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N° 1654

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire la réduflation,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Mathilde PANOT, Caroline FIAT, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

Député.e.s.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La réduflation (mot employé au Québec, adapté du terme shrinkflation en anglais, du verbe shrink : rétrécir) est une pratique commerciale consistant à dissimuler les hausses de prix en réduisant en catimini la quantité du produit vendu, le plus souvent sans augmenter le prix sur l’étiquette.

Cette pratique s’est développée à partir des années 2000. Par exemple, en 2012, en France, la Coca‑Cola Company a fait baisser le nombre de décilitres dans ses bouteilles tout en faisant augmenter les prix, dans le but de compenser la taxe soda mise en place. Au Royaume‑Uni, le Toblerone contient depuis 2016 moins de triangles au chocolat. Au total, le quotidien Guardian a dénombré 200 produits dont la taille avait diminué à prix constant.

On constate une accélération de cette pratique, largement dénoncée par les associations et les consommateurs. Ainsi, le 1er septembre 2022, l’association Foodwatch a dénoncé une « inflation masquée » et épinglé une série de marques bien connues.

Pour ne citer que quelques exemples, d’après leur enquête, en 2020, l’eau Salvetat (Danone) a réduit la taille de ses bouteilles de 1,25 litre à 1,15 litre tout en augmentant son prix de vente de 5 %. Les boîtes de chocolats Pyrénéens de Lindt ne contiennent plus que 24 pièces au lieu de 30 tout en ayant vu leur prix augmenter de 30 %. Les sirops Teisseire ont vu leur contenance passer de 75 à 60 cl tandis que le prix de vente augmentait de 12 %. Concrètement cela s’est traduit par une augmentation du prix réel au litre de 37 %. Plus récemment, Vichy Célestins a réduit le volume d’eau contenu dans ses bouteilles de 8 % mais augmenté leur prix de 28 %, tandis que Picard a réduit le poids de son sachet de légumes à la mexicaine de 1 kg à 600 grammes mais augmenté le prix au kilo de 46 %.

Au total, près de 2 % des produits alimentaires vendus en grande surface pourraient être concernés, selon l’analyste financier John Plassard, soit au total, un produit sur 50. Cette duperie est rendue aisée par la moindre attention des consommateurs, habitués au prix de certains produits de référence et moins vigilants sur l’évolution des grammages. Elle n’a pour l’heure rien d’illégal. Pourtant, cette pratique conduit bien souvent à une augmentation du prix final du panier de produits à l’insu du consommateur.

Or, la flambée des prix atteint son plus haut niveau depuis 1985. Les produits de consommation courante voient aussi leurs prix s’envoler : +12,4 % sur un panier de produits (IRI, septembre 2022). La hausse est encore plus conséquente pour certains produits de première nécessité : +15 % pour le café, +17 % pour la farine, +29 % pour le riz et les coquillettes, +137 % pour l’huile de tournesol.

Faute de blocage des prix et d’augmentation des salaires, le quotidien de millions de Français se réduit déjà à des choix impossibles : faire le plein du frigo ou de la voiture, manger ou se chauffer. Tous les indicateurs sociaux sont déjà au rouge. Près de 8 millions de Français sont contraints de recourir à l’aide alimentaire pour subvenir à leurs besoins, 12 millions rencontrent des difficultés pour se chauffer, et 10 millions vivent en‑dessous du seuil de pauvreté. Et le pire est à craindre car l’inflation devrait avoisiner les +7 % d’ici la fin de l’année. Mais les salaires réels ont diminué de 3 % en un an. Autrement dit, cela signifie une baisse du pouvoir d’achat.

Dans ce contexte, cette pratique déloyale provoque au mieux une multiplication de déconvenues aussi surprenantes que désagréables lorsque le consommateur s’en rend compte. Au pire, elle accroît les difficultés financières de millions de Français. Ce sujet préoccupe beaucoup : le reportage de Complément d’enquête diffusé sur France 2 le 1er septembre a été regardé par 1,3 million de personnes. Mais pour l’heure, aucune marque n’a pris d’engagement clair à ce sujet.

L’association Foodwatch s’inquiète à juste titre d’une poussée de cette pratique dont elle dénonce "l’opacité". Elle réclame par le biais d’une pétition déjà signé par plus de 35 000 personnes que les fabricants et distributeurs s’engagent à informer clairement les consommateurs et consommatrices, conformément à une directive européenne de 2000. En effet, celle‑ci stipule que « les règles d’étiquetage doivent également comporter l’interdiction d’induire l’acheteur en erreur (…) Pour être efficace, cette interdiction doit être étendue à la présentation des denrées alimentaires et à la publicité faite à leur égard. »

Cette proposition de loi vise donc à considérer la réduflation comme une pratique commerciale « trompeuse » et donc prohibée. L’article 1er, par modification de l’article L. 121‑4 du code de la consommation, vise à empêcher les industriels de réduire la quantité d’un produit pour un prix équivalent ou supérieur sans clairement en informer le consommateur.


proposition de loi

Article unique

Le 6° de l’article L. 121‑4 du code de la consommation est complété par un d ainsi rédigé :

« d) D’en réduire la quantité pour un prix équivalent ou supérieur sans clairement en informer le consommateur. »