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N° 1747

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer un modèle d’attribution citoyen
et pérenne des financements associatifs,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Clémence GUETTÉ, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER

député‑e‑s.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les associations sont un maillon absolument essentiel dans l’organisation de la solidarité en France : leur action pendant la crise du covid‑19, notamment, a mis en lumière leur importance mais aussi les limites auxquelles elles sont confrontées lorsqu’elles tentent de pallier l’absence d’action publique.

Plus de 61 % des associations compteraient sur les subventions publiques, déjà en baisse, pour subsister. Or les deux derniers présidents de la République, en collaboration avec la Commission européenne, ont accentué la marchandisation des activités associatives. Le développement de la commande publique via les appels d’offres au détriment des subventions entérine un changement du paradigme de financement des associations, qui deviennent prestataires de services et sont mises en concurrence.

Là où les associations étaient autrefois financées pour ce qu’elles étaient, à savoir un creuset démocratique, d’éducation populaire et d’émancipation, elles sont dorénavant financées pour ce qu’elles font. Ce système délétère oriente les choix des associations et les empêche de décider elles‑mêmes, au plus près du terrain, des thématiques sur lesquelles elles estiment nécessaire de travailler.

Les politiques des différents gouvernements depuis le premier mandat d’Emmanuel Macron rendent le secteur associatif exsangue :

– Suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) qui a entraîné une baisse des dons, puisque ces derniers en étaient déductibles ;

– Fin des contrats aidés ;

– Contraction des dépenses publiques provoquant une tendance à la baisse des subventions ;

Ces choix politiques ont notamment résulté en la destruction de 23 000 emplois dans le secteur associatif en 2017 et 2018. Cette dynamique concerne tout le secteur associatif, avec des conséquences concrètes sur la vie des gens et en particulier des publics les plus fragiles, les associations étant très présentes dans les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la ville.

Les associations sportives populaires, par exemple, sont en déréliction : la pratique d’une activité sportive pour tous est remise en cause par leur marchandisation et par l’imposition du paradigme néolibéral de recherche de rentabilité. Pourtant, le sport est la deuxième plus grande force associative française, avec 3,5 millions de bénévoles, 286 000 emplois et 317 000 associations (24 % des associations françaises). Il en va de même pour les associations culturelles, très durement frappées par la logique désastreuse du « financement sur projet » qui bureaucratise et fragilise les associations. Elles sont pourtant essentielles à la démocratisation des arts et de la culture.

Sans subvention de fonctionnement, quel avenir pour l’universalité des services culturels, éducatifs, sportifs ou écologiques que fournit le riche milieu associatif français ? Comment en assurer la continuité s’il faut rechercher la rentabilité ?

Les pouvoirs publics doivent s’engager dans le soutien et le recours aux associations en favorisant leur autonomie financière. Soutenir la vie associative est un moyen de faire vivre le débat démocratique, de légitimer le pluralisme et de développer la force d’opposition et d’initiative du peuple français.

Aujourd’hui, l’attribution des subventions est arbitraire : « la décision appartient à la seule autorité publique, qui n’est pas dans l’obligation de la motiver, puisqu’il ne s’agit pas d’une décision administrative individuelle refusant un droit » (annexe à la circulaire Premier ministre relative aux relations partenariales entre les pouvoirs publics et les associations).

Or ce mode de décision permet aux pouvoirs publics d’exercer un chantage à la subvention, utilisée comme un outil de répression, ce qui met en péril les libertés associatives. Selon le chercheur M. Thomas Chevallier, bien qu’il s’agisse d’une tendance préexistante, « depuis l’arrivée au pouvoir de M. Emmanuel Macron, il semble que les masques soient en train de tomber. L’État et les collectivités jouent de moins en moins le jeu du soutien au débat démocratique et aux contre‑pouvoirs. Ainsi, on découvre que la dépolitisation des associations par les subventions n’était qu’un trompe‑l’œil qui cachait une mise au pas par le pouvoir, ayant pendant longtemps servi à inscrire les associations dans un projet néolibéral, et prenant aujourd’hui une orientation plus franchement autoritaire. »

Pour mettre fin à ces dérives et garantir un soutien public pérenne à la vie associative, nous proposons un nouveau modèle d’attribution des subventions aux associations. La subvention doit être politisée : elle doit être citoyenne, et ne doit plus être un instrument à la seule discrétion des élus. Par ailleurs, pour éviter les pressions et le chantage, nous proposons que les subventions soient accordées dans le cadre de contrats pluriannuels.

L’article 1er vise à réduire la dimension arbitraire de l’octroi des subventions en proposant que des citoyens et des représentants du monde associatif soient associés aux décisions d’attribution des subventions aux associations.

L’article 2 propose d’établir des contrats pluriannuels avec les associations afin de leur donner une visibilité à moyen‑terme sur leur situation financière et de les mettre à l’abri du chantage à la subvention.

 

 


proposition de loi

Article 1er

Après l’article 10 de la Loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, insérer un article ainsi rédigé :

« L’autorité administrative ou l’organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial mentionné au premier alinéa de l’article 9‑1 décide de l’attribution des subventions aux associations en concertation avec un collège composé de citoyens et de représentants du monde associatif. »

Article 2

Après l’article 10 de la Loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, insérer un article ainsi rédigé :

« La subvention attribuée à une association par l’autorité administrative ou l’organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial mentionné au premier alinéa de l’article 9‑1 prend la forme d’un contrat pluriannuel. Ce contrat fixe le montant de la subvention allouée pour les 3 années suivantes. »