village.

Contrevenir aux investissements de l’Éducation nationale

Les décisions de fermeture peuvent également contrevenir aux investissements déployés par l’Éducation nationale et ses échelons territoriaux en faveur des investissements. Pour exemple, à Cairanne, dans la IVème circonscription de Vaucluse, la 6ème classe ouverte en 2017, avec un effectif de 121 enfants en 2022/2023 a été fermée à cette rentrée avec un effectif de 114. Cette fermeture intervient dans une école dont les enseignements bilingues français/anglais sont en train d’être généralisés, un intervenant anglophone à temps plein ayant même été nommé pour cette rentrée.

Enfin, l’école a fait l’objet d’importants travaux entre mars et juillet 2023 par l’intermédiaire de subventions (Conseil département et État - fonds verts) pour rénover la toiture et l’isolation thermique de l’établissement. En fermant l’une de ses classes, l’Éducation nationale contrevient donc à la politique dynamique qui a été menée en faveur de cette école.

Des conditions d’apprentissage réduites

Dans la même perspective, la fermeture d’une classe peut engendrer des difficultés pour les élèves et une chute du niveau scolaire du fait de regroupements entraînant un nombre plus important d’élèves au sein d’une même classe. Dans l’exemple plus haut cité de la classe de la ville de Cairanne, la fermeture de la classe de 6ème engendre une dégradation des conditions d’apprentissage des élèves, avec l’installation d’un niveau double comptant 25 enfants.

À l’occasion de la sortie de ses quinze propositions ([6]), l’Association des Petites Villes de France (APVF) a indiqué que pour « résorber les fractures des quartiers populaires », il était nécessaire de « redémarrer l’ascenseur social pour tous par l’école ». À cet effet, l’association envisageait de « ne pas fermer de classes dans un quartier populaire sans l’accord du maire ». Cette disposition, qu’il nous semble illégitime d’appliquer aux seuls quartiers dits populaires, semble pouvoir être introduite à la faveur des communes rurales, où les décisions de fermeture de classes engendre de véritables difficultés pour les habitants de ces villes et une véritable fracture locale.

C’est l’objet des deux articles de cette proposition de loi, qui conditionnent la fermeture d’une classe maternelle et élémentaire publique ainsi qu’une classe de collège à l’avis du Conseil municipal pour les communes de moins de 20 000 habitants.


 

proposition de loi

Article 1er

Le I de l’article L. 2121‑30 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les communes de moins de 20 000 habitants, la décision d’une suppression de classe des établissements mentionnés au présent I peut être soumis à la décision du conseil municipal. »

Article 2

Après le deuxième alinéa de l’article L. 213‑2 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut s’opposer, après accord du conseil municipal de la commune concernée, à la fermeture d’une classe de l’établissement ».

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1]) Plan pour notre école dans les territoires ruraux. 31.03.2023.  https://www.education.gouv.fr/plan-pour-notre-ecole-dans-les-territoires-ruraux-377810

([2]) Qui décide d’ouvrir ou de fermer des classes ? https://www.education.gouv.fr/qui-decide-d-ouvrir-ou-de-fermer-des-classes-2486

([3]) Carte scolaire : des milliers de classes fermées, 4.04.2023. https://www.snuipp.fr/actualites/posts/carte-scolaire-des-milliers-de-classes-fermees

([4]) FERRIER, Jean. L’école en milieu rural. p.31-45.  https://journals.openedition.org/ries/3305?lang=en

([5]) https://www.amf.asso.fr/page-statistiques/36010

([6]) Quinze propositions des petites villes pour résorber les fractures des quartiers populaires. 13 juillet 2023.  https://www.apvf.asso.fr/2023/07/21/les-15-propositions-des-petites-villes-pour-resorber-les-fractures-des-quartiers-populaires/