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N° 1662

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer la protection des élus locaux et de leurs familles contre les violences subies pendant et à l’issue de leur mandat,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. François CORMIERBOULIGEON,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre pays redécouvre toute la fragilité de l’État de droit et des valeurs démocratiques.

La violence envers les élus atteint aujourd’hui un seuil inacceptable. Nos maires, maires adjoints, conseillers municipaux, départementaux et régionaux incarnent les premiers maillons de la chaîne républicaine, dont les parlementaires, députés et sénateurs, sont les maillons suivants. Ils sont les porte‑voix de nos concitoyens et les artisans d’une vie harmonieuse en société dans nos territoires.

Entre 2021 et 2022, le nombre d’agressions recensées est passé de 1720 à 2 265, soit une augmentation de 32 %, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Ce constat alarmant témoigne de la difficulté croissante que les élus éprouvent pendant leur mandat et du non‑respect de leur fonction.

Cette proposition de loi a été rédigée en coopération avec M. Pierre Etienne Goffinet, président des anciens maires du Cher après une série de violences commises sur des élus locaux du Cher, comme à titre d’exemple, Mme Pascale Marq, Maire de Ménétréol‑sous‑Sancerre, M. Sébastien Peras, Maire de Ourouer‑les‑Bourdelins ou encore M. William Pelletier, Maire de Châteauneuf‑sur‑Cher. Le cas du Cher ne fait pas hélas pas exception comme en témoignent les violences lors des émeutes de juillet dernier au domicile privé de M. Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ‑les‑Roses (Val‑de‑Marne) ou contre Mme Stéphanie Von Euw, maire de Pontoise (Val‑d’Oise), mais aussi quelques mois auparavant contre M. Yannick Morez, maire de Saint‑Brévin‑les‑Pins (Loire‑Atlantique) et Jean‑Mathieu Michel, 1er adjoint au maire de Signes de (Var). Bien d’autres élus encore ont malheureusement ainsi été victimes d’une violence inouïe envers leur personne, leur famille ou leurs biens.

Protéger notre démocratie et notre République commence par préserver ceux qui la font vivre. Nos élus locaux et nationaux ne peuvent être impunément la cible de violences et d’attaques.

Les élus confrontés à cette recrudescence d’attaques se découragent à entamer les démarches nécessaires pour dénoncer lesdites incivilités et violences et faire condamner leurs auteurs. Ce découragement tente à accélérer les démissions des élus locaux en cours de mandat.

Ces dernières années deux lois ont amélioré les conditions d’exercice des mandats locaux.

La loi n° 2019‑1461 « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 constitue une première étape déterminante dans la volonté de renforcer la protection des élus. La protection fonctionnelle des maires devient un droit réel par la mise en place d’une obligation pour toutes les communes de souscrire un contrat d’assurance visant à couvrir le conseil juridique, l’assistance psychologique et les coûts découlant de leur obligation de protection à l’égard des maires, des maires‑adjoints et des conseillers municipaux délégués.

En complément, la loi n° 2023‑23 du 24 janvier 2023 a permis aux associations d’élus, aux collectivités locales, à l’Assemblée nationale, au Sénat, et au Parlement européen de se constituer partie civile afin d’accompagner les élus victimes d’agression, quelle que soit leur fonction, ainsi que leurs proches lors de la procédure en justice.

Néanmoins, face aux évènements récents, nous sommes unanimes à affirmer le besoin d’assurer la pleine sécurité des acteurs de notre si précieuse démocratie représentative.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi qui vise à renforcer la protection de tous les élus ainsi que de leurs familles.

L’article 1er vise à étendre la protection, durant l’exercice de leurs fonctions, lorsqu’ils sont victimes de violences, menaces ou outrages, à tous les élus des conseils municipaux, départementaux et régionaux à l’occasion de leur action au sein des collectivités locales où ils siègent ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou syndicats au sein desquels ils représentent leur collectivité.

L’article 2 de la présente proposition de loi vise à étendre cette protection aux familles des élus des conseils régionaux et départementaux. Les proches des élus ne peuvent être considérés comme des victimes collatérales. Source de moyen de pression ou d’intimidation envers les élus, toute atteinte à leur famille entrave gravement leur mission.

Les décisions prises par les élus dans le cadre de leur mandat ont des conséquences a posteriori de celui‑ci. Ainsi d’anciens élus demeurent la cible de violences motivées par des mesures adoptées lors de leur mandat passé.

L’article 3 prévoit d’étendre la protection des élus pendant les six années suivant la cessation de leur mandat.

L’article 4 crée un fonds de prise en charge des dépenses de protection fonctionnelle pour les communes de moins de 10 000 habitants, financé sur le budget de l’État. L’élargissement de la prise en charge par l’État du coût de l’assurance souscrite par la commune au titre de la garantie de couverture du conseil juridique, de l’assistance psychologique et des coûts résultant de l’obligation de protection des élus précités, vise à soutenir les communes assurant la protection fonctionnelle.

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L. 2123‑35 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « le suppléant ou ayant reçu délégation » sont remplacés par les mots : « et les conseillers municipaux » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « le suppléant ou ayant reçu délégation » sont remplacés par les mots : « et les conseillers municipaux » ;

c) Au troisième alinéa, les mots : « les suppléant ou ayant reçu délégation » sont remplacés par les mots : « et les conseillers municipaux » ;

d) Au quatrième alinéa, les mots : « les suppléant ou ayant reçu délégation » sont remplacés par les mots : « et les conseillers municipaux » ;

2° Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 3123‑29, les mots : « ou les conseillers départementaux ayant reçu délégation » sont remplacés par les mots : « et les conseillers départementaux » ;

3° Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 4135‑29, les mots : « ou les conseillers régionaux ayant reçu délégation » sont remplacés par les mots : « et les conseillers régionaux » ;

4° Le titre Ier du livre II de la cinquième partie est ainsi modifié :

a) La section 4 du chapitre Ier est complétée par un article L. 5211‑15‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5211151. – Le président, les vice‑présidents et les membres du conseil des établissements publics de coopération intercommunale bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par les établissements publics de coopération intercommunale conformément aux règles fixées par le code pénal, les lois spéciales et le présent code.

« L’établissement public de coopération intercommunale est tenu de protéger le président, les vice‑présidents et les membres du conseil ou comité contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.

« L’établissement public de coopération intercommunale est subrogé aux droits de la victime pour obtenir des auteurs de ces infractions la restitution des sommes versées à l’élu intéressé. Elle dispose en outre aux mêmes fins d’une action directe qu’elle peut exercer, au besoin par voie de constitution de partie civile, devant la juridiction pénale. »

b) Au premier alinéa de l’article L. 5214‑8, les mots : « et L. 2123‑18‑4, ainsi que l’article L. 2123‑24‑1 » sont remplacés par les mots : « , L. 2123‑18‑4, L. 2123‑24‑1, L. 2123‑34 et L. 2123‑35 ».

5° Le chapitre V du titre II du livre Ier de la septième partie est ainsi modifié :

a) Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 7125‑36, les mots : « ou les conseillers ayant reçu délégation » sont remplacés par les mots : « et les conseillers de l’assemblée de Guyane ».

b) Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 7227‑37, les mots : « le président du conseil exécutif et les conseillers exécutifs » sont remplacés par les mots : « et les conseillers de l’assemblée de Martinique ».

Article 2

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 3123‑29, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« La protection prévue aux deux alinéas précédents est étendue aux conjoints, enfants et ascendants directs du président du conseil départemental, des vice‑présidents et des conseillers départementaux lorsque, du fait des fonctions de ces derniers, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.

« Elle peut être accordée, sur leur demande, aux conjoints, enfants et ascendants directs du président du conseil départemental, des vice‑présidents et des conseillers départementaux, décédés dans l’exercice de leurs fonctions ou du fait de leurs fonctions, à raison des faits à l’origine du décès ou pour des faits commis postérieurement au décès mais du fait des fonctions qu’exerçait l’élu décédé. »

2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 4135‑29, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« La protection prévue aux deux alinéas précédents est étendue aux conjoints, enfants et ascendants directs du président du conseil régional, des vice‑présidents et des conseillers régionaux lorsque, du fait des fonctions de ces derniers, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.

« Elle peut être accordée, sur leur demande, aux conjoints, enfants et ascendants directs du président du conseil régional, des vice‑présidents et des conseillers régionaux, décédés dans l’exercice de leurs fonctions ou du fait de leurs fonctions, à raison des faits à l’origine du décès ou pour des faits commis postérieurement au décès mais du fait des fonctions qu’exerçait l’élu décédé. »

Article 3

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le quatrième alinéa de l’article L. 2123‑35 est ajouté : « La commune est tenue d’accorder sa protection aux élus ayant cessé leurs fonctions lorsque ceux‑ci sont victimes de violences, menaces ou outrages jusqu’à 6 ans après la fin de leur fonction. »

2° Après le troisième alinéa de l’article L. 3123‑29 est ajouté : « Le département est tenu d’accorder sa protection aux élus ayant cessé leurs fonctions lorsque ceux‑ci sont victimes de violences, menaces ou outrages jusqu’à 6 ans après la fin de leur fonction. »

3° Après le troisième alinéa de L. 4135‑29 est ajouté : « La région est tenue d’accorder sa protection aux élus ayant cessé leurs fonctions lorsque ceux‑ci sont victimes de violences, menaces ou outrages jusqu’à 6 ans après la fin de leur fonction. »

4° Après le troisième alinéa de l’article L. 5211‑15‑1 est ajouté :

« L’établissement public de coopération intercommunale est tenu d’accorder sa protection aux élus ayant cessé leurs fonctions lorsque ceux‑ci sont victimes de violences, menaces ou outrages jusqu’à 6 ans après la fin de leur fonction. »

5° Le chapitre V du titre II du livre Ier de la septième partie est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa de l’article L. 7125‑36 est ajouté : « La collectivité territoriale de Guyane est tenue d’accorder sa protection aux élus ayant cessé leurs fonctions lorsque ceux‑ci sont victimes de violences, menaces ou outrages jusqu’à 6 ans après la fin de leur fonction. »

b) Après le troisième alinéa de l’article L. 7227‑37 est ajouté : « La collectivité territoriale de Martinique est tenue d’accorder sa protection aux élus ayant cessé leurs fonctions lorsque ceux‑ci sont victimes de violences, menaces ou outrages jusqu’à 6 ans après la fin de leur fonction. »

Article 4

Le cinquième alinéa de l’article L. 2123‑35 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le nombre : « 3 500 » est remplacé par le nombre : « 10 000 ».

2° Les mots : « dans les conditions fixées à l’article L. 2335‑1 du présent code » sont remplacés par les mots : « par la création d’un fonds dédié afin d’assurer la prise en charge de l’ensemble des dépenses de protection fonctionnelle ».

Article 5

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.